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« LIVRE : Quel qu’il soit, toujours trop long.
AUTRUCHE : Digère les pierres
BIÈRE : Il ne faut pas en boire, ça enrhume »

Le dictionnaire des idées reçues de Bouvard et Pécuchet, Flaubert

La genèse

Le réalisme est né du romantisme qui se réclamait déjà du réel : « La nature, donc ! La nature et la vérité » déclame Hugo. Cependant il s’en éloigne bien vite et s’y oppose. En effet le respect du réel peut s’afficher en contradiction avec l’imaginaire rêvé dans laquelle le romantisme se réfugiait.
Dès lors un ensemble d’écrivains « réalistes » réclament le respect des faits et de la réalité humaine ; le roman se veut une étude des hommes basée sur des méthodes sociales et physiologiques.


C’est à Balzac qu’on prête la naissance du roman comme « histoire des mœurs » : son œuvre regroupée sous le titre de La Comédie humaine devait s’appeler « Etudes sociales» (et aurait peut-être eu moins de succès…). Cependant on lui reprochait à l’époque d’écrire des romans vulgaires, « où l’on mange », bref sans intérêt. Cependant il est suivi dans sa démarche par des hommes comme Stendhal, Flaubert ou Zola.


Gustave Caillebotte (1848-1894), Les raboteurs de parquet, 1875, Huile sur toile, Premier tableau dépeignant des ouvriers de la ville.

Raboteurs de parquet - Gustave Caillebotte

Stendhal et Flaubert, réalismes psychologique et romantique

Chez Stendhal, le réalisme est d’abord psychologique et il aime tourner en dérision ses personnages (qui reflètent ses propres aspirations et rêves !). Il est surtout connu pour Le Rouge et le Noir, dont le héros aspire à devenir un bourgeois fortuné et honoré en aimant des femmes pour leur fortune et non pour elles-mêmes, mais beaucoup moins pour Le Rose et le Vert, dans lequel l’héroïne, jeune bourgeoise, rêve d’être aimée pour elle-même et non pour sa richesse.

Flaubert, lui, s’impose le réalisme afin de refouler son romantisme spontané. Ainsi dans Madame Bovary, il expose les dangers du romantisme à travers Emma Bovary qui tire de ses livres des rêves de grandeur. Comme pour justifier son propre combat, il traque impitoyablement la stupide vanité de la bourgeoisie médiocre : Bouvard et Pécuchet est le roman de la bêtise !

L'héritage réaliste

Le réalisme est bien représenté dans la littérature française : Alexandre Dumas est l’écrivain des cinquième et onzième plus longs romans du monde (troisième et quatrième en France), respectivement Les Mohicans de Paris et Le Vicomte de Bragelonne (vous devinez bien que vous ne les trouverez pas sur Short Édition). Vous ne trouverez pas non plus Les Mystères de Paris d’Eugène Sue, d’abord parus en feuilleton... Qui eut pourtant un succès monstre : Théophile Gautier a dit à ce propos : « Des malades ont attendu, pour mourir, la fin des Mystères de Paris » !

Balzac de son côté a produit environ quatre-vingt-dix romans ou nouvelles regroupés sous le nom de La Comédie humaine. Il carbure au café, à niveau de cinquante tasses par jour. Cependant l’équipe entière de Short Édition déconseille fortement cette prescription : Balzac collectionna les tics faciaux, crampes d’estomacs et maux de tête. Il mourut d’une crise cardiaque. Son excentricité le poussa à envisager de faire pousser 100 000 pieds d’ananas sous serre dans son jardin, projet qui étonnamment, ne put être mené à bien… Pensait-il déjà que les gélules d'ananas avaient des vertus amaigrissantes ?

Balzac, est-il vraiment réaliste ?

Il n’est pas sûr qu’on puisse considérer Balzac comme un auteur réaliste : en effet on peut trouver autant d’arguments allant dans ce sens que dans l’autre. Il ne s’est lui-même jamais réclamé du réalisme…

Dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert exprime un jugement sévère sur son travail :

« L'œuvre de Balzac les émerveilla, tout à la fois comme une Babylone, et comme des grains de poussière sous le microscope. Dans les choses les plus banales, des aspects nouveaux surgirent. Ils n'avaient pas soupçonné la vie moderne aussi profonde. — Quel observateur ! s'écriait Bouvard.
— Moi je le trouve chimérique, finit par dire Pécuchet. Il croit aux sciences occultes, à la monarchie, à la noblesse, est ébloui par les coquins, vous remue les millions comme des centimes, et ses bourgeois ne sont pas des bourgeois, ce sont des colosses. Pourquoi gonfler ce qui est plat, et décrire tant de sottises ? Il a fait un roman sur la chimie, un autre sur la Banque, un autre sur les machines à imprimer. Comme un certain Ricard avait fait le « cocher de fiacre », le « porteur d'eau », le « marchand de coco ». Nous en aurons sur tous les métiers et sur toutes les provinces, puis sur toutes les villes et les étages de chaque maison et chaque individu, ce qui ne sera plus de la littérature mais de la statistique ou de l'ethnographie. »

Encore aujourd’hui, on ne peut dire qui du souci de vérité ou de l’imagination créatrice prend le pas sur l’autre… Disons qu’il s’agit plutôt d’un subtil équilibre !