Very important person

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Un livre ? Nadja, André Breton. Un texte ? Première soirée, Arthur Rimbaud. Un film ? Trainspotting, Danny Boyle. Une chanson ? I am the walrus, The Beatles.

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Certains décident d'arrêter de fumer. D'autres veulent se mettre au golf ou prennent une année sabbatique. Ou encore se tapent une étudiante au joli petit cul. Personnellement, je me sens loin de toutes ces crises. Pas de remise en question, pas de bilan. Tout va bien. Je me sens supersonique, donnez-moi du gin et du tonic.

En réalité, j'aimerais vraiment faire quelque chose de ma vie pendant qu'il est encore temps. J'aimerais que les gens me reconnaissent et m'admirent. Être quelqu'un. Mon pote me répète souvent que je suis le roi des cons mais mon ambition est plus grande qu'il ne le pense.

Attention, je ne dis pas que je voudrais avoir un petit poste de manager, responsable ou directeur. Rien à voir. Moi, j'aimerais voir plus grand. Homme d'affaire influent ou artiste international par exemple, une personnalité incontournable et respectée, indispensable et parfaitement inutile, régulièrement invitée à des débats branchés et à des partouzes XXL. Entrer dans le monde des VIP. Comme ça, d'un claquement de doigt. Clac...

Je me ferais alors des lignes de coke avec un célèbre écrivain à lunettes en imaginant un nouveau concept d'émission littéraire qui s'appellerait « Moins que zéro » où tous les invités seraient à poil dans une vraie piscine de champagne.

J'arrêterais évidemment de jouer au loto et de rêver à des choses qui pourraient m'arriver puisque j'aurais déjà tout. Du coup, j'arrêterais aussi de me faire racketter et de jouer collectif avec les impôts puisque j'habiterais en Suisse à l'instar des tennismen français.

Les paparazzis essayeraient de réaliser une photo choc d'une de mes sorties dans un restaurant chic en compagnie d'une starlette tatouée de la télé-réalité dont j'aurais oublié le prénom et le nom de son émission ainsi que la raison de ce dîner.

Je me rendrais aussi à Liverpool sur un coup de tête pour aller boire une pinte au Cavern Club en rappelant au premier venu que « le rock français, c'est un peu comme le vin anglais » mais en rappelant aussi que le plus grand artiste du sport anglais était français et faisait du kung-fu dans les tribunes.

Étant donné mon charisme grandissant et mon incroyable carnet d'adresses, je proposerais deux projets très engagés : la reprise de la production du chocolat « Merveilles du monde » parce que j'adorais m'en empiffrer en regardant les images d'animaux, ainsi que le retour de la cassette audio et de la VHS pour que le son des bandes magnétiques ne tombe pas dans l'oubli.

Imbu de moi-même, j'irais sur les réseaux sociaux virer tous les contacts qui ne sont pas de véritables amis et me rendre compte au final que je n'en ai plus. Du coup, j'inviterais n'importe qui sur mon compte pour me sentir aimé et partager un bon vieux « selfish ».

J'écrirais bien sûr un roman autobiographique sans intérêt et vide de sens que j'intitulerais Ma vie, moi après moi où il sera question d'amour-propre aux plaisirs un peu sales, un ouvrage concis sur ma petite personne, en toute simplicité.

Je finirais mon tour des médias et des soirées-débats SM par un passage à Berlin afin de me faire filmer en train de traverser le parc du Tiergarten, cheveux au vent, avant d'exiger symboliquement la réouverture du squat artistique de Tacheles devant les caméras d'Arte, histoire de ne pas m'enfermer dans la presse people...

Certains décident d'arrêter de fumer ou prennent une année sabbatique. Comme eux, je vais avoir quarante balais et j'accuse le coup. Mais en prenant un peu de recul, je trouve que j'ai les pieds sur terre.

Sur le tapis rouge VIP de ma salle de bain pour être précis. Et tout va bien.

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