C'était au temps où j'étais parti à la Réunion terminer ma carrière d'enseignant. Dans le collège où j'étais auparavant en métropole, les conditions de travail se dégradaient. Avec l'âge j'avais de plus en plus de mal à accepter les incivilités fréquentes qui se poursuivaient jusque dans les classes. L'autorité due au professeur n'existait plus et il fallait chaque jour, chaque heure une grande énergie et une énorme motivation pour entrainer les élèves sur chemins parfois arides de l'apprentissage et de la connaissance.
Aussi, j'ai reçu mon affectation sur l'île intense perdue au beau milieu de l'océan indien, comme une bouteille d'oxygène offerte à un naufragé en perdition. Au début, les élèves n'étaient pas plus faciles, mais c'est moi qui avais changé. Je cherchais davantage à les accompagner, à les aider, à répondre à leurs questions plutôt qu'à terminer mon programme. Petit à petit, je suis parvenu à me détendre et j'ai fini par retrouver du plaisir à me rendre au travail.
Il faut reconnaitre aussi que la vie sur l'île apporte un tel éventail de ressources que je me suis senti revigoré. A quatre années de la retraite, j'ai vécu une renaissance, une deuxième jeunesse, une envie de vivre que je croyais avoir perdue. Les jours de liberté, nous partions, ma femme et moi, pour de longues randonnées qui nous épuisaient de fatigue et de chaleur,bien sûr, mais qui nous faisaient tellement de bien au moral que rapidement nous voulûmes en faire profiter nos enfants restés en métropole.
Nos ainés, ayant charge de famille, mais déjà bien installés, ne tardèrent pas à venir nous rendre visite. De Cilaos au Piton de la Fournaise, nous vécûmes avec eux et nos deux petites filles des moments inoubliables. Seule, notre fille, très accaparée par ses études de médecine tarda à nous rejoindre. Ce n'est que lorsqu'elle fût engagée dans sa troisième année d'études dentaires qu'elle se décida à venir nous voir, en compagnie d'une camarade étudiante.
Ce n'était pas facile pour elle qui avait toujours vécu à la maison, avec papa et maman, de se retrouver seule. Heureusement, avant notre départ, nous lui avions loué une "studinette" à la cité universitaire, ce qui lui permit de se faire des camarades et de travailler dans de bonnes conditions. Une fois le concours réussi, nous lui trouvâmes un "deux pièces cuisine" proche de la faculté dentaire où elle suivait les cours désormais. Dès lors, on pouvait partir tranquilles, mais, tout n'était pas si simple, alors qu'on lui avait laissé une petite voiture pour son autonomie, elle n'était pas parvenue à obtenir son permis, et son petit copain qui n'avait pas eu son concours était parti dans une autre direction. Aussi, c'est avec une énorme envie de partager qu'allaient se passer nos retrouvailles.
Un soir, mise en confiance par les conditions climatiques idéales, après le repas, elle sortit avec sa copine prendre une boisson exotique dans un bar bien fréquenté qui se trouvait au bout de la rue. Comme elles en profitèrent longuement, vers les onze heures, sa mère alla se coucher, rassurée de savoir que je restais éveillé pour les attendre. A presque minuit, nos deux étudiantes rentrèrent, tout sourire.
_" Doucement! leur dis-je, ne faites pas de bruit, maman était fatiguée, elle est allée se coucher."
Ma fille s'assit, à côté de moi, dans le canapé, tandis que sa compagne avoua qu'elle aussi était fatiguée et elle monta se mettre au lit, où elle ne dut pas tarder à se retrouver dans les bras de Morphée.
Je restais seul avec ma fille et je compris qu'elle avait envie de me parler. La nuit était douce, on n'entendait aucun bruit, les paroles coulaient de sa bouche comme les vaguelettes d'un ru qui s'éloigne lentement de la source. Je tendais l'oreille pour mieux les saisir, mais le flot continuait sa course inexorable, toujours aussi calme, encouragé par mon sourire. Elle me parla pendant près d'une heure...et moi, j'écoutais, sans l'interrompre, sans lui dire que, atteint de presbyacousie, je n'entendais pas. J'aurais voulu qu'elle parle plus fort, mais je n'osais pas le lui dire, alors j'ai continué à sourire, je l'ai écoutée jusqu'au bout. C'était si important ce qu'elle avait à me dire! Et je n'en ai pas compris un mot! Pourtant, aujourd'hui encore,je pense que c'est la plus belle histoire que j'ai jamais entendue!
Aussi, j'ai reçu mon affectation sur l'île intense perdue au beau milieu de l'océan indien, comme une bouteille d'oxygène offerte à un naufragé en perdition. Au début, les élèves n'étaient pas plus faciles, mais c'est moi qui avais changé. Je cherchais davantage à les accompagner, à les aider, à répondre à leurs questions plutôt qu'à terminer mon programme. Petit à petit, je suis parvenu à me détendre et j'ai fini par retrouver du plaisir à me rendre au travail.
Il faut reconnaitre aussi que la vie sur l'île apporte un tel éventail de ressources que je me suis senti revigoré. A quatre années de la retraite, j'ai vécu une renaissance, une deuxième jeunesse, une envie de vivre que je croyais avoir perdue. Les jours de liberté, nous partions, ma femme et moi, pour de longues randonnées qui nous épuisaient de fatigue et de chaleur,bien sûr, mais qui nous faisaient tellement de bien au moral que rapidement nous voulûmes en faire profiter nos enfants restés en métropole.
Nos ainés, ayant charge de famille, mais déjà bien installés, ne tardèrent pas à venir nous rendre visite. De Cilaos au Piton de la Fournaise, nous vécûmes avec eux et nos deux petites filles des moments inoubliables. Seule, notre fille, très accaparée par ses études de médecine tarda à nous rejoindre. Ce n'est que lorsqu'elle fût engagée dans sa troisième année d'études dentaires qu'elle se décida à venir nous voir, en compagnie d'une camarade étudiante.
Ce n'était pas facile pour elle qui avait toujours vécu à la maison, avec papa et maman, de se retrouver seule. Heureusement, avant notre départ, nous lui avions loué une "studinette" à la cité universitaire, ce qui lui permit de se faire des camarades et de travailler dans de bonnes conditions. Une fois le concours réussi, nous lui trouvâmes un "deux pièces cuisine" proche de la faculté dentaire où elle suivait les cours désormais. Dès lors, on pouvait partir tranquilles, mais, tout n'était pas si simple, alors qu'on lui avait laissé une petite voiture pour son autonomie, elle n'était pas parvenue à obtenir son permis, et son petit copain qui n'avait pas eu son concours était parti dans une autre direction. Aussi, c'est avec une énorme envie de partager qu'allaient se passer nos retrouvailles.
Un soir, mise en confiance par les conditions climatiques idéales, après le repas, elle sortit avec sa copine prendre une boisson exotique dans un bar bien fréquenté qui se trouvait au bout de la rue. Comme elles en profitèrent longuement, vers les onze heures, sa mère alla se coucher, rassurée de savoir que je restais éveillé pour les attendre. A presque minuit, nos deux étudiantes rentrèrent, tout sourire.
_" Doucement! leur dis-je, ne faites pas de bruit, maman était fatiguée, elle est allée se coucher."
Ma fille s'assit, à côté de moi, dans le canapé, tandis que sa compagne avoua qu'elle aussi était fatiguée et elle monta se mettre au lit, où elle ne dut pas tarder à se retrouver dans les bras de Morphée.
Je restais seul avec ma fille et je compris qu'elle avait envie de me parler. La nuit était douce, on n'entendait aucun bruit, les paroles coulaient de sa bouche comme les vaguelettes d'un ru qui s'éloigne lentement de la source. Je tendais l'oreille pour mieux les saisir, mais le flot continuait sa course inexorable, toujours aussi calme, encouragé par mon sourire. Elle me parla pendant près d'une heure...et moi, j'écoutais, sans l'interrompre, sans lui dire que, atteint de presbyacousie, je n'entendais pas. J'aurais voulu qu'elle parle plus fort, mais je n'osais pas le lui dire, alors j'ai continué à sourire, je l'ai écoutée jusqu'au bout. C'était si important ce qu'elle avait à me dire! Et je n'en ai pas compris un mot! Pourtant, aujourd'hui encore,je pense que c'est la plus belle histoire que j'ai jamais entendue!
Un belle histoire attachante. On dirait que les parfums de l'île y sont pour quelque chose .
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