Une séparation douleureuse

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Suis-je dans un rêve ou est-ce bien la réalité ? Cette réalité qui me mène loin dans mes idées et fait de moi une proie à mes sentiments : le bonheur de te voir heureuse ailleurs qu’avec moi et la tristesse d’être loin de toi...
Cette journée est la dernière passée avec toi. Ta grande armoire est à présent vide, et bientôt il restera plus grand-chose dans ta chambre de jeune fille. Cette chambre qui a connu nos fous rires, nos pleurs, et même nos rares disputes.
Je me rappelle ce jour, où on m’annonça la nouvelle de ta venue au monde. Je marchais le long du jardin, admirant la meilleure vue que m’offrait les roses et les orchidées d’une part, et les tournesols d’autres parts. Et je souris...J’entendis alors mon téléphone sonner, je regardai le numéro, c’était Ned mon docteur et je décrochai.
• Je ne m’attendais pas à ton appel de sitôt Ned, comment vas-tu ? commençai- je une fois mon téléphone placé au bout de mon oreille droite.
• Ça va à merveille répondit-il, et toi ? Es-tu prête à être mère ?
Cette question me tomba nette dessus. Surprise, triste, contente, je ne pourrai décrire ce mélange de sentiments en moi ce jour-là. Soudain la voix de mon ami m’interpella pour me ramener dans la discussion.
• Ery t’es la ?
• Oui oui dis–je entre deux souffles. C’est une bonne nouvelle tu m’apportes là.
• Oui et je suis content pour toi. Prends soin de toi et de ton futur enfant.
• Merci beaucoup...je ne manquerai pas. A plus.
Je restai figée un bon moment dans le jardin, perdue dans mes idées. Je serai maman ? Vais-je m’en sortir ? Sans un mari pour me seconder ? Plus tôt dans le mois, je pleurais la disparition de mon mari suite à un accident. «Bonne journée ma Ery » avait-il dit en quittant la maison ce jour-là. Aujourd’hui Reuch n’est plus là et je porte en moi le fruit de notre amour.
Je marchais toujours le long du jardin mais dans le sens inverse. Une larme coula. Une larme de joie surement. Apres tout, Reuch laisse derrière lui un trésor. Un trésor dont je prendrai soin jusqu’à la fin de mes jours. Siloé je t’appellerai, mon trésor, dis-je tout bas.
Neuf mois dans mon ventre. Neuf mois de douleurs, de peines mais aussi de joies. Neuf mois de pleurs et de rire. Tant d’efforts, tant de sacrifices et enfin tu es venue au monde. J’étais comblée. Mes quelques amis se réjouissaient de mon bonheur avec moi. C’était un merveilleux jour pour moi.
Petit à petit, tu grandissais pleine de beauté et rayonnante de joie dans ma maison. Que ce fut une joie pour moi de t’entendre dire pour la première fois maman ! Et depuis tu n’as cessé de me parler. Mes journées étaient remplies de tes rires joyeux, tes sauts dans le jardin. Parfois je me surprenais à jouer à la poupée avec toi. Que de beaux moments et paisibles on passait ensemble. Et je remerciais chaque jour le Seigneur pour m’avoir donné une fille aussi merveilleuse que toi.
Pour tes dix ans, tu n’as pas voulu de fête d’anniversaire et tu m’as dit en me serrant fort dans tes bras «Tu n’as pas à me partager le jour de mon anniversaire. Ce jour est spécial pour moi et il le serait encore plus si je le passais avec toi». Ce jour-là, nous nous sommes amusées à réaliser ton gâteau d’anniversaire, et nous avons passé une soirée formidable dans le jardin.
Plus que mère et fille, nous étions devenues des meilleures amies et nous étions presque toujours ensemble. Les voisins enviaient notre relation.
Juste après ton dix-neuvième anniversaire, un soir, tu avais préparé un petit dîner pour me présenter ton petit ami. C’était là le début d’une longue relation. Tu me parlais déjà de fiançailles, de mariage, d’enfants. Tu étais trop emballée par cette relation. Des conseils pour être une bonne petite amie tu en voulais encore et encore. On passait même certaines soirées à parler de tes problèmes de cœur avec ton copain. Cette relation que je prenais pour un amour de jeunesse, allait te permettre de réaliser l’un de tes plus grands rêves : celui de te marier dans cette fameuse robe blanche.
Aujourd’hui tu es devenue une femme, une vraie femme et tu pars dans ta nouvelle famille, la famille de l’homme que tu as choisi...Ton premier amour, l’élu de ton cœur, l’homme de tes rêves. Et comme un papillon déploie ses ailes pour s’envoler, tu t’envoleras pour ta vie de femme.
Je vois le bonheur dans tes yeux, il brille de mille couleurs et te rend encore plus belle. J’aimerais te donner plusieurs conseils, mais je n’ai plus les mots. J’avais préparé un discours mais je préfère me souvenir du passé pour te dire au revoir. Nous avons tant vécu ensemble, mais aujourd’hui, tu dois me quitter... Le plus grand rêve d’une mère pour sa fille est de la voir heureuse, et ton bonheur est auprès de ton homme. Je te laisse partir non sans regrets mais avec la certitude que tu mèneras à bien ces rôles de femme, d’épouse, de mère et de belle fille qui sont les tiens.
• Ces souvenirs, ces beaux moments passés avec toi, je m’en souviens à chaque instant comme si je venais de les vivre l’instant d’avant...Je n’ai jamais connu mon père, mais je sais par toi qu’il est toujours près de moi. Je t’aime tellement maman. Et je sais que tout cet amour que l’on se porte surmontera cette épreuve. Nous serons et resterons Ery et Siloé, le duo de mère et fille le plus respecte, et notre complicité ne disparaitra jamais. J’ai tellement de la peine à partir....
• Je vois des larmes dans tes yeux...Elles coulent des miens aussi...Viens dans mes bras mon bébé....
Et nous restons là dans une longue étreinte.