Jean n’aime pas les chats. En général, il les chasse en faisant « pschttt ! », et ça suffit à les faire partir de la cour. Mais celui-là est différent. Il est apparu du jou... [+]
Un cochon. Gros. Gras. Rose. Couinant. Gémissant. S’approchant. Mort. Il s’arrête. De toute façon
il ne peut plus avancer. Le couperet est tombé sur la base de la nuque. Il a tout sentit, puis rien. Et
moi je suis devant. Je le regarde. Passif. Avec, dans les oreilles, ses cris de... de cochon.
- Ho, l’Gabier, tu t’magnes, t’en a encore quarante à tirer !
Le Gabier, c’est moi. Jacques Gabier. Un mètre soixante-cinq, cheveux noirs, yeux bleus. C’est ce
qui est marqué sur ma fiche d’état-civil.
Et ce monsieur qui hurle mon nom, c’est le contremaître. Un gros bonhomme de cent-vingt kilos,
surnommé « Tête de Cochon » par mes collègues, à cause de son mauvais caractère.
C’est vrai qu’il ne fait pas grand-chose, à part crier. Comme un cochon, en fait. Un gros cochon
qui crie. Je les connais, moi, les cochons. Ça grogne, ça hurle, ça gémit, mais ça avance quand
même.
Ça me fait penser à Renaud. Il ne faut pas en parler, c’est encore tout frais dans les mémoires.
C’était un abatteur, comme moi, comme les autres. Tranquille. Il faisait son travail, comme moi,
comme les autres. Il vivait seul. De toute façon, ici on est seul. Donc il était seul, comme moi,
comme les autres. Mais un jour, il n’a pas fait son quota de bêtes. Pas comme moi, pas comme les
autres. C’est arrivé une fois. Puis une autre fois. Un jour, Tête de Cochon arriva, le prit par le col, et
le sortit. Pas comme moi, pas comme les autres. Et plus ils approchaient de la sortie, plus Renaud
grognait, hurlait, gémissait. Mais ils avançaient quand même.
À partir de ce moment-là, Tête de Cochon hurle.
Il hurle, et nous, on écoute. Il hurle comme s’il avait la mort en face.
Mais s’il l’avait vraiment, en face, la mort ? Est-ce qu’il hurlerait de la même façon ? Il faudrait
essayer.
Oui, c’est ça, je vais faire une mise en situation.
Tout d’abord, j’attends. Il ne faut pas le ridiculiser devant tout le monde. Donc je fais ça à la
fermeture. Je monte, près de l’endroit où les cochons sont stockés, avant de nous être amenés. Ça
y est. Je le vois. Il arrive.
- Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
- Je crois qu’il y a un problème, en bas.
- Où ça ?
Il se penche.
Je l’attrape par les pieds, et je tire. Je le soulève. Il est lourd. Mais j’y arrive. Il tombe. Pile sur le
tapis, que j’avais laissé allumé. Il n’est pas trop abimé. Puis je redescends. Je me mets en place. Et
le voilà. Un cochon. Gros. Gras. Rose...
il ne peut plus avancer. Le couperet est tombé sur la base de la nuque. Il a tout sentit, puis rien. Et
moi je suis devant. Je le regarde. Passif. Avec, dans les oreilles, ses cris de... de cochon.
- Ho, l’Gabier, tu t’magnes, t’en a encore quarante à tirer !
Le Gabier, c’est moi. Jacques Gabier. Un mètre soixante-cinq, cheveux noirs, yeux bleus. C’est ce
qui est marqué sur ma fiche d’état-civil.
Et ce monsieur qui hurle mon nom, c’est le contremaître. Un gros bonhomme de cent-vingt kilos,
surnommé « Tête de Cochon » par mes collègues, à cause de son mauvais caractère.
C’est vrai qu’il ne fait pas grand-chose, à part crier. Comme un cochon, en fait. Un gros cochon
qui crie. Je les connais, moi, les cochons. Ça grogne, ça hurle, ça gémit, mais ça avance quand
même.
Ça me fait penser à Renaud. Il ne faut pas en parler, c’est encore tout frais dans les mémoires.
C’était un abatteur, comme moi, comme les autres. Tranquille. Il faisait son travail, comme moi,
comme les autres. Il vivait seul. De toute façon, ici on est seul. Donc il était seul, comme moi,
comme les autres. Mais un jour, il n’a pas fait son quota de bêtes. Pas comme moi, pas comme les
autres. C’est arrivé une fois. Puis une autre fois. Un jour, Tête de Cochon arriva, le prit par le col, et
le sortit. Pas comme moi, pas comme les autres. Et plus ils approchaient de la sortie, plus Renaud
grognait, hurlait, gémissait. Mais ils avançaient quand même.
À partir de ce moment-là, Tête de Cochon hurle.
Il hurle, et nous, on écoute. Il hurle comme s’il avait la mort en face.
Mais s’il l’avait vraiment, en face, la mort ? Est-ce qu’il hurlerait de la même façon ? Il faudrait
essayer.
Oui, c’est ça, je vais faire une mise en situation.
Tout d’abord, j’attends. Il ne faut pas le ridiculiser devant tout le monde. Donc je fais ça à la
fermeture. Je monte, près de l’endroit où les cochons sont stockés, avant de nous être amenés. Ça
y est. Je le vois. Il arrive.
- Qu’est-ce qu’il y a, encore ?
- Je crois qu’il y a un problème, en bas.
- Où ça ?
Il se penche.
Je l’attrape par les pieds, et je tire. Je le soulève. Il est lourd. Mais j’y arrive. Il tombe. Pile sur le
tapis, que j’avais laissé allumé. Il n’est pas trop abimé. Puis je redescends. Je me mets en place. Et
le voilà. Un cochon. Gros. Gras. Rose...
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