Une confession dans l'ombre

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. L’endroit était sombre, un léger brouillard montait du sol. L’éphèbe promena un regard désespéré: Où- suis-je ? Dit-il.
-Dans le monde de la vérité, répondit le vieil.
-Monde de la vérité ! S’écria l’éphèbe.
-Bienvenue au Barzakh, tonna le vieux. C’est ici que les âmes attendent le jour de la résurrection. Le regard inquisiteur, le vieillard l’interrogea: que s’est-il passé ? Tu es si jeune.
- La mort n’a pas d’âge mais disons que j’ai anticipé ma venue ici. Dit-il en souriant.
-Si tu regardes quelque chose qui ne te plait guère à la télé, que fais-tu ?
- Je l’éteins !!, railla le vieux.
-J’ai eu à vivre des moments très sombres. Il valait mieux que y mettre fin sinon...l’éphèbe ne termina pas sa phrase.
-Ah bon !! Racontes moi, cela fait un bail que je n’ai parlé avec quelqu’un. Viens t’assoir, dit le vieux.
-Moi aussi, j’ai envie de parler ! J’ai envie que l’on m’écoute ! Le jeune homme avait pris un peu de temps avant de sortir de son mutisme. « Je m’appelle Salman. Maman était femme de ménage. Mon père était un footballeur. Malheureusement, il n’a pas pu prétendre à une grande carrière. Il a du arrêter pour travailler au Port comme Docker sur recommandation d’un de ces amis. Cependant, il voulait que je réalise ce qu’il n’a pas pu faire. Un jour, un tournoi allait être organisé au Stade pour dénicher les nouveaux talents. Mon a voulu que j’y participe désireux que je devienne un « dompteur du ballon ». A la veille, Je ne pouvais pas dormir la nuit, j’étais excité de pouvoir y participer. Le lendemain, Papa m’y avait conduit avec son scooter. Arrivés au niveau du pont, une voiture nous percuta projetant ainsi Papa contre un lampadaire. Sa chute fût mortelle. Pour ma part, j’avais atterri de l’autre coté de la route me faisant ainsi broyer le poignet de ma main droite par les roues d’une voiture. J’ai été opéré malheureusement il y a eu des complications et On n’a du amputer ma main. La mort de mon père avait laissé un grand vide. La situation à la maison est devenue difficile. Ma maman préparait la même chose du riz au lait. Un jour, dans la cuisine, j’ai vu ma mère, elle mélangeait le lait avec un peu de farine ensuite elle y avait ajouté beaucoup d’eau. Elle secoua le tout puis me servit mon plat. Elle souriait comme si tout allait bien mais j’avais immédiatement réalisé. Je ne voulais pas l’attrister. J’ai avalé sans dire mot. De fois nous n’avions même pas de quoi acheter du lait. Donc ma mère m’envoyait chez une de ces amis. Je n’ai jamais oublié le jour où cette dame m’a dit « vous tendez trop la main voilà pourquoi la tienne a été amputée ». L’école me stressait. En classe, j’étais victime d’une stigmatisation. Je ne pouvais plus supporter ces regards donc j’ai abandonné l’école. De fois en pleine nuit, assis dans le noir, je pleurais tout seul. Notre seuil de pauvreté avait atteint ses limites. Lorsque Je rentrais le soir, tout était noir, pas d’électricité ! Je voulais prendre un bain mais il y’avait pas d’eau. J’étais obligé de parcourir des ruelles pour en trouver. Malgré tout, j’ai voulu être footballeur ne serait-ce que pour honorer la mémoire de père. Je faisais pas mal de test malheureusement, j’étais toujours recalé à cause mon handicap. Un jour, je jouais à la plage et un homme est venu à moi. Il s’appelait Nicolas, c’était un agent de joueur. Il m’a abordé en ces termes : « ton talent se sent à des kilomètres... ». Après un long échange, il me fit part de son désir m’amener en Europe. C’était un rêve d’enfant. Ce rêve, malheureusement, une fois en France s’était éteint. J’avais fait des tests mais je n’ai pas eu de suite favorable. On m’a demandé de rentrer au Sénégal. Mais je ne pouvais pas car je n’étais pas prêt à affronter les railleries des gens. J’étais resté alors en France chez monsieur Nicolas pendant des mois. Il m’avait beaucoup aidé. Nicolas m’aimait énormément. C’était mon père spirituel, un bon vivant qui transmettait des émotions positives. J’avais mis en stand-by le foot. Je travaillais parfois comme ouvrier dans un bâtiment. Mais un coup de pouce du destin allait lancer ma carrière. Un jour, mon bienfaiteur avait invité à dîner un ami à lui. C’était le recruteur du FC Sochaux. Comme que le club était instable financièrement, il pouvait recruter que des joueurs amateurs. Je n’ai pas laissé ma chance passé. Le lendemain je suis parti faire les tests et ça s’était plutôt bien passé. Ils ont accepté de me signer. J’étais fier de signer mon premier contrat professionnel. J’en avais informé ma mère, elle était aux anges. Une semaine avant notre premier match en championnat, j’avais appelé ma mère comme tous les jours. On était au téléphone et je lui ai dit : « Oui, je vais bien très bien. J’ai bien travaillé pendant la semaine et c’est fort probable que je sois titulaire samedi ». Je parlais avec une telle excitation. D’habitude, elle voulait toujours que je la raconte comment ça se passait au foot. Mais cette fois-là elle était bizarre. Elle a dit « Oui Salman, Oui c’est bien mais est-ce que tu peux me faire une faveur ? »Je lui ai répondu : « Oui, laquelle ? » Elle m’a dit « Prends soin de toi s’il te plaît ». Je me souviens que j’étais perplexe. Je lui ai répondu : « Maman ! Je vais bien ». Il m’a dit : « Non, promets-moi.» Je lui ai dit : Oui Maman, Je te le promets.». Trois jours plus tard, elle mourait et j’avais compris ce qu’elle avait vraiment voulu dire. Cette pensée me chagriner profondément car j’aurai voulu que mes parents vivent encore des années pour me voir jouer à la télé. Il m’avait fallu quelques mois avant de débuter la saison. Au début je jouais avec tellement de rage en moi tant les événements de ma vie me bouleversaient. Ma première saison en tant que professionnel, j’avais marqué 16 buts et participé à la remontée du club en ligue 1 française. Malheureusement, des retards de salaire ont coupé court mon aventure à Sochaux. J’avais résilié mon contrat et me suis engagé avec Bastia. J’étais le chouchou du public. J’avais mis les tifosi sudistes dans ma poche. On me surnommait « la main de Dieu ». Je faisais chavirer toute la France qui me réclamait en sélection. Il fallait faire un choix entre la France et le Sénégal. Pour moi, ce n’était pas une question de choix mais une question de reconnaissance. Il me voulait quand personne d’autres ne me voulait. Donc j’ai joué pour la France. En sélection, je n’ai pas pu participer à la coupe du monde 2002 car j’étais blessé. Ce fut une grosse déception. Je commençais à être inconstant sur le terrain, les tentations du milieu me dominaient. Je fréquentais des gens de mauvaise mœurs, je commençais à boire, je passais mes nuits dans les boites de nuit d’ailleurs c’est dans ces endroits que j’ai rencontré ma femme Rosalie. De fois je manquais l’entrainement et finalement on m’avait écarté du groupe. L’alcool avait ruiné ma carrière. Finalement j’avais du mal à me trouver un club, j’ai du arrêter. Mais je n’étais pas au bout de mes peines. L’argent que j’avais eu à amasser se trouvait dans le compte de ma femme Rosalie. Elle m’avait accusé de l’avoir violenter. On a divorcé. Ce qui me dégoûte au plus haut point dans cette histoire est que c’était moi qui courait, qui me blessait, qui avait des fractures et qui allait dans les salles d’opérations etc. Au final, c’est mon ex-femme qui ramasse tout le pactole ! Même à un esclave, on ne lui faisait pas cela ! J’étais fatigué, j’étais fatigué de toute la peine et la souffrance que je me suis infligé. La culpabilité conduit à des remords insupportables !». Le vieil demeura silencieux un moment avant d’élever la voix : « Sache que faire une erreur est humain, pardonner est divin».