Ma dernière vie

« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. »

"Seigneur, tu accueilles toute vraie prière et tu écoutes les appels de notre cœur.
Avec toute notre affection, nous avons accompagné jusqu'ici Nicole.
Qu'elle trouve auprès de toi la paix et la joie, avec ceux que tu appelles à rentrer dans ton Royaume.
Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. AMEN"
Hélas ! on vient de prononcer mon prénom !
D'après les mots entendus, je suis déjà morte. Oui, je suis descendue dans la tombe présentant une dalle de pierre dure à double pente, une stèle au fond, surmontée d'une croix.
Certes, les morts entendent, les yeux fermés dans le noir. Je suis une morte dans un trou creusé en terre, autrement dit ensevelie et seule.

" Mon Dieu, je vous prie de me pardonner mes péchés ", me suis dis-je in extremis en présence de ma mère, toute triste, en me tenant la main à pleines mains, les larmes aux yeux.
Gisante sur le lit, je regardais à peine une lumière noire à travers la fenêtre donnant sur la rue. Les yeux de mère étaient expressifs. Elle voulait me dire quelque chose, puisque c'était l'adieu tourmenté d'une mourante inerte, engourdie sur le lit, incapable de prononcer un mot. Ô agonie, ô affres, ô douleur mortelle !
J'avoue que j'étais une fille plutôt casanière qui aimait rester tout le temps à la maison, sans rien faire, sauf à regarder la télé. À l'heure qu'il est, c'en est fait de cette vie. Je regrette de l'avoir menée. J'étais rien étourdie. Ma mère avait beau m'avertir des conséquences de cette manie, en me faisant signe d'éteindre la télé. J'ai oublié Dieu, en contrevenant aux lois religieuses. Maintenant que mes yeux s'étaient déjà fermés pour l'éternité, je suis dans le noir. "Adieu, Nicole !" m'avait-on dit en jetant un peu de terre sur ma sépulture.