Attention, crapaud venimeux : ne pas embrasser
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Dans une jolie maison de campagne avec de grands arbres et un bel étang, une petite fille se retrouva un jour le visage plein de boutons fort disgracieux. Comme raison à son triste état, elle pointa du doigt un gros crapaud qui prenait le soleil sur un nénuphar...
— Ils veulent combler la mare, nous n'avons pas le choix : on doit éviscérer Bubulle sur la table du jardin et leur donner en offrande !
— Non non non ! Moi je propose plutôt de l'attacher dans l'allée pour qu'il se fasse écraser par leur voiture !
Enfoncé dans la vase de la mare, le crapaud Bubulle ronflait, inconscient du fait que la fin de sa vie se discutait à deux pattes de là. Les bulles qu'il créait ainsi montaient à la surface régulièrement, produisant des « pop » « pop » pop » apaisants au milieu de tout ce brouhaha.
À terre se tenait l'assemblée des grenouilles, une quinzaine des grenouilles éminentes qui coassaient tellement fort qu'elles allaient finir par attirer les humains si elles continuaient.
— Dépêchons un peu, vous savez bien que nos vies ne tiennent plus à grand-chose ! Alors, comment allons-nous le sacrifier ? lança Chacalle, celle qui avait proposé de l'éviscérer.
— C'est vrai que ta solution est pas mal, Chacalle, au moins, même un humain serait capable de comprendre ce message. Alors que s'il finit écrasé par leur voiture, ils ne s'en rendraient peut-être même pas compte, réfléchis à haute voix une petite grenouille qui ne s'était pas encore exprimée.
— Et bien moi, je pense qu'il n'est pas coupable, lançais-je alors, plutôt fier de mon effet : plus un coassement.
J'aimais bien mes frères et sœurs, mais parfois ils ne réfléchissaient pas beaucoup plus loin que leur museau. La situation était critique, certes, mais pourquoi Bubulle aurait-il sauté sur le visage de la pauvre petite humaine pour lui filer des boutons ?
Ce n'était pas logique.
Et ce manque de mobile était tout de même à prendre en compte.
— Ce serait qui alors ? C'est le seul crapaud au milieu de nous autres, grenouilles, le seul à avoir du poison sur la peau ! s'exclama Chacalle, visiblement assez mécontente de mon interruption.
— Moi je sais je sais ! lança soudain la plus jeune. Peut-être que la petite humaine a menti, alors il faut la noyer !
Les coassements reprirent de plus belle. Je soupirais intérieurement, puis m'enfuyais purement et simplement lorsque les humains sortirent de leur maison, furieux.
Apparemment, nous étions des « sales bêtes immondes et criardes ». J'avoue que ce dernier terme correspondait pas mal aux jérémiades qu'avait engendrées l'assemblée générale exceptionnelle à laquelle je venais d'assister, mais tout de même, ce n'était pas très poli de leur part.
Devant le calme revenu, l'humain le plus grand cessa de brandir son poing dans notre direction, mais hurla de nouveau qu'il allait tous nous tuer pour ce que nous avions fait à sa pauvre petite chérie.
— Moi, je sais que c'est lui, c'est Bubulle le coupable, ça ne peut être que lui ! tenta de me chuchoter Chacalle, avant qu'une pierre jetée par l'humain ne la manque de peu.
Personnellement, je restais bien caché dans mes roseaux, tout en cherchant, si possible le coupable, mais surtout, une idée pour nous sortir de ce guêpier.
C'était plutôt sympa ici vous savez ? Jolie mare, environnement tranquille, pas de pesticides, pas de gros prédateurs. Ce serait vraiment dommage d'être obligés de déménager.
Observant les humains qui n'étaient pas retournés à l'intérieur de leur maison, je remarquais que les boutons présents sur le visage de la victime étaient curieusement accompagnés de drôles de traces marron sur le pourtour de sa bouche...
Ne sachant sourire, je me mis à bondir de joie devant ma découverte, et sans attendre, je plongeais au fond de la mare pour y dénicher, enfouis sous la vase, de petits papiers dorés et argentés.
Emportant un maximum de mes belles trouvailles dans ma gueule et mes pattes, je fis de nombreux allers-retours sous le regard éberlué de mes congénères, et curieux du vieux Bubulle, que j'avais réveillé avec mon remue-ménage.
Une fois un bon tas amassé sur l'un des bords, je me mis à coasser aussi fort que me le permettait mon sac vocal gonflé à bloc.
Je n'eus pas à chanter longtemps, les humains accoururent pour tenter de me ratatiner et de m'écraser comme un vieux mégot.
Ils pilèrent tous trois devant mes trésors : La petite humaine ouvrit largement sa bouche, mais sans que rien n'en sorte ; les deux grands humains, quant à eux, écarquillèrent les yeux un court instant dans la direction de mon tas de trouvailles, avant de les braquer sur la petite.
— Mais... Noémie ? C'est quoi tous ces papiers de chocolat ? Comment ? Que ?
Ils semblaient avoir perdu leur voix, eux aussi, elle faiblit au fur et à mesure de leurs diverses questions, avant de s'éteindre complètement.
Regardant à nouveau dans la direction du tas de papier aluminium révélateur de nombreux chocolats mangés en cachette, le grand humain se mit alors à les ramasser consciencieusement, et même, espérais-je, avec un peu de honte de nous avoir maudits si injustement.
La petite chouina longuement ce jour-là, et fut punie de chocolat pendant de nombreux mois. Ses boutons, quant à eux, finirent par disparaître.
Quant à Bubulle, une curieuse légende naquit autour de lui, disant que si une petite humaine l'embrassait, elle se transformait en vilain crapaud boutonneux...
— Ils veulent combler la mare, nous n'avons pas le choix : on doit éviscérer Bubulle sur la table du jardin et leur donner en offrande !
— Non non non ! Moi je propose plutôt de l'attacher dans l'allée pour qu'il se fasse écraser par leur voiture !
Enfoncé dans la vase de la mare, le crapaud Bubulle ronflait, inconscient du fait que la fin de sa vie se discutait à deux pattes de là. Les bulles qu'il créait ainsi montaient à la surface régulièrement, produisant des « pop » « pop » pop » apaisants au milieu de tout ce brouhaha.
À terre se tenait l'assemblée des grenouilles, une quinzaine des grenouilles éminentes qui coassaient tellement fort qu'elles allaient finir par attirer les humains si elles continuaient.
— Dépêchons un peu, vous savez bien que nos vies ne tiennent plus à grand-chose ! Alors, comment allons-nous le sacrifier ? lança Chacalle, celle qui avait proposé de l'éviscérer.
— C'est vrai que ta solution est pas mal, Chacalle, au moins, même un humain serait capable de comprendre ce message. Alors que s'il finit écrasé par leur voiture, ils ne s'en rendraient peut-être même pas compte, réfléchis à haute voix une petite grenouille qui ne s'était pas encore exprimée.
— Et bien moi, je pense qu'il n'est pas coupable, lançais-je alors, plutôt fier de mon effet : plus un coassement.
J'aimais bien mes frères et sœurs, mais parfois ils ne réfléchissaient pas beaucoup plus loin que leur museau. La situation était critique, certes, mais pourquoi Bubulle aurait-il sauté sur le visage de la pauvre petite humaine pour lui filer des boutons ?
Ce n'était pas logique.
Et ce manque de mobile était tout de même à prendre en compte.
— Ce serait qui alors ? C'est le seul crapaud au milieu de nous autres, grenouilles, le seul à avoir du poison sur la peau ! s'exclama Chacalle, visiblement assez mécontente de mon interruption.
— Moi je sais je sais ! lança soudain la plus jeune. Peut-être que la petite humaine a menti, alors il faut la noyer !
Les coassements reprirent de plus belle. Je soupirais intérieurement, puis m'enfuyais purement et simplement lorsque les humains sortirent de leur maison, furieux.
Apparemment, nous étions des « sales bêtes immondes et criardes ». J'avoue que ce dernier terme correspondait pas mal aux jérémiades qu'avait engendrées l'assemblée générale exceptionnelle à laquelle je venais d'assister, mais tout de même, ce n'était pas très poli de leur part.
Devant le calme revenu, l'humain le plus grand cessa de brandir son poing dans notre direction, mais hurla de nouveau qu'il allait tous nous tuer pour ce que nous avions fait à sa pauvre petite chérie.
— Moi, je sais que c'est lui, c'est Bubulle le coupable, ça ne peut être que lui ! tenta de me chuchoter Chacalle, avant qu'une pierre jetée par l'humain ne la manque de peu.
Personnellement, je restais bien caché dans mes roseaux, tout en cherchant, si possible le coupable, mais surtout, une idée pour nous sortir de ce guêpier.
C'était plutôt sympa ici vous savez ? Jolie mare, environnement tranquille, pas de pesticides, pas de gros prédateurs. Ce serait vraiment dommage d'être obligés de déménager.
Observant les humains qui n'étaient pas retournés à l'intérieur de leur maison, je remarquais que les boutons présents sur le visage de la victime étaient curieusement accompagnés de drôles de traces marron sur le pourtour de sa bouche...
Ne sachant sourire, je me mis à bondir de joie devant ma découverte, et sans attendre, je plongeais au fond de la mare pour y dénicher, enfouis sous la vase, de petits papiers dorés et argentés.
Emportant un maximum de mes belles trouvailles dans ma gueule et mes pattes, je fis de nombreux allers-retours sous le regard éberlué de mes congénères, et curieux du vieux Bubulle, que j'avais réveillé avec mon remue-ménage.
Une fois un bon tas amassé sur l'un des bords, je me mis à coasser aussi fort que me le permettait mon sac vocal gonflé à bloc.
Je n'eus pas à chanter longtemps, les humains accoururent pour tenter de me ratatiner et de m'écraser comme un vieux mégot.
Ils pilèrent tous trois devant mes trésors : La petite humaine ouvrit largement sa bouche, mais sans que rien n'en sorte ; les deux grands humains, quant à eux, écarquillèrent les yeux un court instant dans la direction de mon tas de trouvailles, avant de les braquer sur la petite.
— Mais... Noémie ? C'est quoi tous ces papiers de chocolat ? Comment ? Que ?
Ils semblaient avoir perdu leur voix, eux aussi, elle faiblit au fur et à mesure de leurs diverses questions, avant de s'éteindre complètement.
Regardant à nouveau dans la direction du tas de papier aluminium révélateur de nombreux chocolats mangés en cachette, le grand humain se mit alors à les ramasser consciencieusement, et même, espérais-je, avec un peu de honte de nous avoir maudits si injustement.
La petite chouina longuement ce jour-là, et fut punie de chocolat pendant de nombreux mois. Ses boutons, quant à eux, finirent par disparaître.
Quant à Bubulle, une curieuse légende naquit autour de lui, disant que si une petite humaine l'embrassait, elle se transformait en vilain crapaud boutonneux...
Bubulle a échappé à une fin sinistre.