Mésaventures nocturnes

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. C’est l’impression qu’ont certaines personnes face aux intempéries de la vie ou face à une situation dont on s’efforce de croire que ce n’est pas la réalité. On dit souvent que l’imagination de l’homme peut créer ou détruire, mais combien sont ceux qui l’utilisent pour créer au lieu de détruire ? La peur, un monstre de l’imagination, est l’un des ennemis les plus redoutables de l’homme. Elle se manifeste sous différentes formes. Elle hante notre esprit depuis l’enfance et peu sont ceux qui arrivent à la combattre. Un jour, un sage découvre le remède à la peur. En philanthrope, il va sur une place publique et se met à le révéler à qui veut l’entendre. Malgré tous ses efforts, peu ont prêté attention à ses affirmations. Juste une minorité a essayé de comprendre ses déclarations et y sont parvenus. Beaucoup l’ont pris pour un vieux avec sa grosse barbe blanche qui radote à longueur de journée ou pour un fou au lieu d’un savant.

Quel est donc ce remède si mystérieux ? L’action ! Tu te fous de moi ! Pas du tout, c’est la vérité et je crois que les parents doivent enseigner cela aux enfants dès leur plus jeune âge.

Junior est un petit garçon de sept ans. Il vit avec ses parents et sa grand-mère dans une très jolie maison possédant un jardin garni de fleurs de toutes sortes avec des papillons de toutes les couleurs tout autour. Étant fils unique, ses désirs sont comme des ordres. Il a presque tous les jouets du monde, une bicyclette et une balançoire dans le jardin. À l’école, il a de bons copains bien que certains l’envient. Cependant, Junior n’est pas très heureux. Il a honte de décevoir à chaque fois ses parents lorsqu’il se réveille tout trempé le matin. En fait, Junior a beau voulu continuer dormir avec ses parents ou encore avec sa grand-mère, mais ils ne veulent pas. « Tu es un grand garçon maintenant mon chéri et les grands garçons dorment tout seul. » C’est ce que lui répète sa mère jour après jour.

Dans sa chambre la nuit, il a l’impression que tout se transforme : son placard pousse des mains, une tête, bouge, marche vers lui... puis les autres objets font de même. Au bout du compte, tous les objets s’y trouvant prennent vie. Il a envie de raconter ses mésaventures nocturnes à ses parents, mais il a peur de paraître ridicule. Il garde, alors, tout cela pour lui seul.

Un jour, il prend la décision de ne plus boire ni d’eau, ni d’autres boissons avant d’aller se coucher pour ne pas avoir besoin d’uriner. À la tombée de la nuit, la petite histoire pour dormir terminée, l’ampoule éteinte, la chambre plongée dans le noir, Junior s’est promis de ne pas ouvrir les yeux jusqu’à ce qu’il dorme. Curieux, il n’a pas réussi à tenir sa promesse. Un instant après, il ouvre l’une de ses paupières et voit le placard approcher de lui avec sa grosse tête et ses énormes bras. Il a failli hurler, mais se couvert de préférence le visage avec le drap. Son cœur se met à battre très fort et très vite. Il transpire. Le pire, il a brusquement envie d’uriner. Lorsqu’il pense au fait que s’il découvre son visage, le placard s’emparera de lui et le mangera, il se dit : « Pas question de me lever pour aller uriner. » Il résiste encore et encore, mais finit par faire pipi sur lui. Quel soulagement ! Quel bon débarras ! Tels sont ces ressentis. Ensuite, le visage de sa mère, en colère, qui le gronde est la dernière image qu’il voit avant de s’endormir.

Le petit matin s’annonce, sa mère rentre dans la chambre et se met à contempler son fils endormi pendant un moment. Celui-ci finit par se réveiller et la voit.
— Maman, c’est toi ? Dit-il d’une voix tremblotante.
Sa mère, la mine renfrognée, lui réplique ceci :
— Tu as encore pissé dans ton lit hier soir. Je crois que je suis obligée de t’emmener voir un psychologue.
— Debout jeune homme, poursuit-elle, va te laver.
Sur ces mots, elle quitte la pièce. « C’est quoi un psychologue ? » Se demande Junior. Il a voulu le demander à sa mère, mais la peur d’être grondé encore plus l’en a empêché.

Comme c’est dimanche et qu’il n’y a pas de classe, Junior en profite pour se confier à grand-mère. Elle est la seule à la maison qui semble avoir du temps pour lui.
— Grandma, tu sais, je n’ai pas fait exprès de faire pipi dans mon lit hier soir.
— Je sais mon chéri, mais tu dois faire l’effort de te lever à temps pour aller uriner. Regarde-moi, pourquoi es-tu si triste ?
— J’ai honte de décevoir à chaque fois mes parents.
— Je te comprends. Tu peux te confier à moi, je pourrai sûrement t’aider.
— Tu pourras vraiment m’aider Grandma ?
— Bien sûr !
— Eh bien voilà Grandma : la nuit, les objets de ma chambre se transforment et ils s’approchent de mon lit comme s’ils veulent me faire du mal. Cela me fait vraiment très peur. C’est pour cela que je ne me lève jamais pour aller uriner !
— Ah ah ah ah ah ah !
— Pourquoi ris-tu grandma ?
— Parce que c’est rigolo !
— Rigolo, tu le trouves grandma ? Je pensais que tu pouvais m’aider.... Je vais me débrouiller seul.
Junior, déçu, prend congé de sa grand-mère.
— Attends Junior, je compte vraiment t’aider. Reviens !....

Sur ces mots, Junior, malgré lui, revient auprès de sa grand-mère.
— Junior, les choses que tu vois dans ta chambre la nuit ne sont pas réelles même si elles te font peur. Elles sont le produit de ton imagination.
— C’est quoi l’imagination grand-mère ?
— C’est cette capacité que tu as à créer des objets dans ta tête.
— Alors, c’est moi qui les ai créés ! Pourquoi me font-ils peur ?
— Non, ce n’est pas eux qui te font peur, mais c’est toi qui te fait peur avec toutes ces idées en tête....
— Cela ne peut pas être mes idées grandma !
— Arrête de te justifier Junior. Essayons de résoudre ensemble ce problème de préférence.
— Tu crois connaître mon véritable problème grandma ?
— Oui. Ton problème c’est la peur et son remède est l’action !
— L’action !?
— Oui. Tu dois commencer à agir pour ne plus avoir peur.
— Que dois-je faire alors ?
— Tu vas te battre, ce soir, contre toutes ces choses qui te font peur.
— Me battre !
— Ouais ! Va chercher parmi tes jouets ceux avec lesquels tu peux te battre.
— D’accord grandma.

Le petit Junior s’en va et revient avec son armée de pistolets et d’épées en plastique, ainsi que son costume de super-héros préféré.

La nuit s’installe et Junior est prêt pour le combat. Son costume de super-héros dessus, une épée plastique dans une main et une arme à bulles dans l’autre, il se sent homme ! Il éteint la lumière de la chambre et se tient debout au milieu de la pièce. Celle-ci étant plongée dans le noir, les objets s’y trouvant commencent dès lors à bouger. Junior sent un frisson parcourir le long de son dos et tremble déjà. Soudain, il se met à répéter ceci : « Ce n’est que mon imagination. Tout ça n’est pas réel. » À force de se le dire, il se sent réconforté et se met à marcher à l’encontre de tous les objets de sa chambre tout en leur tirant dessus ou en leur frappant avec son épée. À la fin, il réalise qu’aucun des objets de sa chambre n’a bougé et ce n’est que son imagination comme l’a dit sa mamie.
« Je n’ai plus peur de vous maintenant. » Se dit-il soulagé.
« Je ne ferai plus pipi dans mon lit. » Ajouta t-il.
À partir de ce jour là, Junior n’a plus de mal à se réveiller la nuit pour aller uriner et ses parents en sont très fiers depuis.
Pour ses huit ans, les parents de Junior lui ont préparé une fête surprise à laquelle sont invités ses camarades de classe. Junior, très enthousiasmé, goûte, mange un peu de tous les mets, boit.... La cérémonie terminée, ses camarades repartis chez eux ; Junior, fatigué, s’affale sur son lit et s’endort aussitôt. Quelques instants plus tard, il se voit en train d’uriner dans l’urinoir de la douche de sa chambre. Il ressent une sensation qu’il n’a jamais ressentie avant. C’est tout simplement agréable et apaisant. « Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. » C’est l’impression qu’il a. Cependant, il n’ose pas ouvrir les yeux pour ne point troubler ce bon moment. Le lendemain à son réveil, il se voit tout mouillé.