Soumission au luxe

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Peut-être pas. L'obscurité qui s'abbatit sur moi était si pesante que je ne pouvais comprendre si j'étais dans le noir ou si mes yeux étaient fermés. Enfermée dans ma boîte, seule, j'errais dans l'obscurité, je tâtais dans le noir en espérant trouver un brin de lumière. Tout me parraissait si sombre, encore une fois j'avais l'impression de plonger dans le néant sans personne pour me ramener à la surface. Recroquevillée dans un coin de la chambre, je refléchissais, il fallait trouver une solution. Ce matin je revenais de ma douche quand mon mari m'aggripa par le cou et de sa main libre tenait mon téléphone.

- Qui est ce Dario ? Lâcha-t-il
Les traits de son visage se crispaient, il pinça les lèvres
- Un ami de la famille qui voulait juste prendre de mes nouvelles.
Comme à son habitude, il ne me croyait pas et continua sa scène de jalousie. Il jetta mon téléphone avec fracas et pris son pistolet à impulsion éléctrique. C'était la première fois que je voyais cet engin. D'un regard suppliant, je tentais de lui expliquer qu'il n'avait rien entre moi et Dario. Pendant un instant je pensais qu'il m'avait cru, il me prit dans ses bras, me chuchota des mots doux à l'oreille et j'ai senti un choc électrique au niveau du ventre. Il était trop tard quand je comprenais qu'il avait activé le pistolet. Une douleur fulgurante me traversa, j'ai flanché. Tout à coup mes genoux se dérobèrent sous mon corps. Il attrapa ma main pour m'éviter une chute mortelle. Je fus prise d'une paralysie momentanée et je ne puis dire si je respirais ou si je suffoquais. J'étais à peine consciente quand je me sentis soulever et déposer sur le lit. Je restais inerte, sans force, malgré moi des larmes inondèrent mon visage. Comme toujours, Il m'embrassa avant de se rendre au travail
- Excuse-moi, je ne voulais pas, je t'aime, il m'est impossible d'accepter que quelqu'un t'aime plus que moi. Balbutia-t-il avant de quitter la pièce

Ce matin, j'ai eu la peur de ma vie. Ce n'était pas la première fois qu'il leva la main sur moi, comme il le disait toujours c'était de ma faute. La première fois, il a haussé le ton parce que j'étais trop gentille avec un serveur, la cause de la deuxième fois était beaucoup plus banale que la première, un de ses amis m'a déshabillé du regard. Deux années ensemble au cours desquelles j'ai cessé de compter toutes les fois qu' il me rabaissait ou me tabassait. Mais aujourd'hui je n'y étais pour rien. Ma décision était prise, je le quitte dès maintenant, il fallait que je lui dise, il fallait qu'il le sache.

J'étais assise dans le salon quand le klaxon d'une voiture venait à troubler le silence de la maison. Mes valises à portée de main, je sirotais mon énième verre de whisky, croyant que cela m'aiderait à rester ferme sur ma décision et à tenir tête à mon mari. Il entra dans la maison dans un coup de vent et me trouva derrière la porte.
- Bonsoir Chérie. Dit-il en souriant

Son sourire s'effaça lorsqu'il remarqua mes bagages

- Où est-ce que tu vas? Me demanda-t-il
Dans un souffle je répondis
- Je te quitte, je laisse cet enfer, je m'en vais Patrick.
- Tu veux me quitter? Quelle bonne blague !

Il fronça les sourcils, j'ai cru qu'il allait se mettre en colère, puis il s'esclaffa, avant de reprendre un air sérieux tout en ouvrant la porte.
- Vas-t-en, laisse la maison. Dis-moi pour aller où ? Me questionna-t-il

J'ai pris mes valises, arrivée devant le seuil de la porte j'hésitais. Milles et unes pensées trottaient dans ma tête. Depuis que Patrick était entré dans ma vie, je n'avais plus d'amis, j'ai tourné le dos à ma famille, croyant que je faisais le bon choix. Je pourrais me payer une chambre d'hôtel avant de louer une maison lorsque je trouverai un boulot, mais je n'ai plus d'économies. Il n'a jamais voulu que je sois indépendante, il a toujours été aux petits soins avec moi, je n'ai jamais manqué de rien. Au début, je me sentais comme une princesse, à la longue, je devenais une princesse dans une cage dorée. Il gardait tous mes papiers personnelles, je croyais qu'ils seraient en sûreté avec lui. Et voilà qu'aujourd'hui cela faisaient partie des obstacles m'empêchant de gagner ma liberté. Sans argent, sans papiers, ni personne pour m'accueillir je ne pouvais aller nulle part.
- Tu n'es rien sans moi. Ajouta Patrick
- Viens, rentrons et arrête tes bêtises. Dit-il et je décelais une once de douceur dans sa voix

Honteuse, je fis volte-face, il avait fallu de peu pour que je commette une bêtise. Bien sûr que c'était une bêtise! Patrick a su étancher ma soif du luxe, il suffisait de demander, voiture, vêtements de marque, voyage de rêves. Pour nos sorties il m'emmenait dans les plus grands hôtels de la ville. C'était la perspective de toutes ces belles choses qui m'a tout de suite attiré vers lui. Je ne réchignais jamais au lit, Patrick, tel un étalon bien monté savait comment éveiller mes sens et m'emmener au paroxysme. Oui il m'aimait, mais à sa façon et pouvait être trop démonstratif parfois. Il disait souvent que j'étais sa faiblesse, cela le rendait jaloux et possessif.

D'un coup, la vérité m'assaillit, je ne pourrai jamais le quitter. Fatiguée, epuisée, désabusée je cesserai de l'aimer. Mes yeux grands ouverts dans le noir, je fus inondée d'obscures pensées. S'il voulait encore me faire du mal soit par jalousie ou par habitude je me suis promise de rejoindre la lumière, quitte à m'y brûler. Un rire me prit par la gorge et m'étouffa car je me mentais encore une fois. La ligne entre l'obscurité et la lumière était peut-être mince mais le fossé les séparant était beaucoup trop profonde pour me risquer à le franchir.