Je vous veux dans l’atmosphère brumeuse d’un bar du début du siècle dernier, assise sur la banquette de cuir, le visage nimbé de la lumière sourde d’une flamande que reflètent des vasques... [+]
Vocation
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— Grand-papi, tu y es sur la photo ?
— Oui Romain. Tu ne me reconnais pas au milieu du groupe qui sort de la mine ?
L’enfant, sur les genoux du vieil homme, regarde la photo jaunie.
Le vieux, lui, n’y voit plus depuis longtemps. Mais il garde, gravés dans sa mémoire, les taches de charbon sur les visages, les yeux qui s’écarquillent et même la main d’Enzo qui rabat son casque sur son front.
— Ben c’est dur, vous avez tous du noir sur la figure.
— On faisait un sacré troupeau de moutons noirs, sourit le vieux.
— Ça n’existe pas les moutons noirs !
— Si ! Ce sont des moutons, mais des moutons qui se rebiffent parfois.
— Ne l’embrouille pas !
Le père de Romain s’est retourné sur sa chaise.
C’est la mi-temps et l’écran qui occupe tout un mur dans la salle d’activité de la maison de retraite diffuse une pub pour une voiture... L'unique, bien évidemment ; celle qui vous donne l'image d'un homme moderne.
— Tu ferais mieux de regarder le foot, Romain. Et de laisser Grand-papi l'écouter en paix.
Mais le petit se tourne vers le vieillard dont il regarde les yeux éteints.
— C’est quoi « se rebiffer » ?
— C’est s’indigner. C’est se défendre aussi. C’est dire qu’on n’est pas d’accord. J’en ai fait des grèves, tu sais, quand j'étais à la mine.
— Les grèves, c’est quand les tracteurs jettent des choux fleurs dans la rue, interroge le petit ?
— On ne jetait pas la nourriture nous autres, répond vertement le vieux. C'est que je n'ai pas toujours mangé à ma faim quand j'avais ton âge, tu sais.
— Papa, au travail, il a une cravate et une valise avec des roulettes. Mais moi j’aimerais bien avoir un casque avec une lampe comme le tien.
— Oui ! BUT ! Non mais ça ne va pas! Hors-jeu ! Mais il est vendu cet arbitre !
— Dis, Grand-papi, il se rebiffe là mon papa ? Il fait comme les moutons noirs ?
Le vieux sourit. Il se rappelle sa fierté quand son fils a eu son diplôme. Il se souvient aussi de son amertume quand, avec ses premiers salaires de cadre, le fils a commencé par se mettre des traites sur le dos pour se payer une belle bagnole, un coupé 404.
Mais il lui aura tout de même donné un beau petit-fils et qui a l'air bien éveillé et qui s'intéresse ! Il est né trop tard pour qu'il puisse le regarder. Mais il adore l'entendre et qu'il le questionne sur la vie d'avant.
— Tu voudrais un casque comme le mien, reprend-il, tu serais fier d'être un mineur, d'être un mouton noir ?
— Mais non, rigole l’enfant, c'est trop nul. Le casque, c’est juste pour jouer à la guerre avec les copains. Moi , c'est pas mineur que je serai plus tard. C’est footballeur, comme à la télé.
— Oui Romain. Tu ne me reconnais pas au milieu du groupe qui sort de la mine ?
L’enfant, sur les genoux du vieil homme, regarde la photo jaunie.
Le vieux, lui, n’y voit plus depuis longtemps. Mais il garde, gravés dans sa mémoire, les taches de charbon sur les visages, les yeux qui s’écarquillent et même la main d’Enzo qui rabat son casque sur son front.
— Ben c’est dur, vous avez tous du noir sur la figure.
— On faisait un sacré troupeau de moutons noirs, sourit le vieux.
— Ça n’existe pas les moutons noirs !
— Si ! Ce sont des moutons, mais des moutons qui se rebiffent parfois.
— Ne l’embrouille pas !
Le père de Romain s’est retourné sur sa chaise.
C’est la mi-temps et l’écran qui occupe tout un mur dans la salle d’activité de la maison de retraite diffuse une pub pour une voiture... L'unique, bien évidemment ; celle qui vous donne l'image d'un homme moderne.
— Tu ferais mieux de regarder le foot, Romain. Et de laisser Grand-papi l'écouter en paix.
Mais le petit se tourne vers le vieillard dont il regarde les yeux éteints.
— C’est quoi « se rebiffer » ?
— C’est s’indigner. C’est se défendre aussi. C’est dire qu’on n’est pas d’accord. J’en ai fait des grèves, tu sais, quand j'étais à la mine.
— Les grèves, c’est quand les tracteurs jettent des choux fleurs dans la rue, interroge le petit ?
— On ne jetait pas la nourriture nous autres, répond vertement le vieux. C'est que je n'ai pas toujours mangé à ma faim quand j'avais ton âge, tu sais.
— Papa, au travail, il a une cravate et une valise avec des roulettes. Mais moi j’aimerais bien avoir un casque avec une lampe comme le tien.
— Oui ! BUT ! Non mais ça ne va pas! Hors-jeu ! Mais il est vendu cet arbitre !
— Dis, Grand-papi, il se rebiffe là mon papa ? Il fait comme les moutons noirs ?
Le vieux sourit. Il se rappelle sa fierté quand son fils a eu son diplôme. Il se souvient aussi de son amertume quand, avec ses premiers salaires de cadre, le fils a commencé par se mettre des traites sur le dos pour se payer une belle bagnole, un coupé 404.
Mais il lui aura tout de même donné un beau petit-fils et qui a l'air bien éveillé et qui s'intéresse ! Il est né trop tard pour qu'il puisse le regarder. Mais il adore l'entendre et qu'il le questionne sur la vie d'avant.
— Tu voudrais un casque comme le mien, reprend-il, tu serais fier d'être un mineur, d'être un mouton noir ?
— Mais non, rigole l’enfant, c'est trop nul. Le casque, c’est juste pour jouer à la guerre avec les copains. Moi , c'est pas mineur que je serai plus tard. C’est footballeur, comme à la télé.
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Mon poème en lice prix d'Automne..si le cœur vous en dit..bien entendu..
'' Le silence s'endort sous une nuit d'argent''
Joli texte, simple et bien conduit jusqu'à la chute
Avez vous lu ce poème que j'ai intitulé chemins d'enfance et qui mêle des images de ce temps et un amour intemporel?
http://short-edition.com/oeuvre/poetik/chemins-d-enfance-la-dame-du-fond-joli
L'avenir de la justice :http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/reecriture
Portrait tragique :http://short-edition.com/oeuvre/poetik/jocaste