La nuit va tomber sur le port. Mouettes et cormorans zèbrent le ciel dans l’attente des déchets de la pêche que les marins vont leur livrer en nettoyant les ponts. L’un après l’autre, les... [+]
Madame Simone arriva en panique. Elle ne retrouvait pas son porte-monnaie. Elle en avait besoin pour acheter son billet. Elle fouilla sa grande besace et en désespoir de cause en renversa le contenu sur la banque, fermée, de vente de titres de transport. Elle le trouva enfin et renvoya, d’un revers de main, toutes ses affaires en vrac dans son sac. Le train entrait en gare de Gif-sur-Yvette. Elle se précipita vers les distributeurs mais quand elle eut enfin son sésame, le train s’ébranlait. « Bah ! Je suis en avance, je prendrais le suivant ! ». Elle s’assit sur un banc et envisagea de faire un peu rangement dans son sac. Le premier objet que sa main rencontra avait une forme rectangulaire. Il s'agissait d'un livre de couleur marron, ayant pour titre : « Qui me lira ? ». Elle grogna : « Ce n’est pas à moi ça ! » Elle allait le jeter mais suspendit son geste : après tout, il était surement à quelqu’un. Elle l’ouvrit pour voir s’il n’y avait pas un nom à l’intérieur. Sur la première page, une seule phrase « Je t’attendais... ». Elle ne put s’empêcher de continuer, immédiatement saisie par ce qu’elle était en train de lire. Son visage, renfrogné et triste, se mit à sourire, ses yeux à pétiller. Quand une rame arriva, machinalement elle se leva, y monta, s’assit à la place qu’un jeune étudiant lui céda volontiers. Captivée par sa lecture, elle n’avait pas levé les yeux de son ouvrage sinon pour susurrer un gentil merci à l’adresse de l’étudiant... Elle lisait la dernière page alors qu' elle arrivait à Massy. En gare, elle fit une halte, sur un banc déserté, le temps de reprendre haleine et de mettre un peu d’ordre dans ses pensées. Ah oui, elle allait consulter un cancérologue, elle l’avait oublié. Ce qu’elle oublia fut le livre, sur le banc.
Erika passa, peu après, devant. Interpellée par le titre, elle fit demi-tour pour venir le rechercher. Elle le feuilleta, lu la première invite, et se mit à en dévorer le contenu. Elle rejoignit ses camarades, se laissant guider par elles. Ces dernières jacassaient sans cesse au sujet du concours que le groupe allait passer et qui devait leur ouvrir les portes du succès. Le trac des autres glissait sur Erika, tant elle était captivée par sa lecture. Arrivées à Arcueil, elles prirent d’assaut les sanitaires de la station, histoire de se refaire une beauté et se soulager un peu. Erika, lecture terminée, abandonna, sereine, son livre sur la table de l’agent d’entretien. Madame Raymonde, irritée d’avoir vu cette horde de filles investir son local, jeta l’ouvrage à la poubelle.
Eugène Platon, retraité-philosophe de son état, avait vu son geste. Il récupéra promptement l’objet, l’essuya et le fourra dans sa poche. Puis, il lui prit l’envie d’aller faire un tour à la gare de Lyon. Eugène appréciait la lecture et dans les gares, il trouvait toujours de quoi satisfaire son appétit, des journaux surtout. Il sortit le petit livre qui avait pris un ton moins foncé, il était maintenant couleur noisette. Sur la couverture s’était inscrite la liste de ses auteurs, Simone, Erika, Raymonde...et bientôt Eugène. Il découvrit la première page et le processus fut identique, il dépassa sa destination tant il était subjugué par sa lecture. Il alla jusqu’au terminus à Corbeil et revint. Il lisait les derniers mots quand il arriva à nouveau à la gare de Lyon.
Dans les couloirs, à mesure qu’il progressait, il entendait une musique qui lui faisait chaud au cœur. Des ballades, du bon rock un peu comme si Led Zeppeling était venu visiter les entrailles de la ville. Il vit un attroupement autour de deux musiciens... « Chouette concert, appréciât-il plus tard en direction du chanteur, j’n’ai pas un sou mais lisez ça, c’est super ». C’est ainsi qu’une fois de plus l’objet changeât de main. Après un merci, Neil le rangeât dans sa poche. « C’est dans la boite ! », conclut-il avec un clin d’œil.
Les deux musiciens d’In-the-Can avaient un concert à Cergy, ils se dirigèrent vers les quais du RER A. Le bouquin fut un bon compagnon de voyage. « Je crois que ça va me donner pas mal d’inspiration pour nos prochaines chansons. » dit l’un ; « Ouais, avec ça, on va avoir un succès fou. » lui répondit son acolyte. Déchargeant tout leur matériel, ils délaissèrent l’ouvrage, tombé à terre, dans la rame.
Ce fut un jeune trader, Ted, qui, monté à la Défense, le ramassa. Il faut dire que le livre s’était donné du mal pour se faire remarquer. Sa jaquette était devenue couleur or et le titre modifié en «100 000 000€ ? ». Ted eut la chance de le trouver à temps car il changea à la station suivante, Chatelet, pour se rendre à l’aéroport Ch. De Gaule. L’homme à la tête pleine de chiffres se passionna pour cette littérature. Au fur et à mesure de sa lecture, ses traits se détendaient, son corps se relaxait, un vrai coup de jeunesse !
Elaine fut la dernière lectrice de l’ouvrage dont la liste des auteurs s’était fortement allongée :
Simone, Erika, Raymonde, Eugene, Neil, In the can,Ted, Elaine.
Après avoir accompagné son amoureux qui s’était envolé pour une semaine de compétition sportive à l’étranger, elle rejoignait Goussainville toute tristounette. Le livre remplit son office. Toute ragaillardie, Elaine l’abandonna, dans le RER C.
La nuit était tombée sur l’Ile De France. Mélusine arriva dans la rame avec un grand sac de plastique noir dans ses mains gantées. Tour à tour, elle vida les poubelles, ramassa les détritus sur le sol...Elle trouva, sur un siège, le livre.
« Ah tu es là !, lui dit-elle. Mais, dis-moi, tu as très bien rempli ton office ! Prêt à recommencer demain ? ». Elle retira son gant, claqua des doigts et le livre changea de couleur, la liste des auteurs disparut.
A la fin de la nuit, quand toutes les rames furent nettoyées, Mélusine rentra chez elle par le premier métro, non sans avoir pris le soin de déposer bien en vue, dans une gare du RER D, un petit objet rectangulaire, vert-sapin, sur une banque, fermée, de vente de titres de transport.
Erika passa, peu après, devant. Interpellée par le titre, elle fit demi-tour pour venir le rechercher. Elle le feuilleta, lu la première invite, et se mit à en dévorer le contenu. Elle rejoignit ses camarades, se laissant guider par elles. Ces dernières jacassaient sans cesse au sujet du concours que le groupe allait passer et qui devait leur ouvrir les portes du succès. Le trac des autres glissait sur Erika, tant elle était captivée par sa lecture. Arrivées à Arcueil, elles prirent d’assaut les sanitaires de la station, histoire de se refaire une beauté et se soulager un peu. Erika, lecture terminée, abandonna, sereine, son livre sur la table de l’agent d’entretien. Madame Raymonde, irritée d’avoir vu cette horde de filles investir son local, jeta l’ouvrage à la poubelle.
Eugène Platon, retraité-philosophe de son état, avait vu son geste. Il récupéra promptement l’objet, l’essuya et le fourra dans sa poche. Puis, il lui prit l’envie d’aller faire un tour à la gare de Lyon. Eugène appréciait la lecture et dans les gares, il trouvait toujours de quoi satisfaire son appétit, des journaux surtout. Il sortit le petit livre qui avait pris un ton moins foncé, il était maintenant couleur noisette. Sur la couverture s’était inscrite la liste de ses auteurs, Simone, Erika, Raymonde...et bientôt Eugène. Il découvrit la première page et le processus fut identique, il dépassa sa destination tant il était subjugué par sa lecture. Il alla jusqu’au terminus à Corbeil et revint. Il lisait les derniers mots quand il arriva à nouveau à la gare de Lyon.
Dans les couloirs, à mesure qu’il progressait, il entendait une musique qui lui faisait chaud au cœur. Des ballades, du bon rock un peu comme si Led Zeppeling était venu visiter les entrailles de la ville. Il vit un attroupement autour de deux musiciens... « Chouette concert, appréciât-il plus tard en direction du chanteur, j’n’ai pas un sou mais lisez ça, c’est super ». C’est ainsi qu’une fois de plus l’objet changeât de main. Après un merci, Neil le rangeât dans sa poche. « C’est dans la boite ! », conclut-il avec un clin d’œil.
Les deux musiciens d’In-the-Can avaient un concert à Cergy, ils se dirigèrent vers les quais du RER A. Le bouquin fut un bon compagnon de voyage. « Je crois que ça va me donner pas mal d’inspiration pour nos prochaines chansons. » dit l’un ; « Ouais, avec ça, on va avoir un succès fou. » lui répondit son acolyte. Déchargeant tout leur matériel, ils délaissèrent l’ouvrage, tombé à terre, dans la rame.
Ce fut un jeune trader, Ted, qui, monté à la Défense, le ramassa. Il faut dire que le livre s’était donné du mal pour se faire remarquer. Sa jaquette était devenue couleur or et le titre modifié en «100 000 000€ ? ». Ted eut la chance de le trouver à temps car il changea à la station suivante, Chatelet, pour se rendre à l’aéroport Ch. De Gaule. L’homme à la tête pleine de chiffres se passionna pour cette littérature. Au fur et à mesure de sa lecture, ses traits se détendaient, son corps se relaxait, un vrai coup de jeunesse !
Elaine fut la dernière lectrice de l’ouvrage dont la liste des auteurs s’était fortement allongée :
Simone, Erika, Raymonde, Eugene, Neil, In the can,Ted, Elaine.
Après avoir accompagné son amoureux qui s’était envolé pour une semaine de compétition sportive à l’étranger, elle rejoignait Goussainville toute tristounette. Le livre remplit son office. Toute ragaillardie, Elaine l’abandonna, dans le RER C.
La nuit était tombée sur l’Ile De France. Mélusine arriva dans la rame avec un grand sac de plastique noir dans ses mains gantées. Tour à tour, elle vida les poubelles, ramassa les détritus sur le sol...Elle trouva, sur un siège, le livre.
« Ah tu es là !, lui dit-elle. Mais, dis-moi, tu as très bien rempli ton office ! Prêt à recommencer demain ? ». Elle retira son gant, claqua des doigts et le livre changea de couleur, la liste des auteurs disparut.
A la fin de la nuit, quand toutes les rames furent nettoyées, Mélusine rentra chez elle par le premier métro, non sans avoir pris le soin de déposer bien en vue, dans une gare du RER D, un petit objet rectangulaire, vert-sapin, sur une banque, fermée, de vente de titres de transport.
http://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/gros-pere-noel