L'inconnue

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Les yeux fermés dans le noir. Face contre face dans une bouche à bouche interminable, je sers Judith dans mes bras. Mes doigts lui chatouillent son dos. Je lui donne un peu de relâche pour que je puisse mieux l’explorer. Mes sens me guident. Je laisse vagabonder mes mains tout exprès je les laisse parcourir tout son corps. Je tâtonne un peu. Je cherche les zones érogènes, les parties sensibles. Je les cherche sous ses vêtements grivois. Doucement, elle détache ma chemise et moi je défais son corsage. Les mouvements sont un peu mécaniques pour ne pas dire automatiques. Je calcule la distance des boutons dans le noir presque les yeux fermés. Je passe entre les jumelles rondes et je m’arrête à hauteur de son nombril. J’en fais le tour avec mes doigts bien avant de laisser ma langue faire une lamentation sur sa plastique ventrale.

La chambre est dans une noirceur épaisse, il devrait être dix heures du soir. J’entends le silence des objets qui fait place aux bruits des organes. Mon cœur bat la chamade comme si c’est ma toute première fois... Pas tout à fait ! Mais ma première fois avec Judith. C’est la première fois que je pénètre sa maison et je pense que je vais connaître tous ses recoins. La nuit me montre sa douceur à tous les niveaux. La météo a annoncé une température très clémente. Ce soir, le thermomètre ne dépasse pas les vingt-cinq degrés Celsius. Mais personne n’a prévu la fusion de ces trente-deux degrés. Dans la fraicheur de la nuit nous continuons notre présentation inter-corporelle.

Je continue ma route et je sens que la respiration de Judith devient de plus en plus forte. Je ne prends pas le temps de déposer gentiment son corsage. Je l’envoie balader quelque part dans la pièce pendant que je contourne la ceinture de sa jupe. L’ouverture est sous ma main et elle ne m’intéresse guère. Je profite l’occasion d’admirer son paysage comme si il était en braille. À l’aveugle. Je fais une excursion manuelle. Je descends malicieusement mes doigts sur le sommet de sa féminité. Pendant ce temps, elle fait grincer les dents de ma braguette. Je la laisse prendre la main. Et tout à coup ! Je sens que ma pendule est visible à l’œil nu, même dans la pénombre. Comme elle a fait de mon pantalon je fais suivre sa jupe dans une descente effrénée. Je suis à un poil de Vénus. Je suis si près du but il n’y a pas de retrait possible. Magistralement, je la débarrasse de ce rideau en dentelle. Dans le noir, je commence à voir clair. Très clair. Je contemple la plaque continentale avec mes mains. Je ne suis pas timide ni du genre à hésiter devant les situations favorables mais à l’odeur de ce fruit frais je me pose des questions. Dois-je donner ma langue aux chats ou à la chatte ? Sacré animal ! Je n’ai même pas de préservatifs nous nous laissons guider par la sensation du moment. Personnellement, je n’avais pas prévu une soirée aussi érotique. Mais il me semble que des mains invisibles ont guidé notre rencontre. J’ai rencontré Judith aux Coins des Danseurs. J’ai l’habitude de fréquenter ce bar mais nos yeux ne se sont jamais croisés. Je n’ai jamais rencontré une aussi belle fille dans ce lieu. Et étonnamment, le soir de cette belle rencontre elle était seule. Je me suis invité sur sa table et j’ai brisé la glace. Nous avons entamé une conversation à la fois grivoise et mature. Cette conversation s’est prolongée autour de plusieurs verres. Nous étions très bien arrosés. À part son prénom, je n’ai même pas eu le temps de lui demander son nom de famille j’étais déjà dans son appartement situé à quelques pâtés de maisons du bar. Très entreprenante, elle m’a conduit dans sa chambre et elle a éteint la lumière. Sans un mot de plus, nous nous prenons à bras-le-corps. Je l’accompagne sur le lit et nous nous fondons l’un dans l’autre dans le temps et dans l’espace. En Adam et Ève, nous nous joignons les yeux fermés dans ce frottement interminables. Nous partageons nos vies. Nous partageons nos minutes. Les minutes s’allongent et nous nous improvisons des hymnes. J’essaie de me retenir pour prolonger le plaisir de ce corps à corps. Et le big-bang... Je l’arrose. Tout de suite après, nous échangeons des remerciements.

Je ne sais pas si c’est pour mieux voir la porte de la douche ou pour me permettre d’embrasser du regard son beau corps, elle décide d’allumer la lumière. Elle me précède sous la douche. Je n’ai pas pu résister à l’idée d’une deuxième partie de plaisir. Cette fois-ci sous la douche. Nous recommençons pour la plus belle, avec la lumière allumée et l’eau qui coule. Dans la salle de bain, elle ne finit pas de me montrer ses prouesses techniques. Je me laisse aller car elle a le contrôle de la situation. L’eau coule sur nos corps mêlés. Le sang coule dans nos veines. Nous avons une respiration partagée et mes mains patrouillent sur son autoroute corporelle. Judith me guide jusqu’à la dernière sortie. Nous nous débattons au moment de l’atterrissage. Elle cherche un refuge. Elle le trouve sur le lavabo. D’un geste brusque elle fait tomber quelques flacons de médicaments. Nous n’avons pas le temps pour constater les dégâts matériels.

J’ai couché avec cette femme presqu’inconnue. Je me remémore cette très belle expérience tout en me douchant. Elle a été à la fois excitante et dangereuse. Des idées noires commencent à venir me hanter : et si elle est séropositive ? et si... ? et si... ? Très vite, je me débarrasse de ces pensées. Ça m’est égal ! Je profite de ce moment génial. Nous nous lavons et nous nous essuyons mutuellement. Juste après avoir terminé nous prenons quelques autres verres ensemble avant d’aller nous mettre au lit. C’est à ce moment que je constate la pagaille que nous avons semé dans la chambre. Sans nous préoccupé des vêtements éparpillés, nous nous mettons au lit pour compenser la fatigue corporelle. Sous le drap, elle se blottit contre moi. Nous sommes nus comme deux vers et tout doucement nous nous laissons transporter dans les rêveries de Morphée.

La nuit a été longue et fatigante, ce matin je me lève chez Judith. Je ne prends pas le temps de la réveiller. Je pars de très tôt car les collègues m’attendent. Je ne sais pas si elle ne va pas mal concevoir mon départ trop hâtif. Je lui laisse une de mes photos que j’avais dans ma bourse et ma carte de visite. Je pars avec nostalgie. Je veux rester avec Judith mais je dois laisser la ville pour des raisons professionnelles. Je passe toute la journée à penser uniquement à ma tendre inconnue. J’attends impatiemment son appel. Vers les quatre heures de l’après-midi, mon téléphone sonne... Ce n’est pas Judith. C’est mon frère. Il m’informe que la Police me cherche pour le meurtre d’une jeune fille prénommée Judith. Judith ? Elle a été trouvée morte dans son lit. Les premiers éléments de l’enquête montrent que c’est un homicide et les indices trouvés me pointent du doigt. Je précise ma position à mon frère pour que les policiers puissent venir me chercher. Quelques minutes après, ils arrivent et me passent les menottes. Ils me demandent de garder le silence.