« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage. »
La Genèse
En 1547, Pierre de Ronsard, de retour d’un séjour en Gascogne, fait étape dans une hôtellerie. Il y rencontre un jeune homme de 25 ans, de deux ans son aîné, dont il partage les centres d’intérêt (le hasard fait bien les choses). Joachim du Bellay, ayant déjà eu vent du talent de Ronsard, le suit au Collège de Coqueret, où le professeur Jean Dorat vient tout juste d’être nommé principal. Ici, les deux amis apprennent le latin mais aussi le grec et forment avec un groupe de jeunes poètes du Collège, sous la direction de Jean Dorat, la « Brigade ».
Ils admirent les anciens et essaient d‘imiter les odes d’Horace et les sonnets de Plutarque (ce n'est plus vraiment l'occupation favorite des jeunes d'aujourd'hui).
Inspiré de la constellation de sept étoiles, Ronsard appelle occasionnellement la « Pléiade », le groupe de poètes, aujourd’hui renommés,rassemblant Joachim du Bellay, Jacques Peletier du Mans, Rémy Belleau, Antoine de Baïf, Pontus de Tyard et Étienne Jodelle, en plus de lui-même.
Jean Dorat, Nicolas Denisot ou Guillaume des Autels feront eux-aussi partie de cette élite.

Définir des objectifs
En 1548, L’Art Poétique de Thomas Sibilet appelle à marcher dans les traces des modernes tels que Marot. La Pléiade réplique dans La Défense et l’Illustration de la Langue Française. Rédigé par Du Bellay, le texte rassemble les idées, études et discussions du groupe entier. Ainsi sont définies les deux missions (et quelles missions !) de ce jeune groupe : la défense de la langue française et son illustration, visant à lui procurer une grande littérature.
Alors que le latin est de plus en plus utilisé, surtout dans les domaines techniques, la Pléiade défend le français : oui, sa langue est pauvre mais la traduction permet tout de même de rendre compte des idées ou des sentiments d’un auteur étranger, elle n’est donc pas impropre à l’expression de la pensée. De plus, c’est en l’utilisant qu’on l’enrichira : il est impossible d’égaler les anciens en latin mais il est possible de rendre le français immortel. Il faut donc composer ses œuvres en français.
Ainsi, il est nécessaire d’enrichir et la langue et le style.
Le métier poétique
Quant-à la mise en œuvre de l’illustration de la langue française, la poésie en est le meilleur moyen, et elle doit devenir un métier. Hormis l’inspiration, la « fureur divine », le travail est prescrit et la versification demande la connaissance de ses lois et une initiation à l’art des vers. Pour ce qui est des genres, ceux de l’Antiquité sont remis à l’honneur et ceux du Moyen-âge, condamnés.
La dernière étape afin de produire une œuvre illustre est la doctrine de l’imitation : opposée à la traduction qui ne rend pas les grâces du style, la Pléiade se prononce en faveur de l’imitation qui est l’art difficile de « bien suivre les vertus d’un bon auteur et quasi comme se transformer en lui » d’après Du Bellay.
Cependant aucune limite claire n’est définie entre traduction et imitation. En fait, l’auteur doit se nourrir des idées de son modèle et les faires siennes, de sorte que les pensées, sentiments et expressions lui viennent spontanément : c’est l’innutrition. Ainsi les anciens ne sont plus modèles mais maîtres, et l’auteur produit une imitation originale. Cependant cette méthode n'est pas légalement applicable de nos jours en examen national.

Enrichir la langue et le style
Enrichir la langue c’est utiliser :
- des mots qui existent déjà et qui sont considérés comme désuets (ajourner, faire jour)
- des mots empruntés aux dialectes provinciaux ou aux domaines techniques
Mais c’est aussi avoir recours à de nouveaux mots :
- des mots composés (aigre-doux)
- par ajout de suffixes (seulette, vervement)
- dérivés de mots latins ou grecs (exceller, stratagème).
Enrichir le style c’est utiliser :
- des indicatifs comme nom (l’aller)
- des adjectifs comme substantifs (le liquide, le vide)
- des adjectifs comme adverbe (il vole léger)
Mais c’est aussi avoir recours à des figures de rhétoriques nouvelles :
- les périphrases
- les métaphores
- les comparaisons