un rêve éveillé

J'ai rêvé d'une soirée parfaite, un peu folle sur les hauts de Garonne. 10 ans,20 ans d'une vie pour 1 heure de temps ou tout bascule, ou tout prend un sens enfin, après tant d'attente et de travail. Le complexe est comble, l'ambiance électrique, sur le panneau numérique central, les joueuses défilent sous un tonnerre d'applaudissement. Notre team féminine s'est construite patiemment avec l'aide de tous, avec des remises en question des clubs girondins concernés. Les réticences, les résistances du début ont fait place à une communion, une fierté d'avoir donné naissance à cette équipe, symbole d'un territoire. Comprendre le défi sportif, structurel, économique d'une telle création a nécessité des sacrifices de chacun mais surtout une vision commune de tous autour d'un projet, d'une idée vieille comme le monde que " l'union fait la force", sur et en dehors du terrain. Pour réaliser cela il a fallu des femmes et des hommes libres sans ancrages négatifs dans leur structure avec une vision fédératrice comme vecteur de réussite. Que de souvenirs, de rencontres et de soirées passionnées où nous avons débattu, échangé jusqu'au crépuscule pour finalement devenir des adversaires ou des amis d'un soir, et parfois d'une vie. Rien n'a été simple pour mettre en place ce défi ambitieux, un challenge pour toute une région qui s'est finalement matérialisé avec la patience et l'humilité de tous les protagonistes car si l'argent est le nerf de la guerre, il faut un projet qui transcende les clivages de chacun et sans l'humain rien n'est possible. Le match débute enfin, le public est tendu, on le sent proche de son équipe de cœur, prêt à s'enflammer, tout en étant respectueux de l'adversaire. Les défenses prennent le dessus sur les attaques, le public encourage, reprend à l'unisson 'bordeaux, rive droite', ‘bordeaux, rive droite', je reconnais Manon à l'aile gauche pur produit de notre centre de formation d'excellence, elle se démène sans compter, on sent à travers elle que cette équipe a une âme, une histoire faite d'échecs et de réussites de larmes et de rires, de travail et de plaisirs. Notre équipe creuse l'écart, le public chavire, gronde de joie, plus que quelques secondes, l'arbitre siffle la fin du match, Bordeaux rive droite accède pour la première fois de son histoire à la D1, les joueuses explosent de joie, les spectateurs autour de moi sont debout et applaudissent aves frénésie leur équipe. Sur le chemin du retour, mon esprit vagabonde de manière intemporelle, tout se mêle dans ma tête, entre rêve et réalité, présent et futur, je finis par perdre le fil. "Loïc, mon ami je crois que je t'ai perdu", Je tourne la tête en émergeant de ma rêverie, Antho me fixe avec bienveillance dans son fauteuil électrique. Je réalise la chance que j'ai d'avoir un tel ami, toujours là pour m'épauler, me glisser un mot rassurant à l'oreille, me souffler les solutions évidentes pour lui. Dans mes souvenirs Antho a toujours été là, je revois ses débuts dans la section handfauteuil, son enthousiasme et sa gentillesse communicative. Son investissement dans le bureau du club s'est fait naturellement avec une prise de responsabilité de plus en plus importante. Il a su distiller sa simplicité, sa force, son courage, sa détermination, sa vision constructive, à tous, pour permettre l'éclosion d'un projet que personne ne prenait au sérieux.
Fier d'avoir été à tes cotés toutes ces années mon fidèle camarade, même si parfois tu avais l'impression d'être accompagné d'un handicapé qui avait du mal à te suivre. Parfois tu me fais penser à cette résine que les joueuses mettent sur le ballon pour avoir un meilleur grip et de meilleurs sensations techniques. Comme elle tu permets aux gens d'être meilleur, plus performants au quotidien, tu révèles la quintessence de chacun avec ta gentillesse naturelle.
Si c'était à refaire, c'est avec toi que je voudrais revivre cette aventure sans changer une seule ligne de l'histoire de notre parcours.