Juste avant la nuit, j'ai voulu voir une dernière fois les quais de Saône. Savourer la beauté des derniers rayons de soleil qui se noient en éclats dorés au-dessus des eaux glauques, colorant... [+]
L'immortalité.
Cette obsession dévorante de ma jeunesse est devenue l'éternelle prison de mon désespoir.
Longtemps pourtant, je pensais avoir hérité d'un ticket gagnant à la grande loterie cosmique qui nous régit tous : une enfance dorée, une fascination inconditionnelle pour les sciences, un doctorat en génétique humaine, un salaire annuel à 6 chiffres...
Le projet "Jouvence", programme gouvernemental secret de recherche sur la dégradation du génome humain, fut le cheval de Troie de mon irrésistible ascension.
Nommé directeur des travaux, il me fallut plusieurs années de travail avant que le miracle n'apparaisse, par une orageuse nuit d'automne, dans une éprouvette de mon laboratoire.
L'élixir d'immortalité.
La mort de la mort.
La résilience intemporelle de l'enveloppe charnelle et de l'âme.
Je perdis la raison, séduit par la promesse d'un éternel printemps : j'ingurgitai l'intégralité du breuvage, faisant fi des précautions scientifiques les plus élémentaires.
L'éternité m'ouvrait ses bras chimériques.
Que croyais-je donc ?
Très vite, l'horreur me rattrapa.
Je fus enfermé, interrogé, torturé, kidnappé, disséqué, assassiné...
Je devins l'enjeu des deux guerres mondiales qui suivirent.
J'aimais mille fois et pleurais plus encore.
Je traversais les siècles comme une ombre ; fantôme désenchanté incapable de trouver un antidote à sa malédiction.
Le monde m'oublia.
Je contemplais, las, venir le crépuscule des temps.
Je vis des aurores boréales en Afrique, des guerres bactériologiques, l'avènement des robots, des typhons toxiques, le déclin des civilisations et le vrai visage de l'homme : celui des monstres de notre enfance.
C'est par une brûlante matinée d'hiver que la terre expia son dernier souffle.
La grande explosion carminée, bouquet final d'un feu d'artifice tristement prévisible, signa la fin d'une fin courue d'avance
Le monde devenu poussières d'étoiles : il ne reste que moi.
Anomalie désarticulée, je dérive en apesanteur sous l'oeil inquisiteur des galaxies parmi les étendues atones et glacées de l'espace
Je respire un air sans oxygène et mes larmes sont des perles de givre.
Le temps est flou ici.
Les heures sont des années, les jours des millénaires.
Est-ce cela l'enfer ?
Condamné à un exil perpétuel avec pour unique compagnon de voyage cette insondable solitude ?
J'ai péché par arrogance, rêvé d'un lendemain sans fin comme Prométhée, mais ma destinée est celle d'Icare : triste fou aux ailes brûlées par l'orgueil.
À la différence que ma chute, elle, est éternelle...
Cette obsession dévorante de ma jeunesse est devenue l'éternelle prison de mon désespoir.
Longtemps pourtant, je pensais avoir hérité d'un ticket gagnant à la grande loterie cosmique qui nous régit tous : une enfance dorée, une fascination inconditionnelle pour les sciences, un doctorat en génétique humaine, un salaire annuel à 6 chiffres...
Le projet "Jouvence", programme gouvernemental secret de recherche sur la dégradation du génome humain, fut le cheval de Troie de mon irrésistible ascension.
Nommé directeur des travaux, il me fallut plusieurs années de travail avant que le miracle n'apparaisse, par une orageuse nuit d'automne, dans une éprouvette de mon laboratoire.
L'élixir d'immortalité.
La mort de la mort.
La résilience intemporelle de l'enveloppe charnelle et de l'âme.
Je perdis la raison, séduit par la promesse d'un éternel printemps : j'ingurgitai l'intégralité du breuvage, faisant fi des précautions scientifiques les plus élémentaires.
L'éternité m'ouvrait ses bras chimériques.
Que croyais-je donc ?
Très vite, l'horreur me rattrapa.
Je fus enfermé, interrogé, torturé, kidnappé, disséqué, assassiné...
Je devins l'enjeu des deux guerres mondiales qui suivirent.
J'aimais mille fois et pleurais plus encore.
Je traversais les siècles comme une ombre ; fantôme désenchanté incapable de trouver un antidote à sa malédiction.
Le monde m'oublia.
Je contemplais, las, venir le crépuscule des temps.
Je vis des aurores boréales en Afrique, des guerres bactériologiques, l'avènement des robots, des typhons toxiques, le déclin des civilisations et le vrai visage de l'homme : celui des monstres de notre enfance.
C'est par une brûlante matinée d'hiver que la terre expia son dernier souffle.
La grande explosion carminée, bouquet final d'un feu d'artifice tristement prévisible, signa la fin d'une fin courue d'avance
Le monde devenu poussières d'étoiles : il ne reste que moi.
Anomalie désarticulée, je dérive en apesanteur sous l'oeil inquisiteur des galaxies parmi les étendues atones et glacées de l'espace
Je respire un air sans oxygène et mes larmes sont des perles de givre.
Le temps est flou ici.
Les heures sont des années, les jours des millénaires.
Est-ce cela l'enfer ?
Condamné à un exil perpétuel avec pour unique compagnon de voyage cette insondable solitude ?
J'ai péché par arrogance, rêvé d'un lendemain sans fin comme Prométhée, mais ma destinée est celle d'Icare : triste fou aux ailes brûlées par l'orgueil.
À la différence que ma chute, elle, est éternelle...