Racine

Lire c’est s’interroger, c’est décrypter, interpréter le code d’un message écrit. Écrire c'est vivre l'instant d'un mot, un bruit, un regard, un souvenir... c'est voyager au courant de sa ... [+]

«Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.»
...Nos émotions sont profondes, l'attachement que nous portons à nos origines est profond...nos racines sont profondes, aussi profondes que les profondeurs que ne peuvent atteindre les génies des eaux. RACINE.

Je n'ai pas grandi près de toi, je ne t'ai jamais vu aussi beau et rayonnant comme la lumière du jour tapissant sur les toits et s'échappant entre les feuilles des arbres. J'ai passé une partie de mon enfance loin de toi mais près de toi à travers les souvenirs. L'amour pour l'autre, le respect des aînés et des valeurs culturelles, cette vie... c'est c'que j'ai obtenu de toi. La couleur de tes eaux reste inchangée, la profondeur de ta chaire nous nourris de ses ressources, ta forêt est une mine d'or mais traquée par une bande d'illusionnistes faisandés. RACINE.
Racine, hier encore on se cachait de honte de t'appartenir, notre fierté était clouée par les valeurs occidentales dont nous ne connûmes pas grands fondements mais prîmes attache. Au fil du temps, tu as planté en nous le germe de la fierté, aujourd'hui nous t'appartenos!! Je peine à trouver les mots pour malaxer les maux que je ressens. Terre, ma racine, symbole de nos cris de joie, nos pleurs, nos affrontements, nos idéaux frôlant le tribalisme , toi qui m'a vu naître et mourir le Grand Baobab, toi qui a forgé l'héritier du sang de tes racines, le bonhomme que je suis aujourd'hui. Je te demande pardon. Pardon pour toutes ces années passées loin de toi et de la couverture des bras de tes racines. Pardon car mes frères ignorent encore l'importance de ta lumière. Pardon car cette génération se perd. Pardon pour tout ceux-là qui, de forme consciente ou inconsciente, te renient. Pardon, terre... RACINE.
Racine, aujourd'hui encore même étant loin de toi je me sens extasié comme un gamin au réveillon de Noël, je me meurs à l'idée d'être si loin de toi. Terre de mes ancêtres, racine, mon identité. Tu nous a bercé, aujourd'hui encore les recoins de ta terre environnent mon être de la couleur de tes toitures mortes, des herbes aromatiques et médicinales de la forêt profonde qui cache le secret des plantes de la vie, Ibogha, Ibota. Ibogha pour le bois sacré et Ibota traduisant la naissance. Ibogha-Ibota reflétant le début même de l'existence ; la naissance de l'homme. Racine, sur la face de tes eaux flottaient nos corps, sur les eaux l'or du jour reflétait ses rayons, une beauté sans pareille. Tu nous a servi de ta terre, de l'étape d'imitation à celle de l'héritage. Ma terre, celle de mes ancêtres, guerriers, qui firent obstacle à l'avancée des colons, tu as su produire ce qu'il y a de mieux de nous. Un vent, l'aurore, un bruit d'eau de chute, un soleil de midi, un regard profond, nature vierge et si riche, un pas, un cri d'enfant, une fumée, un chant évocateur, un soupir, un sourire, un chant de coq, des cris de lucioles, l'aube, et le soleil s'en va...mais un autre reviendra. Silence, le soleil et l'obscurité se battent et les eaux témoignent de cette beauté. On entend plus rien, les enfants autour d'un feu de bois se "braisent" les mains et se laissent emporter par le sommeil par une voix d'or et berceuse_cette voix est celle de ma grand-mère_inspirante et piquante cette voix nous transportait vers des terres inconnues, un voyage sans retour pas avant le retour du soleil au petit matin. Souvent assis sur des bois, mains tenants les joues, le regard vide mais plein de vision, le sourire aux lèvres. Pas plutard qu'hier, je me souviens encore, la saison battait son plein, après une partie de football aux heures longues le pôle nord trouvait refuge dans les eaux de cette belle contrée, impossible de prendre son bain. Les braves s'executaient à ce rituel glacial, les autres, les bâ nous autres, pratiquaient le bain du "martin pêcheur"_cet oiseau qui vole au-dessus des eaux pour pêcher du poisson à la surface_ car la fraîcheur était à son paroxysme.
«Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.» Ce n'est pas un rêve, me rappelle mon intérieur.
La lumière de la constellation luait sur les arbres et fuiait entre les branches et les feuilles pour éclairer nos pas de nuit, les oiseaux dans la forêt, derrière les habitations chantaient de vive voix. Ce scénario nous était familier, c'était l'heure à laquelle nous regagnâmes nos lits de bambous.
Le scénario se répétait, les nuits, les lunes passèrent, c'était magique! Pas plutard qu'hier encore, je me souviens, j'étais encore là-bas près d'eux, au milieu de la forêt assis sur des feuilles mortes, contemplant cette beauté nature, ce doux parfum des bois sec et des feuilles mortes, cette énergie... Racine, mon corps, mon enveloppe, mon être. Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.» Je te dois protection et animation pour tout ce que tu m'as enseigné et continue de m'enseigner.