Un drap de solitude au chevet de la nuit
Grelotte dans le froid comme un linceul de rouille
Qu’une goutte de sang à son... [+]
Lever du jour
il y a
1 min
290
lectures
lectures
128
Qualifié
Dès que je voyais se glisser, entre le plancher de ma chambre et les rideaux, que le soir Françoise prenait toujours soin de bien refermer de peur que je ne fusse dérangé pendant mon sommeil par le bruit de la promenade, un premier rayon de lumière, qui se répandant d’abord comme une poudre d’argent venait ensuite inonder le pied de la commode d’une flaque de cire grêle, je quittais mon lit, puis je sortais, à peine vêtu d’un paletot, pour rejoindre l’ascenseur dans lequel je trouvais, figé dans le sommeil, le jeune liftier. Son visage, tel un masque de porcelaine blanche, immobile et aussi translucide que le verre de Venise dont il semblait être pétri, reposait contre la paroi de palissandre pareil à un de ces Christ d’ivoire de Thomas Schwanthaler que la nuit eût mystérieusement enchâssé dans la cage de l’ascenseur, offrant ainsi à mon regard la double allégorie de la mort et de la résurrection.
Je quittais alors à pas de fantôme le Grand Hôtel, où tout semblait plongé dans une grise pénombre, pour me précipiter sur la jetée d’où je pouvais en un instant contempler le réveil de la mer, dont la soie bleue et sombre venait se froisser sur la plage entre les griffes d’oiseaux de mer jaillis du sable comme de mystérieuses plantes mouvantes. De minuscules nuages roses scintillaient déjà de mille fils d’or, piquant le ciel d’un tulle nacré semblable à ceux qui flottaient autour de la Duchesse de Guermantes. Bientôt l’horizon s’embrasait d’une lumière de cristal et la mer revêtait une chasuble incrustée d’émeraudes et de saphirs dont les vagues, vivantes déesses du jour, plissaient le lourd satin de leur souffle profond et régulier. Je restais ainsi de longues minutes ébloui par la jouissance devant le spectacle presque surnaturel du lever du jour qu’Elstir avait su si bien rendre sur ses toiles, dont parfois, à Paris, j’allais admirer la beauté quand l’hiver engourdissait mon âme d’une glaciale léthargie.
En revenant à l’hôtel, je rencontrais quelque fois ma grand-mère, inquiète de mon absence prolongée, en grande discussion avec le liftier, dont le visage, désormais éclairé par les flots du soleil qui baignait la salle à manger, reflétait la moelleuse douceur des brioches du petit déjeuner, que l’on servait aux premiers clients, et semblait prêt à être croqué comme une tiède gourmandise. Je savourais alors le rare bonheur de ces premiers instants du jour, et, jusqu’à la mort d’Albertine, je n’ai jamais manqué au plaisir de me lever de bonne heure.
Je quittais alors à pas de fantôme le Grand Hôtel, où tout semblait plongé dans une grise pénombre, pour me précipiter sur la jetée d’où je pouvais en un instant contempler le réveil de la mer, dont la soie bleue et sombre venait se froisser sur la plage entre les griffes d’oiseaux de mer jaillis du sable comme de mystérieuses plantes mouvantes. De minuscules nuages roses scintillaient déjà de mille fils d’or, piquant le ciel d’un tulle nacré semblable à ceux qui flottaient autour de la Duchesse de Guermantes. Bientôt l’horizon s’embrasait d’une lumière de cristal et la mer revêtait une chasuble incrustée d’émeraudes et de saphirs dont les vagues, vivantes déesses du jour, plissaient le lourd satin de leur souffle profond et régulier. Je restais ainsi de longues minutes ébloui par la jouissance devant le spectacle presque surnaturel du lever du jour qu’Elstir avait su si bien rendre sur ses toiles, dont parfois, à Paris, j’allais admirer la beauté quand l’hiver engourdissait mon âme d’une glaciale léthargie.
En revenant à l’hôtel, je rencontrais quelque fois ma grand-mère, inquiète de mon absence prolongée, en grande discussion avec le liftier, dont le visage, désormais éclairé par les flots du soleil qui baignait la salle à manger, reflétait la moelleuse douceur des brioches du petit déjeuner, que l’on servait aux premiers clients, et semblait prêt à être croqué comme une tiède gourmandise. Je savourais alors le rare bonheur de ces premiers instants du jour, et, jusqu’à la mort d’Albertine, je n’ai jamais manqué au plaisir de me lever de bonne heure.
Cordialement,
FE
FE
Merci pour en avoir apprécié le caractère. Cordialement
FE
Coridalement,
FE
FE
Merci pour m'avoir soutenu et hélas le texte n'a pas été retenu mais l'exercice m'a tellement plu. Merci encore de tout coeur et à très trs bientôt désormais, Bisous à nos amis Bibi et Lucky...
Cordialement,
FE
FE
Ton oncle...Bisous à ma filleule et à son frère...