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« Va, je ne te hais point. »

Le Cid, Pierre Corneille

La genèse

En face du grand mouvement du classicisme, et comme en contrepoint, on voit se développer au XVIIème siècle, une toute autre tendance, manifestant à la fois la résistance au classique et la richesse du génie littéraire français.

Le baroque emprunte son nom au portugais « barroco », qui désigne une perle de forme irrégulière. Le baroque est bien cela : un trésor littéraire en inadéquation avec l’air du temps. Ceux qui ne prennent pas part à l’élaboration de l’idéal classique dans la première moitié du XVIIème siècle étaient qualifiés d’ « attardés », aussi le baroque se définit-il d’abord en opposition au goût classique.

Les caractéristiques

Le baroque est marqué par une certaine ostentation d’imagination et de style qui contraste avec la raison et le naturel classique. Ainsi les intrigues sont complexes et multiples et l’auteur cherche à attirer le « maraviglia » hérité des italiens, c’est-à-dire le merveilleux dans son sens latin : « mirabilia, » choses étonnantes. Des images déroutantes s’enchaînent sans se référer à la logique.

Il est intéressant de comparer le sens du détail violemment cru et la pensée subtile dont le baroque fait preuve. En effet les thèmes abordés sont des sujets métaphysiques : la mort, la religion, l’illusion.

Les thèmes prédominants

Le théâtre permet de traiter du thème de l’illusion, et à travers ce voile, l’auteur peut exprimer ce qui serait jugé choquant voire révoltant sans cette protection. Ainsi jeux de miroirs, trompe-l’œil, métamorphoses, déguisements et mises en abyme sont souvent partie prenante du baroque ; le meilleur exemple en est l'Illusion comique de Corneille.


La représentation de la mort dans le baroque se retrouve aussi dans les peintures : les vanités sont des toiles sur lesquelles on retrouve des crânes plus ou moins dissimulés.

Le message est fort : la mort irrémédiable attend l’homme telle une faucheuse sans pitié des espoirs et ambitions humains.

Ainsi la vie des hommes est vaine, leurs actions inutiles. Cela se réfère bien sûr à la Bible, qui affirme : « Vanité des vanités, tout est vanité » (Ecclésiaste).

La forte présence de la religion s’explique par les blessures que gardent la France et les auteurs français des guerres de religion, d’autant plus que les troubles ne sont pas réglés en 1598 à la promulgation de l’édit de Nantes, qui accorde la liberté de culte aux protestants : sa révocation en 1685 remet la question du protestantisme à l’ordre du jour.

Ainsi, les écrivains protestants comme d’Aubigné, les catholiques, tels qu’Urfé ou Corneille et ceux qui se reconvertissent, ainsi que Viau, brossent le tableau d’un catholicisme en pleine crise et désunifié.

Trompe l'oeil, Escapando de la crítica de Pere Borrell del Caso

Une littérature du mouvement

Le contexte de guerre civile a aussi apporté le doute et l’inquiétude. Ces sentiments agités procurent un goût pour le mouvement, aussi romans épiques et héroïques comme tragi-comédies aux rebondissements récurrents sont mis à l’avant de la scène.

On retrouve cette tendance dans le style, qui arbore les périphrases sans mesure, et dans les thèmes : l’élément le plus mouvant, l’eau tient une place privilégiée dans le baroque, et en particulier dans la poésie. Les pièces les plus « classiques » de Corneille restent marquées par ce style baroque.