Mes baskets et moi, c’est à la vie à la mort. Je les emporterai jusque dans la tombe. Quoi, c’est un peu limite comme dernière volonté ? Faut bien dire qu’on m’a suffisamment pris pour un con dans ma vie pour pas avoir envie aujourd’hui de spécialement souhaiter le bien de mes prochains. Pour ça, il y a le nouveau Président, en tout cas c’est ce qu’il a dit à ceux qui avaient envie de l’entendre. Qu’on leur chie dans les bottes, je m’en fous ; pendant ce temps, moi c’est droit dans mes baskets !
C’est une histoire d’amour avec mes pompes. J’ai jamais supporté autre chose à mes pieds depuis ma première paire quand j’étais môme, mes « courent-vite ». J’en étais déjà fier. Depuis, je n’ai plus rien mis d’autre. Si, une fois, à mon mariage, le pire jour de mon existence finalement, dans des grolles étriquées qui préfiguraient cette vie lamentable où j’ai jamais réussi à me hisser au premier rang. C’est vrai qu’on peut être ambitieux et pourtant ne pas y arriver : coucou, c’est moi ! Et c’est pas la faute à mes chaussures de champion, c’est une question de mental, il parait, bien fait pour ma pomme.
Eh oui, je suis un loser, je n’ai jamais rien gagné, toujours second. Peut-être même que je suis rien ? Déjà à l’école, second de la classe. Derrière ce salaud de Francis, qui m’a coiffé sur le poteau en me piquant la Josiane et en me laissant la Géraldine, second choix la pauvre, j’ai jamais osé lui dire. Le « Raimond Poulidor du village », qu’on m’appelle, rapport à mes tatanes. Jamais le premier à rouler sous la table au café, jamais gagnant à la belote, tête de liste perdante aux municipales, sous-chef au turbin, bref, toute une destinée marquée par ce foutu chiffre deux.
L’éternel second, vous croyez que c’est marrant, ça ? Cette petite lueur de fierté immédiatement ternie d’un voile de compassion dans les yeux de Papa, à chaque presque-exploit au stade ; en plus j’étais contagieux avec l’équipe de foot du patelin. Le sourire triste de Maman à chaque présentation du carnet de notes. « Encore un petit effort, tu y es presque ». Le voila donc, ce bon pignouf, avec son éternel costard-tennis, l’élégant mais pas trop, celui qui accompagne le plus beau un jour, le plus fort le lendemain, le plus malin une autre fois, et toujours joue les seconds couteaux.
Mais le bastringue, aujourd’hui, c’est pour mézig ! Respect ! Les trompettes de la renommée, c’est pour moi aussi ! Cette fois, personne ne pourra la revendiquer, ma victoire, c’est la mienne à moi. Cette fois, je suis le premier. Preum’s. Pas comme quand t’achètes à l’avance à tarif préférentiel non échangeable non remboursable ton billet pour un TGV qui sera annulé au dernier moment, non, le premier, sans entourloupe et sur la plus haute marche du podium s’il vous plaît.
Bon, mes grolles n’y sont pour rien, on n’est pas dans l’exploit sportif non plus, j’ai passé l’âge, mais elles m’accompagnent fidèlement et la victoire n’en est que plus prestigieuse. Pour le coup, personne ne trouvera à y redire. D’ailleurs, ils sont tous là, les pisse-froid. Le maire et ses adjoints, et même le président de la communauté de communes, c’est dire l’importance de l’événement. Manquerait plus que le journaleux du coin pour immortaliser, c’est sûr j’échappe pas à l’entrefilet demain matin. La Géraldine, pour une fois, elle a l’air de bon poil - elle doit être fière de moi, après tout, sans enfants, je reste son compagnon pour l’éternité, et puis je lui garde une petite place à côté de moi sur la première marche. Et les potes du café, bon an mal an, la vie de village ça vous condamne à vous entendre et c’est pas si mal : tous au garde à vous. Tiens, mes petits neveux sont là aussi, je me demande bien pourquoi ? Quel spectacle, jamais vu une remise de prix comme celle-là. Et puis, il fait une canicule à crever. C’est par aujourd’hui ni demain que j’aurai des commentaires foireux sur l’odeur de mes pieds dans mes baskets, cette fois, ils sont bien obligés de me les lâcher. Faut dire que ça ne changera pas grand chose dans les temps qui viennent. Et puis de nos jours on s’en fout un peu de ces histoires de chaussures de sport, j’ai même vu à la télé une directrice de com qu’en porte. Yes, the vioc is dead !
A moi la place d’honneur, à moi la tête du cortège ! Aujourd’hui, on inaugure le nouveau cimetière, l’ancien est plein de vieux qui tapent l’incruste. Et je suis le premier locataire. Le premier !
C’est une histoire d’amour avec mes pompes. J’ai jamais supporté autre chose à mes pieds depuis ma première paire quand j’étais môme, mes « courent-vite ». J’en étais déjà fier. Depuis, je n’ai plus rien mis d’autre. Si, une fois, à mon mariage, le pire jour de mon existence finalement, dans des grolles étriquées qui préfiguraient cette vie lamentable où j’ai jamais réussi à me hisser au premier rang. C’est vrai qu’on peut être ambitieux et pourtant ne pas y arriver : coucou, c’est moi ! Et c’est pas la faute à mes chaussures de champion, c’est une question de mental, il parait, bien fait pour ma pomme.
Eh oui, je suis un loser, je n’ai jamais rien gagné, toujours second. Peut-être même que je suis rien ? Déjà à l’école, second de la classe. Derrière ce salaud de Francis, qui m’a coiffé sur le poteau en me piquant la Josiane et en me laissant la Géraldine, second choix la pauvre, j’ai jamais osé lui dire. Le « Raimond Poulidor du village », qu’on m’appelle, rapport à mes tatanes. Jamais le premier à rouler sous la table au café, jamais gagnant à la belote, tête de liste perdante aux municipales, sous-chef au turbin, bref, toute une destinée marquée par ce foutu chiffre deux.
L’éternel second, vous croyez que c’est marrant, ça ? Cette petite lueur de fierté immédiatement ternie d’un voile de compassion dans les yeux de Papa, à chaque presque-exploit au stade ; en plus j’étais contagieux avec l’équipe de foot du patelin. Le sourire triste de Maman à chaque présentation du carnet de notes. « Encore un petit effort, tu y es presque ». Le voila donc, ce bon pignouf, avec son éternel costard-tennis, l’élégant mais pas trop, celui qui accompagne le plus beau un jour, le plus fort le lendemain, le plus malin une autre fois, et toujours joue les seconds couteaux.
Mais le bastringue, aujourd’hui, c’est pour mézig ! Respect ! Les trompettes de la renommée, c’est pour moi aussi ! Cette fois, personne ne pourra la revendiquer, ma victoire, c’est la mienne à moi. Cette fois, je suis le premier. Preum’s. Pas comme quand t’achètes à l’avance à tarif préférentiel non échangeable non remboursable ton billet pour un TGV qui sera annulé au dernier moment, non, le premier, sans entourloupe et sur la plus haute marche du podium s’il vous plaît.
Bon, mes grolles n’y sont pour rien, on n’est pas dans l’exploit sportif non plus, j’ai passé l’âge, mais elles m’accompagnent fidèlement et la victoire n’en est que plus prestigieuse. Pour le coup, personne ne trouvera à y redire. D’ailleurs, ils sont tous là, les pisse-froid. Le maire et ses adjoints, et même le président de la communauté de communes, c’est dire l’importance de l’événement. Manquerait plus que le journaleux du coin pour immortaliser, c’est sûr j’échappe pas à l’entrefilet demain matin. La Géraldine, pour une fois, elle a l’air de bon poil - elle doit être fière de moi, après tout, sans enfants, je reste son compagnon pour l’éternité, et puis je lui garde une petite place à côté de moi sur la première marche. Et les potes du café, bon an mal an, la vie de village ça vous condamne à vous entendre et c’est pas si mal : tous au garde à vous. Tiens, mes petits neveux sont là aussi, je me demande bien pourquoi ? Quel spectacle, jamais vu une remise de prix comme celle-là. Et puis, il fait une canicule à crever. C’est par aujourd’hui ni demain que j’aurai des commentaires foireux sur l’odeur de mes pieds dans mes baskets, cette fois, ils sont bien obligés de me les lâcher. Faut dire que ça ne changera pas grand chose dans les temps qui viennent. Et puis de nos jours on s’en fout un peu de ces histoires de chaussures de sport, j’ai même vu à la télé une directrice de com qu’en porte. Yes, the vioc is dead !
A moi la place d’honneur, à moi la tête du cortège ! Aujourd’hui, on inaugure le nouveau cimetière, l’ancien est plein de vieux qui tapent l’incruste. Et je suis le premier locataire. Le premier !
Je vous invite, si vous avez un peu de temps, pour soutenir ou soutenir à nouveau mon TCC http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/le-marteau-et-les-etoiles
Belle journée !