Une journée étrangement révolutionnaire

Moi je suis différente. Je l'ai toujours été. Pour ma mère, c'est comme si j'étais une extra-terrestre. Mais curieusement, le jour où j'ai l'été le plus a très bien commencé. Comme tous les jours, maman a préparé de l'arepa avec deux triangles de fromage pour le petit déjeuner et l'a servi dans mon assiette sous la forme d'un gribouillage violet. Dans ma tasse à motif Star Wars m'a versée du café, à motié, avec seulement un peu de sucre, parfait. Cette formule de petit-déjeuner magique est la clé pour commencer ma journée sereinement, une structure qui me réconforte. Après avoir eu le ventre plein, mon uniforme impeccable et toutes les fournitures scolaires prêtes, elle m'a emmenée au lycée. Quarante-cinq minutes à l'avance car je n'aime pas être en retard et ce jour-là, le 28 avril, j'avais aussi une activité spéciale: une excursion aux musées. Alors pour rien au monde pourrais-je me trahir.

Au lycée, tout allait bien, nous sommes montés dans le bus et partis à 10h. Le voyage avait été calme. Je n'avais personne assise à côté de moi donc j'avais plus d'espace pour garder mes affaires organisées, à la vue. Mais quand on était proche de notre destination, au centre-ville, tout le calme a disparu. Tout était ruiné !

Beaucoup de bruit a commencé à se faire entendre, des cris, des slogans, des tambours et même des chants. Comme s'ils avaient réveillé tout un orchestre, mais l'orchestre était des débutants, et les sons ceux d'un troupeau de fans de football. Il y a d'étranges odeurs et de la fumée. S'agissait-il d'une convention des fumeurs et des chimistes ? Ou c'était un cirque qui s'est échappé ? Peut-être qu'un festival faiblement exécuté... Je n'y comprenais rien ! L'ambiance était également très chaude, comme si quelque chose brûlait près de mon corps. Je me sentais en feu, et pas dans le bon sens. J'ai immédiatement ressenti un mal de tête, qui m'a rendue confuse, nauséeuse. Comme si je venais de descendre d'un super tourbillon dans un parc d'attractions, mais sans savoir que j'étais monté.

Mes camarades de classe me regardaient étrangement tandis que je me couvrais les oreilles. Leurs regards m'ont transpercée, ils ne se cachaient pas du tout, ils étaient comme ceux du reproche d'une grand-mère quand son petit-fils rit à la messe. Je sais qu'ils faisaient des commentaires sur moi. Parfois, il semble qu'habituellement je suis le meilleur sujet de conversation au monde. N'ont-ils pas réalisé ce qui se passait ? Le vrai événement n'était pas mon attitude, hein ! Les enseignants, comme d'habitude, ne voulaient pas avoir à expliquer quelque chose qui leur était évident et ils m'ont ignorée. Je ne savais pas ce qui se passait, je ne savais pas si j'allais être bien. J'ai pensé à demander aux gens dehors ce qui se passe, dois-je me sentir mal aussi ?

Mes sentiments ont crû ainsi que l'incertitude de ce qui se passait et de ce que nous allions faire aussi. J'ai commencé à crier et à trembler. À nouveau je suis comme un poussin orphelin sous la pluie. Le désastre a duré au moins une heure mais pour moi ce fut une éternité. Les responsables de l'activité ont contacté ma mère pour venir me chercher, car ils ne savaient pas comment me parler - ou peut-être qu'ils ne voulaient tout simplement pas avoir affaire à quelqu'un comme moi. –

D'un moment à l'autre je me suis trouvée assise dans la voiture de ma mère, après avoir vu son visage inquiet et l'avoir entendue s'excuser pour mon comportement.
Dans l'intimité que la voiture nous donnait, elle a commencé à crier dessus en l'air:
« Comment est-ce possible que j'doive quitter mon boulot pour une ados qui a déjà 16 ans ? C'est juste une manif contre la réforme fiscale, en plus de toutes les injustices que nous vivons ici, hein. Non mais si l'école avait tort de l'oublier ? Mais toi, tu le savais ! J'comprends pas c'que j'ai fait pour mériter ça ! »
- ces mots me font toujours sentir coupable et me confondent -
Dirigeant son regard vers moi :
« On a beau parlé du fait que tu dois essayer d't'intégrer. T'as vu comment allaient tes camarades ? Calmes. C'est normal que les gens protestent, réclament leurs droits. Ils en ont marre ! - essaye-t-elle de m'expliquer entre la colère suscitée par mon comportement et celle produite par la situation - Cela continuera à se produire jusqu'à ce qu'il y ait un changement dans le pays, ça c'est sûr. On en a besoin. Mais c'est très difficile à comprendre ? Vraiment ? Est-ce si difficile d'être normal, Marguerite ? ».

Bien, maman, et tout le monde, cela ne coûte rien d'avoir un peu d'empathie et de m'expliquer la situation, au lieu de me regarder comme une lunatique ou me faire gronder. Le saviez-vous ? Peut-être que je suis vraiment une extra-terrestre, mais c'est si vous voulez juste voir mes différences. Si vous osez voir au-delà de mes réactions, si vous osez découvrir ce qui me passe par la tête. Si vous essayez de vous souvenir du nombre de fois où vous vous êtes sentis pareil, quand vous étiez des enfants... Vous rappelez-vous de ce qui vous a fait changer ? Qui et comment on vous a dit d'arrêter d'agir d'une telle façon que vous deviez vous restreindre, rester en silence, vous comporter. Mais si vous vous ouvrez à de nouvelles façons d'être, de penser et de ressentir... vous découvrirez, peut-être, qu'être un extra-terrestre c'est ignorer que nous sommes tous divers !