Ma rencontre avec le diable

Je tiens simplement à préciser que mes histoires ainsi que les personnages qui s'y trouvent sont purement fictifs. Ce sont des écrits imaginaires inspirées de faits réels. Car derrière toute ... [+]

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Ou peut-être pas.

Mon studio d'étudiant était plongé dans le noir, bien qu'il allait bientôt faire jour. Il y régnait une atmosphère si calme ce matin là, que je me souviens avoir entendu le bruit de mon propre silence. Un bruit vide de son mais rempli de bonnes intentions. Le genre d'effet doux-amer qui taquine le cerveau. Car ce dernier ne sait plus vraiment s'il doit commencer à tourner à mille à l'heure, synonyme d'une bonne méditation matinale, ou s'il doit faire dormir encore un peu l'organisme. Mais très vite, une nouvelle variable va s'ajouter à cette équation pour éliminer le roi silence. J'entends venir du couloir de petits pas. C'est ce qui arrive quand on est à l'internat. Rien n'est sûr. À mesure que les secondes passaient, les pas devenaient de plus en plus forts. Quelqu'un arrive. Mais qui est déjà en éveil à cette heure là ? Il est à peine quatre heures du matin. Puis j'entends trois coups de sonnette à ma porte. Et en même temps, mon téléphone se mit à sonner : un appel de Babavoss !
Que faire en premier ? Ouvrir la porte à l'étranger ? Écouter d'abord Babavoss ? Ou est-ce lui à ma porte ? Après avoir hésité durant quelques secondes, je me résolu à faire un choix.
- Allô Babavoss !
- N'ouvre pas cette porte !
- Quoi ? Je ne sais pas de quoi tu parles. D'abord bonjour. Et ensuite...
- Rien à foutre de ton bonjour. En ce moment même un homme vêtu en noir frappe à ta porte. Oui ou non ?
- Quelqu'un frappe à ma porte, mais je ne peux ni le voir, ni voir les vêtements qu'il a mis. Répondis-je.
- Ça tombe bien. Ne lui ouvre pas !
- Pourquoi ?
- Il est venu t'arracher ta chance, ton destin et toute ton histoire. C'est une personne démoniaque.
- Euh..
- Arrête de faire le con ! Tu sais bien de quoi je parle. J'ai déjà fait ma part du boulot en t'avertissant. Ton destin est désormais entre tes mains. Je n'en dirai pas plus.
- Babavoss, en fait...
- Écoute moi très bien mon garçon. Ça fait plus de cinq ans maintenant que je travaille avec toi. L'une de mes prédictions a t-elle jamais été erronée ?
- Non. Aucune, mais... Puis il raccrocha.

Le plus grand voyant du continent venait de me faire une révélation des plus étranges. S'il m'a surpris, je dois reconnaître qu'il a confirmé l'une des théories les plus folles auxquelles j'ai été soumises : anges et démons vivent parmi nous.

Il y a quelques jours, un de mes tuteurs me disaient de prendre garde à tous ceux qui m'entourent et de ne placer ma confiance en personne. Ça, on le sait tous. Un autre m'a carrément dit que «dans ce pays, la magie et la sorcellerie sont distribuées aux enfants comme de petits pains». Mais moi, je ne croyais jamais à ces superstitions, jusqu'à ce que...Babavoss le dise. Lui c'était un chercheur diplômé en neurosciences et en psychanalyse. Mais il était surtout réputé pour ses dons de voyance. Qui ne connaissait pas Babavoss ? Qui, dans ce pays n'en a jamais entendu parler ? Et en parlant de ce pays, c'est plus qu'un pays. Y vivre n'a jamais été facile pour un étudiant ; en raison des crises économiques réccurentes, des problèmes de gestion dans les internats, et de toutes les ignobles petites histoires qui créaient du buzz chaque fin de semaine. S'il faut y ajouter la dimension mystique de ce que je viens d'entendre, je dirai que vivre ici n'est pas seulement une lourde tâche, c'est devenu un état d'esprit. Comme le disent si bien les vendeurs à la sauvette « Si on t'explique le pays là et tu comprends, c'est qu'on te l'a mal expliqué ».

Pendant ce temps, les coups de sonnette perduraient. Ensuite, je vis le poignet de la porte se déformer. Oups ! J'avais oublié de la fermer à clé ! La porte s'ouvrait lentement et une tête s'immiscait avec hésitation dans ma chambre, comme pour dire "désolé, vous ne m'aviez pas laissé le choix". J'avais peur. Mais je voulais en même temps percer le mystère et voir par moi-même à quoi ressemble un "démon aspirateur de chance". J'étais toujours assis sur mon petit lit. Je suis resté silencieux afin que l'étranger pense qu'il n'y a personne à l'intérieur. Mais comme si cela ne suffisait pas, l'enfoiré est quand même entré. Il appuya sur l'interrupteur et nous fument tous envahi par la lumière. Que vous ai-je dit plus haut ? J'ai dit que Babavoss ne ment pas ! L'étranger portait effectivement un t-shirt noir.

- Bonjour mon frère. Pourquoi tu ne m'as pas ouvert la porte. Ça va ? Fit-il d'un air souriant.
- T'inquiètes, ça va !

Je n'arrivais pas à y croire. Il s'agit de mon fidèle camarade, mon voisin de table. Son joli sourire et son charme n'ont jamais changé. Avec calme et confiance, il s'est assis à côté de moi.
- Tu as fini les exercices de maison ? Lui fis-je.
- Tiens ceci ! Comme tu aimes les boissons, je t'en ai apporté une.
Il fit sortir de son sac deux bouteilles de Coca-Cola. Et...nous buvames jusqu'au petit matin. Pendant que nous discutions, je le regardais et je me demandais si c'était un rêve ou si je faisais simplement semblant d'être bête, alors qu'on m'a quand même bien averti. Mais peut-on retirer sa confiance à quelqu'un en qui on a toujours cru ? Quelqu'un qui en connais plus sur nous que nous ne le savons nous-mêmes ? Cet homme, c'était non seulement un ami, c'était aussi un parent, un tuteur, le voisin chez qui je passais les week-ends. C'était un père, un frère. C'était aussi une femme, une sœur, un confident. C'était à la fois tout le monde en qui j'avais confiance. C'était tout le monde sauf moi.
Si c'est à cela que ressemble la vie, alors nous sommes tous perdus. Le jeu même est truqué. Car si tout le monde peut être à la fois l'ami et l'ennemi alors cette vie... Une vie labyrinthique où la traîtrise est très bien récompensée, où tout a un sens et en même temps n'en a aucun. Les nihilistes ont peut être raison : tout est perdu d'avance. Nous jouons juste pour perdre de la meilleure façon possible.

J'ai ouvert les yeux, puis j'ai vu le démon à côté de moi. Je suis désolé pour moi-même. Le diable n'a jamais été aussi proche, ni aussi beau. Et je viens de lui vendre mon âme gratuitement.