Rizières en feu
Enola Gay dans les cieux
vies atomisées
Laissez-moi vous transporter dans cette petite pièce à peine éclairée par la lumière du jour qui se faufile au travers des shōji (1).
Vous venez de pénétrer au coeur du chashitsu, salle dédiée à la cérémonie du thé.
Un lieu raffiné et austère constitué de matériaux naturels et laissés bruts, d'une rare simplicité mais de toute première qualité, choisis et travaillés avec soin.
Ici, règne en maître le silence, à peine troublé par le chant lointain de quelques oiseaux, le murmure d'une cascade et le doux bruissement du vent dans les feuilles parées de feu du momiji (2), prince du roji (Littéralement « sol couvert de rosée », nom japonais employé pour désigner le jardin qui mène au chashitsu).
Au centre de la pièce, se tient une belle jeune femme : Akikazu.
Assise sur le tatami en position seiza[3], elle porte un hōmongi (4) de soie, vert de jade, paré de fins et délicats motifs cousus de fils d'or qui courent sur les épaules et les manches. Ses cheveux de jais relevés en un chignon parfait intensifient la pâleur de sa peau, la délicatesse de ses traits.
Face à elle, le kama, bouilloire en fonte déposée au dessus du furo, ce brasero portatif, servant de grand réchaud et alimenté au charbon.
Le dos droit, la tête baissée en signe d'humilité, les yeux mi-clos, elle s'anime soudain, sans hâte, ni lenteur pour un ballet d'une grâce indéfinissable, à la précision de métronome.
Au sol, à sa gauche, reposent le natsume, petite boite laquée qui contient la poudre macha[5], le hishaku cette louche de bambou au long manche puis, véritable oeuvre d'art et pièce maîtresse de la cérémonie : le chawan, bol à thé transmis de génération en génération.
Elle se penche, saisit de sa main droite, le natsume puis se redresse et marque un temps avant de glisser le plat de sa main gauche sous le bel objet et doucement l'accompagner vers le sol face à elle.
La jeune femme revient à sa position initiale, respire calmement. Sa main gauche vient alors saisir la longue tige du hishaku afin de l'offrir à sa main droite qui la déposera avec soin auprès du natsume.
Akikazu s'incline alors les deux mains à plat sur le sol en un respectueux salut.
Elle ajustera les plis de son kimono sur ses cuisses et sous ses jambes à chaque retour en position seiza, purifiera chaque instrument à l'eau chaude. Tel un origami (6), elle pliera le fukusa (7) avec lequel elle essuie délicatement et lentement, le natsume et le chashaku, ou encore saisit le couvercle du kama.
Usant sans faille de chacun des gestes ancestraux, sublimés par sa grâce, Akikazu termine la mise en place par le chashaku, fin manche de bambou recourbé à l'une de ses extrémités, utilisé pour prendre une dose de thé et le chasen fouet de bambou destiné à "battre" le macha puis débute la préparation du breuvage.
L'esthétique épurée et raffinée du moindre de ses mouvement, codifiée par des générations de maîtres de thé, l'importance des sons tel que le chuchotement du fouet, le bouillonnement de l'eau ou le tintement de la cuillère sur le bol participent aux quatre principes de cette cérémonie du thé : harmonie, respect, pureté et tranquillité « Wa Kei Sei Jaku ».
Tout son être concentré, ancré dans le moment présent, Akikazu, réalise chaque action avec une application, une conscience rigoureuse. Une dernière louche d'eau froide vient apaiser l'eau bouillante et clore la cérémonie.
La jeune femme, sereine, esquisse un délicieux sourire.
Elle se sait prête.
Demain, elle honorera les siens, lors de son premier chanoyu (8).
[1] parois de papier translucide monté sur une trame en bois
[2] érable
[3] à genoux
[4] kimono
[5] thé vert
[6] art de pliage le papier
[7] étoffe de soie rouge
[8] cérémonie du thé
Vous venez de pénétrer au coeur du chashitsu, salle dédiée à la cérémonie du thé.
Un lieu raffiné et austère constitué de matériaux naturels et laissés bruts, d'une rare simplicité mais de toute première qualité, choisis et travaillés avec soin.
Ici, règne en maître le silence, à peine troublé par le chant lointain de quelques oiseaux, le murmure d'une cascade et le doux bruissement du vent dans les feuilles parées de feu du momiji (2), prince du roji (Littéralement « sol couvert de rosée », nom japonais employé pour désigner le jardin qui mène au chashitsu).
Au centre de la pièce, se tient une belle jeune femme : Akikazu.
Assise sur le tatami en position seiza[3], elle porte un hōmongi (4) de soie, vert de jade, paré de fins et délicats motifs cousus de fils d'or qui courent sur les épaules et les manches. Ses cheveux de jais relevés en un chignon parfait intensifient la pâleur de sa peau, la délicatesse de ses traits.
Face à elle, le kama, bouilloire en fonte déposée au dessus du furo, ce brasero portatif, servant de grand réchaud et alimenté au charbon.
Le dos droit, la tête baissée en signe d'humilité, les yeux mi-clos, elle s'anime soudain, sans hâte, ni lenteur pour un ballet d'une grâce indéfinissable, à la précision de métronome.
Au sol, à sa gauche, reposent le natsume, petite boite laquée qui contient la poudre macha[5], le hishaku cette louche de bambou au long manche puis, véritable oeuvre d'art et pièce maîtresse de la cérémonie : le chawan, bol à thé transmis de génération en génération.
Elle se penche, saisit de sa main droite, le natsume puis se redresse et marque un temps avant de glisser le plat de sa main gauche sous le bel objet et doucement l'accompagner vers le sol face à elle.
La jeune femme revient à sa position initiale, respire calmement. Sa main gauche vient alors saisir la longue tige du hishaku afin de l'offrir à sa main droite qui la déposera avec soin auprès du natsume.
Akikazu s'incline alors les deux mains à plat sur le sol en un respectueux salut.
Elle ajustera les plis de son kimono sur ses cuisses et sous ses jambes à chaque retour en position seiza, purifiera chaque instrument à l'eau chaude. Tel un origami (6), elle pliera le fukusa (7) avec lequel elle essuie délicatement et lentement, le natsume et le chashaku, ou encore saisit le couvercle du kama.
Usant sans faille de chacun des gestes ancestraux, sublimés par sa grâce, Akikazu termine la mise en place par le chashaku, fin manche de bambou recourbé à l'une de ses extrémités, utilisé pour prendre une dose de thé et le chasen fouet de bambou destiné à "battre" le macha puis débute la préparation du breuvage.
L'esthétique épurée et raffinée du moindre de ses mouvement, codifiée par des générations de maîtres de thé, l'importance des sons tel que le chuchotement du fouet, le bouillonnement de l'eau ou le tintement de la cuillère sur le bol participent aux quatre principes de cette cérémonie du thé : harmonie, respect, pureté et tranquillité « Wa Kei Sei Jaku ».
Tout son être concentré, ancré dans le moment présent, Akikazu, réalise chaque action avec une application, une conscience rigoureuse. Une dernière louche d'eau froide vient apaiser l'eau bouillante et clore la cérémonie.
La jeune femme, sereine, esquisse un délicieux sourire.
Elle se sait prête.
Demain, elle honorera les siens, lors de son premier chanoyu (8).
[1] parois de papier translucide monté sur une trame en bois
[2] érable
[3] à genoux
[4] kimono
[5] thé vert
[6] art de pliage le papier
[7] étoffe de soie rouge
[8] cérémonie du thé