Ma vie sur le circuit, journal de C. Plesca🥎🥎

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Mon nom vous échappe certainement. Il faut dire que les médias français évoquent peu le tennis féminin, mis à part pendant les deux semaines de Roland Garros... Alors bien sûr, ils parlent encore moins d'une joueuse moldave classée 86ème mondiale ! Pourtant j'existe, et je gagne ma vie grâce à la pratique de mon sport.
Je me suis dit que je pourrais raconter ma vie sur le circuit, cela pourrait intéresser les lecteurs... Voici un condensé de mon journal de l'année dernière. Pas d'évènements extraordinaires à prévoir, mais de belles rencontres, et surtout, tout est vrai !

Je ne vais faire aucun tournoi de préparation à l'Open d'Australie, pas même la Hopman Cup. Vu que l'année dernière, j'avais fait seizième de finale à Brisbane et que j'étais sortie des qualifs à Sydney, je vais chuter au classement, mais au moins j'arriverai fraîche à Melbourne.
Melbourne, je n'y suis bien sûr pas tête de série ! Sous une chaleur étouffante, je passe sans encombre Flipkens et Lepchenko, c'est déjà fort ! Ensuite, je joue Garcia, que j'apprécie. Je rentre sur le terrain en ayant peur de perdre, mais heureusement la Française est dans un jour sans, et je la bats 6/3, 6/4. En huitième de finale, pas de chance, je dois affronter Serena. Je sais que ce sera un calvaire. Pourtant je résiste dans le premier set, que je ne perds que 7/5. Mais elle m'atomise dans le second : 6/1.
Mars arrive, et j'ai choisi de ne pas me rendre dans le désert d'Indian Wells, je m'y suis rarement sentie à l'aise. Par contre, je me réjouis de jouer à Miami. J'y serai une des joueuses les moins bien classées, me glisse cyniquement Hantuchova dans les vestiaires. Qu'importe, je prendrai les matchs un par un, en évitant de réfléchir. D'abord Giorgi, puis Tsurenko. Ensuite, galère en perspective : Sharapova m'attend, si tant est qu'elle sache qui je suis. Dans sa robe Swarovski, elle se déplace beaucoup mieux que moi et m'inflige direct un 6/2. Je lui montre que moi aussi je sais cogner en hurlant et je remporte le second set au tie-break, 15 points à 13. Le public, qui avait cru le match plié, commence à me haïr ; j'ose bousculer la reine de diamants. L'ambiance monte et Sharapova paraît transcendée ; elle m'expédie aux vestiaires, 6/3. Maigre consolation : elle remporte le tournoi et les médias soulignent que je suis la seule à lui avoir pris un set. Moi je vois le classement : j'accède au 66ème rang, un nombre un peu diabolique !
Fin Avril, alors que je me préparais pour Stuttgart, je suis prise de vomissements et ma tension chute à 7. Je dois me retirer du tournoi avant d'y avoir fait le moindre entraînement. Je rentre chez moi à Rybnitsa.
Les jours passent et je renonce à m'inscrire à Madrid. Je reprendrai donc la compétition à Rome.
Du fait de mon classement, je me prépare au pire dès les premiers tours. Par chance, Azarenka et Wozniacki se font sortir prématurément, et au lieu de les affronter aux 2ème et 3ème tours, je joue Linette et Brady ! Je leur laisse 4 jeux à elles deux ! En quart, ce sera Kuznetsova, que je bats 6/4, 6/4. En demi, Konta ne me fait pas peur longtemps. Elle perd 6/3, 6/0, j'ai presque honte pour elle.
Je dois affronter Ostapenko en finale. En raison de la pluie, le match est interrompu trois fois, mais je réussis à l'emporter 6/3, 3/6, 6/3. Je me retrouve à la 47ème place au classement, et j'empoche 500 000 euros ; j'avais eu raison de me reposer tout mai !
J'ai à peine le temps de me détendre à Cannes, que Roland Garros commence. Au premier tour, j'affronte une qualifiée, dont j'attends encore le nom. Mon entraîneur m'appelle et je sais d'emblée à sa voix que je n'ai pas de chance : ce sera la revenante Zvonareva. Mes statistiques contre elles sont lamentables : 7 victoires pour elle, une seule pour moi (et encore, chez les juniors) ! Sur le terrain, je bouge mal. Le public encourage la Russe, et je le comprends presque. Je perds 6/2, 6/2, dans une fin de match lamentable de ma part (deux doubles fautes et un smash complètement raté dans mon dernier jeu). Dégoûtée, je zappe la conférence de presse et pars me cacher dans mon hôtel. J'y vide le mini bar et cause avec les plantes en plastique.
En plein doute, je fais l'impasse sur Nottingham et Birmingham.
Wimbledon s'annonce frais et humide, comme souvent. Je joue d'abord Zheng, assez dangereuse sur herbe, mais ça passe. Tout juste cependant : 7/6, 7/6. Ironie du tirage, j'affronte encore une chinoise au tour suivant : Zhang. On a déjà fait équipe en double, et je connais ses faiblesses. D'où le 6/2, 6/4 à mon avantage. Au troisième tour, ce sera Mladenovic, qui m'a justement souvent éliminée en double. La Française est sur un petit nuage : elle vient de battre coup sur coup Stosur et Serena. Me voilà prévenue ! Par chance pour moi, elle y a laissé trop de force et je la bats 7/5, 6/3.
En 8ème de finale, ça s'annonce difficile pour moi contre Wozniacki. Elle m'a toujours dominée et son nouveau rang de n° 1 lui donne des ailes sur le court central. Je suis logiquement défaite : 6/4, 6/4. On se fait la bise et je lui souhaite d'aller le plus loin possible (elle sera battue en finale par ma copine Lisicki, qui va pleurer comme une Bavaroise et réussir quand même à annoncer qu'elle met un terme à sa carrière).
Fin juillet, je commence avec application la tournée américaine. A Stanford, où j'ai toujours bien joué, je perds d'entrée contre Vénus, 7/6, 5/7, 7/6. La semaine suivante, à Toronto, je suis éliminée en quart par Gravilova, qui heureusement perd en finale contre Lucic-Baroni, laquelle décide de mettre fin à sa carrière. Décidément !
Ensuite, à Cincinnati, sous les yeux de Capriati dans les tribunes, j'échoue au deuxième tour, impuissante face à Muguruza, à qui je permets de redevenir n°1 mondiale. Du coup, elle m'invite à la soirée organisée par la WTA en son honneur. Elle gagne ensuite le titre deux jours plus tard. Je décide en ce qui me concerne de faire l'impasse sur New Haven, je veux me préserver pour l'US Open.
Un tableau totalement dingue m'y attend ! Pour l'emporter, je dois battre dans l'ordre, si la logique est respectée : Witthoeft, Cornet, Keys, Stephens, Sharapova (que le public américain adore, ce qui m'étonne car elle est un peu russe quand même), Serena (no comment) et Wozniacki (c'est un mur). Je sais que je n'y arriverai pas. Mais je sais aussi que si je vais en quart, je gagnerai 370 000 dollars et j'accèderai au 22ème rang mondial, mon meilleur classement. Je me fixe donc cet objectif.
Au 3ème tour, j'affronte non pas Keys, mais Monica Puig, qui m'avait battue aux Jeux de Rio. On nous a mis en session de nuit. La foule obèse vocifère en mangeant des chips. Avant d'entrer sur le cours, dans les vestiaires, le petit ami de Monica m'a prévenue qu'elle allait me défoncer. Charmant !
Effectivement, je n'arrive pas à retourner son service. En quarante minutes, elle mène 6/1, 3/1, service à suivre. Dans les tribunes, je vois son petit ami m'adresser un geste obscène, qui me met hors de moi. Cela me libère, je marque 8 jeux d'affilée, pour mener 3/0 dans le dernier set. Elle demande alors à se faire masser la cuisse. Ben voyons ! Je proteste auprès de l'arbitre, en vain.
La partie reprend, et elle change de tactique. Elle se rue systématiquement au filet. Elle conclut avec rage ; 6/3. Elle me sert la main en me brisant presque le poignet, et sans me regarder.
J'ai moins de motivation pour la suite de la saison, je dois l'avouer. La tournée asiatique, si loin de chez moi, me rebute. Je prends prétexte du mariage d'une cousine à Bari pour boycotter Pékin, et je fais exprès d'oublier de m'inscrire à Moscou. Ma saison est désormais terminée.

Je viens de me relire. Je me rends compte que je ne parle guère de mes amitiés sur le circuit. Elles sont pourtant réelles, mais nous sommes toutes des compétitrices, et nous devons en faire abstraction. Je vous en reparlerai dans un prochain post sur mon blog.
Catarina Plesca