J’travaillais bien, alors j’enchaînais les missions.
Des fois, je ne savais pas le lundi s’ils me garderaient toute la semaine ou seulement les deux jours prévus. Souvent ils... [+]
Retour de chez la nounou. Vingt minutes de bouchon et j’en étais arrivé à me dire que le bilan n’était pas très positif. J’avais mis la radio ; des auditeurs appelaient pour exprimer leur opinion sur la police et la justice. C’était le thème de l’émission avec le substitut du procureur en invité – c’était rare, il paraît. Moi je pensais « ça ne va pas à la maison ». On n’était pas très heureux, on prenait juste sur nous pour ne pas trop le montrer. C’était déjà ça. Je pensais à ma sœur. A l’enterrement de mon père. Pas un mot, pas une bise. Les grandes réconciliations autour des morts, je n’y croyais pas, mais là ça marquait quand même que c’était définitif. Et l’inventaire a continué, en mode ininterrompu, c’était plus fort que moi. J’avais mon thème : je me rappelais tout ce que j’avais raté, tous ceux que je n’avais pas su garder. C’est sûr que j’aurais mieux fait de me poser des questions sur la justice dans notre pays. J’allais avoir 40 ans, et c’était un de ces moments où on prend conscience de toute sa solitude. Et puis la voiture derrière a klaxonné, pour quelques mètres que j’avais laissés devant moi. Le réflexe, ça a été de regarder dans le siège-auto à côté pour vérifier que le petit ne s’était pas réveillé. A la radio, une auditrice s’énervait contre les petits délinquants qu’on laissait en liberté. Et le proc qui se défendait « c’est pas nous qui donnons les peines ! » et l’animateur qui répondait « si vous êtes d’accord avec Mireille, appelez-nous ! ». Je ne lâchais plus mon bébé des yeux.
En arrivant en bas de l’immeuble, j’ai tout de suite trouvé une place de parking. Je me suis dis : « ça ne va pas trop mal, finalement ».
En arrivant en bas de l’immeuble, j’ai tout de suite trouvé une place de parking. Je me suis dis : « ça ne va pas trop mal, finalement ».