Elle ne voulait pas sortir. Elle l’avait dit et répété mille fois, mais ses amies ne voulaient rien entendre.
“Faut te bouger, Marie!” clamaient-elles en chœur, comme si la qualité de vie d’une jeune célibataire se mesurait en nombre de sorties par mois.
“Ça ne m’intéresse pas”, répondait-elle à chaque fois, sa tristesse dépassant à peine la couverture d’indifférence qu’elle affichait chaque fois que ses amies abordaient l’inexistence de sa vie sociale. Leur insistance l’agaçait, la poussant à inventer de nouvelles excuses à chacune de leurs tentatives pour lui arranger un rancard.
En dépit de ses efforts, Marie se retrouva un soir victime de leurs manigances, plantée à la table d’un café, attendant l’illusoire homme de ses rêves trouvé sur internet. Le temps passait, mais aucun inconnu ne s’approcha d’elle. Elle patientait, pas moins seule que lorsqu’elle était chez elle, juste un peu plus triste.
Le café était sur le point de fermer. Le bar se vidait et les clients désertaient leurs tables. Marie prit son manteau et son sac, baissa le regard pour éviter le sourire narquois du serveur et franchit la porte. Elle s’attendait au froid vif d’un soir de novembre, mais il faisait curieusement bon.
Alors qu’elle se dirigeait vers sa voiture, une odeur étrange, aussi douce et attirante que menaçante et repoussante envahit ses sens, comme une immense barbe à papa, sucrée jusqu’à en être écœurante. Au coin d’une rue, une brume épaisse envahit son champ de vision, occultant à sa vue trottoir, boutiques et tout ce qui se trouvait aux alentours. La brume avança, éclairée d’une lumière rosée intense mais néanmoins réconfortante. Ne voulant pas céder à la peur, Marie fit un pas en arrière, puis un deuxième pour mieux voir l’ensemble et comprendre de quoi il s’agissait, s’apprêtant à y faire face ou à fuir.
Elle regarda autour d’elle, cherchant d’autres passants témoins de ce phénomène, mais la rue était déserte. Seule, Marie scruta la nuage informe et fut stupéfaite d’y apercevoir des ombres se découper sur le fond laiteux. D’abord flous, les contours des formes se précisaient, mettant en avant des traits de plus en plus distincts. Des silhouettes grotesques dansaient sur des rythmes inaudibles, l’attirant comme une multitude de sirènes muettes. Pétrifiée, Marie vit avec effarement mille visages se refléter dans cet écran éthéré, mouvants et tournoyants, des fronts hauts et larges, des mâchoires exagérément carrées et des yeux exorbités. Chacun s’approcha de la pellicule translucide qui le séparait de la jeune femme, comme pour mieux apprécier la qualité de cette proie. Certains souriaient, d’autres avaient la bouche grande ouverte dans un hurlement silencieux, mais tous la regardaient avec la même gourmandise. Des bras forts mais sans substance la saisirent, l’enveloppant dans la guimauve rose de la brume vorace.
“Vous m’attendiez, n’est-ce pas?” chuchota une voix chaude qui frissonnait comme du givre sur sa peau. “N’ayez pas peur. Je vous amène là où se trouve votre bonheur. Je suis la réponse à vos questions, l’être de vos rêves.”
Marie aurait voulu lutter, s’empêcher de glisser vers l’abîme qui l’appelait, mais Il était trop tard. Son corps ne lui répondait plus. Il était déjà ailleurs, perdu dans la brume qui envahissait son esprit, remplissant chaque pensée et désir, transformant une soirée ordinaire dans une vie monotone en quelque chose de merveilleux et de terrifiant.
La brume la souleva, faisant tomber toutes ses angoisses, sa solitude et son désespoir, comme des gouttes de pluie sur une vitre propre. Elle était neuve. Tandis qu’elle se fondait dans cette masse grouillante d’âmes, la femme sut qu’elle ne serait plus jamais seule, et que la tristesse appartenait à un monde qui lui était désormais étranger.
Rassasiée, la brume s’éclipsa, se dispersant dans la nuit, laissant derrière elle quelques bribes de souvenirs épars sur la chaussée humide.
“Faut te bouger, Marie!” clamaient-elles en chœur, comme si la qualité de vie d’une jeune célibataire se mesurait en nombre de sorties par mois.
“Ça ne m’intéresse pas”, répondait-elle à chaque fois, sa tristesse dépassant à peine la couverture d’indifférence qu’elle affichait chaque fois que ses amies abordaient l’inexistence de sa vie sociale. Leur insistance l’agaçait, la poussant à inventer de nouvelles excuses à chacune de leurs tentatives pour lui arranger un rancard.
En dépit de ses efforts, Marie se retrouva un soir victime de leurs manigances, plantée à la table d’un café, attendant l’illusoire homme de ses rêves trouvé sur internet. Le temps passait, mais aucun inconnu ne s’approcha d’elle. Elle patientait, pas moins seule que lorsqu’elle était chez elle, juste un peu plus triste.
Le café était sur le point de fermer. Le bar se vidait et les clients désertaient leurs tables. Marie prit son manteau et son sac, baissa le regard pour éviter le sourire narquois du serveur et franchit la porte. Elle s’attendait au froid vif d’un soir de novembre, mais il faisait curieusement bon.
Alors qu’elle se dirigeait vers sa voiture, une odeur étrange, aussi douce et attirante que menaçante et repoussante envahit ses sens, comme une immense barbe à papa, sucrée jusqu’à en être écœurante. Au coin d’une rue, une brume épaisse envahit son champ de vision, occultant à sa vue trottoir, boutiques et tout ce qui se trouvait aux alentours. La brume avança, éclairée d’une lumière rosée intense mais néanmoins réconfortante. Ne voulant pas céder à la peur, Marie fit un pas en arrière, puis un deuxième pour mieux voir l’ensemble et comprendre de quoi il s’agissait, s’apprêtant à y faire face ou à fuir.
Elle regarda autour d’elle, cherchant d’autres passants témoins de ce phénomène, mais la rue était déserte. Seule, Marie scruta la nuage informe et fut stupéfaite d’y apercevoir des ombres se découper sur le fond laiteux. D’abord flous, les contours des formes se précisaient, mettant en avant des traits de plus en plus distincts. Des silhouettes grotesques dansaient sur des rythmes inaudibles, l’attirant comme une multitude de sirènes muettes. Pétrifiée, Marie vit avec effarement mille visages se refléter dans cet écran éthéré, mouvants et tournoyants, des fronts hauts et larges, des mâchoires exagérément carrées et des yeux exorbités. Chacun s’approcha de la pellicule translucide qui le séparait de la jeune femme, comme pour mieux apprécier la qualité de cette proie. Certains souriaient, d’autres avaient la bouche grande ouverte dans un hurlement silencieux, mais tous la regardaient avec la même gourmandise. Des bras forts mais sans substance la saisirent, l’enveloppant dans la guimauve rose de la brume vorace.
“Vous m’attendiez, n’est-ce pas?” chuchota une voix chaude qui frissonnait comme du givre sur sa peau. “N’ayez pas peur. Je vous amène là où se trouve votre bonheur. Je suis la réponse à vos questions, l’être de vos rêves.”
Marie aurait voulu lutter, s’empêcher de glisser vers l’abîme qui l’appelait, mais Il était trop tard. Son corps ne lui répondait plus. Il était déjà ailleurs, perdu dans la brume qui envahissait son esprit, remplissant chaque pensée et désir, transformant une soirée ordinaire dans une vie monotone en quelque chose de merveilleux et de terrifiant.
La brume la souleva, faisant tomber toutes ses angoisses, sa solitude et son désespoir, comme des gouttes de pluie sur une vitre propre. Elle était neuve. Tandis qu’elle se fondait dans cette masse grouillante d’âmes, la femme sut qu’elle ne serait plus jamais seule, et que la tristesse appartenait à un monde qui lui était désormais étranger.
Rassasiée, la brume s’éclipsa, se dispersant dans la nuit, laissant derrière elle quelques bribes de souvenirs épars sur la chaussée humide.
Je vous invite à lire : http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/reservoir-dogs-les-chiens-du-lac-artificiel
Si vous avez un peu de temps, je vous invite à lire mon sonnet Mumba sur un drame malheureusement courant : http://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/mumba Bonne journée à vous.
http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/croisiere-2
Et, si le coeur vous en dit, voici ma nouvelle, avec une toute autre brume :
http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/ce-pays-aux-etoiles-immortelles
http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-veritable-histoire-du-petit-poucet
À bientôt!