Une hirondelle a fait le printemps

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— Tiens, c'est marrant, j'aurais juré qu'elle était à gauche...
Louison louchait sur l'épaule de Marie, qui venait de se retourner pour essayer une robe.
— Ouaip, t'as raison, moi aussi, ça me fait ça. Ça me fait ça avec plein de gens, d'ailleurs...
— Maiiis non ! Je te parle de ton hirondelle !
— Mon hirondelle ? Oui, elle est à gauche...
Machinalement, Marie jeta un coup d'œil dans le miroir. Elle portait ce petit tatouage depuis si longtemps qu'elle ne le voyait plus... Mais là, dans la cabine d'essayage, le jeu des deux miroirs lui renvoyait une image parfaitement uniforme de son dos. Elle toucha son épaule, repoussa la masse sombre de ses cheveux. Non, l'hirondelle n'y était plus...
— Attends, c'est pas possible...
Marie avait beau scruter son reflet, il ne lui offrait pas l'ombre d'une aile. Louison, qui n'avait pas renoncé, faisait se retourner son amie.
— Ahhhh... la voilà ! Je ne sais pas comment tu as fait, mais c'est très réussi, aucune trace de l'ancienne...
L'oiseau bleu sortait sa petite tête du jean de Marie tout pile entre un grain de beauté et le nombril. Marie regarda son ventre, stupéfaite. Non, elle n'avait rien fait. Ce n'était simplement pas possible. Pas possible, mais incontestable, néanmoins : l'hirondelle s'était déplacée...

Deux jours après, Marie avait cessé de s'interroger. L'hirondelle se déplaçait sur son corps en toute liberté. Elle avait orné le bas de son dos, était remontée sur son cou, avait caressé un sein et semblait s'être stabilisée sur l'avant-bras droit. Tant qu'elle ne s'installait pas sur son visage, Marie avait décidé de la laisser faire.

Quelques semaines avaient passé, et trouver où l'hirondelle avait élu domicile était devenu un jeu, quand un matin, à la recherche de son oiseau, Marie avait dû se rendre à l'évidence : son corps était exempt de l'encre bleue. Attristée, elle prit l'habitude de déposer quelques graines dans son nombril au moment d'aller dormir et se mit à attendre.
C'est à peu près à cette époque que les herbes folles, les arbres et les fleurs ont commencé à pousser. Par ses pieds, d'abord, puis le long de ses bras et dans son dos. De très beaux dessins, tous à l'encre noire, se sont développés sur elle.
Marie s'était mise à ressembler à une clairière, mais elle ne s'en inquiétait pas ; quand elle marchait dans les rues, portée par la nature qui la recouvrait, elle se sentait légère et heureuse. Au début, elle cachait les motifs qui ornaient son corps, puis elle décida de les montrer fièrement, les soulignant en arborant des boucles d'oreille en forme d'oiseaux et en décorant ses cheveux de fleurs fraîches.

Un soir, elle avait repéré dans l'un des arbres de son dos qu'un nid se formait. Elle était sûre que son hirondelle allait revenir. Pour lui faire plaisir, elle s'était acheté un collier de fleurettes en pierres multicolores et avait commencé à faire de longues balades dans les bois. Elle avait hâte de retrouver son oiseau.

* * *

— Maman ! On va se promener ?
— Oui, mon chéri, prends ton vélo, mets un chapeau, et on y va. Tu veux passer par où ?
— Par le parc, comme ça, on s'achète une glace avant d'arriver au bois !

* * *

Dans le nid, trois œufs à la coquille bleutée avaient fait leur apparition. Marie était radieuse : elle allait avoir une famille ! L'hirondelle était passée dans son cou et lui avait fait l'honneur d'un détour par ses hanches avant de se mettre à couver. Marie s'était mise à manger sainement et forçait un peu sur les graines. Elle voulait absolument faire bonne impression aux oisillons qui ne tarderaient pas.
Un matin, pressentant l'éclosion et désireuse d'offrir aux petits une belle première image de la vie, elle avait décidé de passer sa journée dans les bois. Son joli collier autour du cou, quelques fleurs piquées dans ses cheveux, elle avait préparé des sandwiches, du citron pressé et des fruits, et était partie se promener. Pour fêter l'événement, elle avait mis ses sandales bleues, de la couleur exacte de son hirondelle.

* * *

— Oh ! regarde, Maman ! Des petits bouts d'œufs !
— Ce sont des morceaux de coquilles, mon chéri, il doit y avoir de tout petits oiseaux pas très loin. Si tu ne bouges pas et regardes bien autour de toi, avec un peu de chance, tu pourras les apercevoir.
Au pied de l'arbre, il y avait un petit panier de pique-nique et des sandales bleues. L'enfant s'assit sagement à côté, son cornet de glace à la main, et commença à scruter les branches les plus proches de lui. Il entendit un léger pépiement et plissa les yeux pour mieux se concentrer.
— Là ! Je les vois !
Trois minuscules hirondelles recouvertes de duvet sortaient leurs têtes hirsutes d'un nid. Impressionné par sa découverte, le gamin retint son souffle. La fragilité des petits êtres qui réclamaient leur pitance à grands cris le fascinait. Décidant de partager sa glace avec eux, il se leva avec mille précautions et approcha doucement du nid.
Un éclair sur le tronc de l'arbre attira son attention.
— Maman ! Viens voir ! Le tronc... Il porte un collier...
Le garçonnet pointait son petit doigt maculé de glace vers l'arbre. Un joli collier composé de multiples fleurettes de pierres de couleur était incrusté dans le tronc.

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