SEUL DANS LE NOIR

Ma plume n'aura jamais d'encre sans vos yeux, et mon inspiration ne vaut rien sans votre lecture. JE NE SUIS RIEN SANS VOUS!

« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. » Tout a commencé le jour où l’invisible terrifiant COVID-19 a vu ses jours au monde. Né d’un ascendant inconnu, d’origine animale ou humaine, aucun chercheur n’a pu prouver ni sa naissance ni comment s’en débarrasser. Le monde entier était et est dans la panique totale. Un jour comme tous les autres, la crise sanitaire s’est installée dans chaque foyer sans être invitée. Elle a réussi à dicter ses propres lois et ses manipulations, mais pourquoi ? Harcelé et terrorisé par un évènement dont personne ne s’y attendait, tout Homme cherchait ses propres abris pour s’y cacher. Mais pourquoi donc se cacher ? L’ennemi en commun n’est même pas visible et encore moins une cible. Les Chefs du Gouvernement de chaque pays mobilisent ses chercheurs, pharmacologues et même l’armée pour le lutter. Pour moi, la bataille ne fait que débuter. Pour nous, les pays pauvres, nous pleurons pour nos proches qui craignent la mort. Nous pleurons en regardant Facebook et en voyant les millions de personnes que tu as tué parce qu’ils ne veulent pas s’allier. Même si nos cas confirmés sont des porteurs sains, nous ne baisserons jamais les bras et encore moins les mains. Quoi qu’il en soit, je ne suis ni chercheur ni médecin, mais je trouverai un moyen pour riposter. Mais comment faire ? Le désespoir m’envahit l’esprit. Tout est noir, pas de couleur ni de lumière, pas de musique ni de parole, pas de chanson ni de danse, pas de goût ni d’odeur.
Aurais-je un jour l’occasion de revoir mes proches et de les serrer contre moi comme au temps d’avant ? Ou serai-je obligé de rester chez moi et d’utiliser les masques et les gels désinfectants ? Les secondes s’écoulent, ensuite vinrent les minutes mais je ne retrouve toujours pas la vue. Mes yeux ne s’habituent toujours pas à l’obscurité. Que se passe-t-il ? La panique commence à m’envahir ; ce n’est pas normal. Partout où je regarde je ne vois que du noir, encore du noir et rien que du noir. Les formes n’existent pas. Je lève la tête dans l’espoir de voir la lueur des étoiles, mais c’est ma lueur d’espoir qui vient de s’éteindre.
À mesure que le temps passe, je m’enfonce petit à petit dans le néant de cette dimension obscure. Mes souvenirs s’estompent comme la rosée du matin face au cruel soleil du midi. Soleil, ce mot me dit vaguement quelque chose. Le noir englobe non seulement mon environnement mais se propage inexorablement dans tout mon être au point où je perds toute notion et souvenir des autres couleurs hormis la couleur noire. Blanche, jaune, verte, violette, bleue, rouge, ce ne sont désormais plus que des souvenirs lointains auxquels je m’accroche avec l’énergie du désespoir. Bientôt, à ce rythme, ce ne seront plus que des mots, des assemblages de lettres puis plus rien, juste du noir.
Je lève les mains pour tâter l’espace qui m’entoure et ainsi me familiariser avec, mais rien. C’est le vide total ! Et même sous mes pieds, il n’y a pas de sol. Suis-je debout, assis, dans quel état de stationnement me situe-je ? Je tente d’appeler à l’aide mais rien à part l’écho de ma voix qui répète de manière métronomique à l’aide, à l’aide ! Je décide donc de crier de toutes mes forces une seconde fois mais cette fois, aucun son ne sort de ma bouche. Je viens de perdre ma voix. Pris de panique, je mets mes mains sur ma bouche et à ma plus grande surprise, je viens de me rendre compte que je n’ai plus de bouche. Mon visage est dépourvu de bouche. Et comme si cela ne suffisait pas, je ne sens même plus mon visage ; je suis un sans visage.
Me mettant à l’écoute de mes sens, je me concentre au maximum de mes possibilités mais en vain. Je suis encore plus perdu et désemparé qu’avant. En effet, l’environnement dans lequel je me trouve ne fait ni chaud, ni froid ou peut être les deux à la fois. Je sais, cela parait étrange et incompréhensible, voire insensé mais je vous jure que ce sont mes sensations. Je me sens nulle part et partout à la fois. Quand je tente de me situer dans ce monde, je me sens infiniment petit mais en même temps infiniment grand. La notion d’espace est extraordinairement confuse.
Mais j’y pense, j’ai bien entendu l’écho de ma voix tout à l’heure, ce qui signifie qu’il me reste encore le sens de l’ouïe. Je tente de me concentrer avec tout ce qui me reste d’énergie sur ce que j’entends mais je ne capte aucun son. Et d’ailleurs qu’est-ce que le son ? Cette notion tellement basique et familière est désormais étrange et tellement lointaine. Dans ce monde il n’y a ni son, ni musique au point où do ré mi fa sol la, si ne sonnent qu’avec une seule note ; celle du silence noir.
Pris d’une crise de panique sans précédent, je me mets à courir, tout droit ou dans tous les sens durant des minutes, des heures ou même des jours mais je ne trouve rien, je ne tombe sur rien hormis le vide. Essoufflé, je m’arrête et prends la peine de réfléchir et d’analyser la situation dans laquelle je me trouve. Cependant, à mesure que j’analyse la situation, moins je la comprends et plus la confusion s’empare de moi avant de laisser cette sorte de substance noire se propager dans ma tête, dans ma conscience.
Cette brume noire brouille mon esprit. Ce qui me reste de clairvoyance et de lucidité ; du vrai moi me dit que je suis en train de perdre mes sens les uns après les autres à mesure que le temps passe et qu’à ce rythme je me perdrai et ne ferai plus qu’un avec cette chose, cette dimension obscure. Je dois me dépêcher, je dois sortir de là le plus vite possible. Chaque instant passé dans ce monde ne fait que m’engloutir encore plus dans son sein. Ce monde agit sur moi avec une volonté et une énergie inouïe. Si je ne réagis pas au plus vite, la goutte d’eau que je suis se fera absorbée par cet immense océan de noirceur.
A mesure que le temps passe, je perds mes souvenirs, je me sens de plus en plus perdu, non ce n’est pas ça, je suis en train de devenir ce monde, cette chose, du noir. Tout ce qu’il y a de bien et/ou de mal en moi me sont ablatés, tout ce qui fait que je suis moi, ma particularité, ma singularité me sont retirées de force et à une vitesse inimaginable.
Je ne peux rien faire, à part assister à ma néantisation, à l’anéantissement de ce que je suis, de ce que j’ai été et de ce que je serai ; je cesse d’exister. Peut-être vaut-il mieux me laisser faire et laisser la vague m’emporter doucement. Je n’ai plus envie de rien, je ne sens plus ni joie, ni peur ni tristesse ; je ne sens plus rien. D’ici peu, je ne me souviendrai plus de rien, je ne serai plus rien. Ai-je des regrets ? Une dernière volonté ? Non tout cela ne me dit rien et ne m’intéresse plus. Je ne peux plus bouger, je ne respire plus, je n’entends plus rien, plus aucun son n’émane de moi et par-dessus tout je ne vois plus rien. Seule ma conscience subsiste, j’ignore encore pour combien de temps. Seuls ces quelques mots retentissent dans mes pensées : « suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ou peut être les deux ? ».
Cependant, puisqu’il me reste encore une once d’énergie, autant bien l’exploiter. Ainsi ; je rassemble mes souvenirs et c’est avec peine immense que je me remémore de qui j’ai été, non de qui je suis. En me remémorant de mon nom, mes souvenirs affluent avec une force et une vitesse colossale. Ces souvenirs font naitre en moi un sentiment de puissance, une détermination à toute épreuve. Je n’ai pas le droit de me laisser absorber par cette chose, je ne dois surtout pas abandonner et surtout, je dois revenir dans mon monde ; je dois rentrer chez moi. Des êtres qui me sont chers m’attendent et comptent sur moi. Tant qu’il me reste encore un brin de conscience, j’en profite pour me focaliser sur mes souvenirs. Parmi cette multitude de souvenirs, une, plus particulièrement, attire mon attention : celle d’une famille. Oui, je me souviens d’eux, ces gens me sont familiers, ils sont ceux que j’ai de plus chers au monde ; c’est ma famille et je veux revenir à leur coté !