L'escalier

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Peut-être aucun. Je ne sais pas. Qui suis-je ? Où vais-je ? Mangerai-je de la tartiflette demain ? Suis-je végétarien ? Et homosexuel ? Tant de questions. Tant de manques de réponse. Tant de manques tout court. Tout court oui. Les chats, les camions et les humains qui font de l'athlétisme. Je ne fais pas d'athlétisme. En même temps je tenterais pas de courir et d'écrire en même temps. Ils devraient faire cette discipline aux jeux olympiques. Ça serait rigolo. J'aime quand c'est rigolo. Mais c'est jamais rigolo. C'est la faute du noir. On ne voit pas qui fait les blagues. Un gens méchant qui fait une blague ne donne pas envie de rire. On ne sait jamais si les gens sont gentils ou méchants. C'est comme ça. Moi je suis gentil. Enfin j'essaye d'être gentil. Parfois je suis méchant. Je n'en ai pas envie. C'est comme ça. Plaire à tout le monde c'est plaire aux gens qu'on déteste. J'ai envie de plaire aux gens qui me détestent. J'aime montrer aux gens qu'ils sont bêtes quand ils sont contre moi. J'aime la victoire. Mais j'aime pas le noir. Le noir c'est trop sombre. Le noir ça se fond avec tout. Le blanc aussi. Le gris c'est rigolo. Ça dépend des gris. De toute façon les goûts et les couleuvres. J'aime bien les couleuvres. Mais je préfère les pélicans. Ils savent voler. Voler c'est gagner. On est libre quand on vole. Sauf dans les avions et les prisons. J'ai jamais pris la prison. Sauf au Monopoly. La prison c'est pratique au Monopoly car on ne perd pas d'argent. Pourtant la prison fait tout perdre. La vie est plus compliquée que le Monopoly. La vie c'est des échecs. J'aime pas les échecs. Je préfère les dames. Il vaut mieux se relever aux côtés d'une dame que d'un échec. J'aime les dames. Mais je suis meilleur aux échecs. Comme la fois où je suis tombé dans les escaliers. Après je sais pas. Ce qu'il s'est passé n'est pas dans ma tête. Elle est bizarre. Ai-je acheté du pain comme maman me l'a ordonné aujourd'hui ? Je devais le faire mais je suis tombé. Il y a une marche en trop dans les escaliers aussi c'est sa faute. J'aime pas les marches. Sauf pour digérer. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Pouf je suis tombé. Pouf plus rien. Connexion en cours veuillez patienter et puis voilà. Une chose. Quand quelque chose est vague et flou il faut l'appeler chose. Il s'est passé une chose. Quelle chose ? Quelque chose ? Quoi chose ? Je divague. Ça ne veut rien dire. Qui suis-je ? Où vais-je ? Où suis-je ? Qui vais-je ? La mort. Peut-être. Qui es-tu ? Qui est-ce ? Qui va là ? Je vous entends inspecteur, ne me prenez pas pour un amateur. Je ne sais pas. J'ignore ce qui s'est passé. Cette chute. Ma tête. Le carrelage. Les léchouilles du chien sur mon doux visage. J'ignore tout. Suis-je mort ? Les morts savent-ils ce qui s'est passé ? Les morts se font-ils lécher le visage par des chiens morts ? Ou vivants ? Tant de questions sans réponses. Je crois que je suis. Je suis pas sûr. La vie. La mort. Dans la vie y a des gens. Dans la mort je ne sais pas. Alors je suis mort ? Dommage. Moi qui voulais encore manger une tartiflette. Les morts voient-ils du noir ou du blanc ? Et les aveugles ? Je me suis toujours posé cette question. N'ayant jamais eu de réponse j'ai tranché pour le gris. Pourquoi les hérissons ont des pics ? L'évolution bien-sûr. Mais quelle couleur voient les gens morts ça personne ne le sait. Les scientifiques n'ont aucune vertu finalement. Les infirmières par contre. Pourtant les scientifiques ont fait plus d'études. Les hauts-fonctionnaires aussi. La chute. L'escalier. Les divagations. Mon esprit se promène. Il se promène toujours. Mon esprit c'est un petit chien. Où va-t-il ? Mon corps je ne sais pas. Je ne sais même pas où il est passé. Il est dans le noir. Ou il est fermé. Ou il est mort et enterré. Ou il est. Où est-il ? Je l'ignore. Comme cette fille. Elle m'ignore. L'escalier. Je vais remonter le temps. Avant il n'y avait rien et de ce rien est né quelque chose. Plus tard je suis né. C'était marrant. Ensuite j'étais dans ma chambre. Je suis sorti. L'escalier. J'aurais pas dû sortir. J'étais seul ? Je ne sais pas inspecteur. J'étais sur le carrelage. Il est blanc et froid. La mort aussi est blanche et froide ? Vous ne savez pas inspecteur ? Dommage. Je ne vous vois pas inspecteur. Pourquoi suis-je aveuglé ? Le feu des projecteurs ? Ce n'est pas la vérité. C'est une bonne réponse. Moi je veux mourir sur scène. Suis-je Dalida ? Ai-je un rêve commun avec Dalida ? Possible. Je suis sceptique. Je resterai sceptique. Je vais me coucher. Je suis peut-être déjà couché. Suis-je fatigué ? Ai-je des sensations ? Fais-je du surf sur la jungle parisienne ? Je devrais regarder un film. Pas envie. Le noir fait ambiance cinéma. Ambiance baiser volé devant La Reine des Neiges. Un seul baiser. Il fait tout noir. Comme quand on se lève la nuit. Et paf. Le coin du lit. C'est moins violent que l'escalier. On m'a poussé inspecteur. C'est pas moi je le jure. J'étais pas là. J'étais au cinéma. Je suis la victime. Un attentat. Dans ma maison. C'est l'escalier de ma maison. Il y a pas de carrelage dans les salles de cinéma. On ne fait pas de gâteaux au chocolat ni de brossage de dents dans les salles de cinéma. C'est la loi qui l'a dit. Le monde est fou. Ou alors c'est juste moi. Non j'ai pas envie d'être fou. J'ai déjà suffisamment de problèmes à résoudre. Inspecteur je vous ai dit que c'était pas moi. Répéter les questions c'est long et bête. Je ne suis pas long et bête moi. Vous si. Il y a du blanc dans la pièce. Simple déduction. Comme dans une baignoire. Je suis dans une baignoire ? J'ai fait une overdose ? Je suis Jim Morrison ? Je suis vivant ? C'est une partie de Qui est-ce qui a mal tourné ? Inspecteur il faut coopérer. Si vous ne coopérez pas on va pas trouver le coupable. C'est donc vous le coupable. Noyer les pistes comme ça. Habile. Un hôpital ? Pourquoi faire ? Vous vous foutez de ma charité inspecteur. On est dans un hôpital ? Suis-je donc vivant ? Inspecteur qui êtes-vous ? Asseyez-vous et parlez. Je vous comprends. Ah vous aussi vous aimez les frites ? Excellent choix inspecteur. Pourquoi votre voix change-t-elle ? Vous prenez de l'hélium professeur ? Professeur ? Professeur ? Vous êtes devenu un professeur ? Vous êtes bizarre professeur. Tant pis pour vous. Les gens bizarres sont seuls. Même les gens bizarres rejettent les gens bizarres. Ou alors ce sont des faux bizarres. Moi je suis. Peut-être. Bizarre ça je ne sais pas. Je suis allongé. Ça je le sais. Allongé. Et attaché ? Oui attaché. Pas attachiant. Ça n'aurait aucun sens. Ce mot est moche. Les gens qui le sont le sont encore plus. C'est comme ça. Tant pis pour eux. Je suis attaché. Au moins je ne tomberai plus des escaliers. Quels escaliers ? Ceux de la maison professeur. Suivez un peu. Parlons encore. Non. Ne me mettez pas la main sur le visage. Je ressens la pâleur. L'échec. Les dames. Tout. Je ressens tout. Il y a des gens. Un petit chien. Plus rien. Ah si. Couché. Le chien est couché. Moi aussi. C'est un cocker anglais. Moi un être humain. C'est fou. C'est moi. Arrêtez de rire. La foule. Toujours eux. La foule. Arrêtez de rire encore. Toujours. Ils rient toujours. Ils sont fous. Tous. Toujours. Laissez-moi seul. Allongé. Tombé de l'escalier. Poussé par la foule. Un hôpital. Je suis un hôpital. Il y a des gens. Professeur qui êtes-vous ? Inspecteur où êtes-vous ? Qui suis-je ? Où suis-je ? Je suis la foule. Je roule. La roue est voilée. Elle chante joyeux anniversaire. Ce n'était qu'un jeu. La vie. La mort. L'escalier. Un jeu. Comme les échecs et la vie. Un jeu. Ce n'était qu'un jeu. L'aveuglement. Ce n'était qu'un bandeau sur mes yeux.