Il y a longtemps sur la Terre,
Scintillaient des lucioles jaunes.
À force de snifer l'ozone,
Toutes pétaient le feu... [+]
Les princes jumeaux d'Uglüsky
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Il y a bien longtemps, en Uglüsky, petit royaume perdu aux confins des Terres Froides, naissaient deux princes jumeaux. Une double naissance célébrée comme il se doit par deux mois de fêtes ininterrompues au château : banquets, acrobates, jongleurs, joutes et autres brochettes... Les deux bébés, nommés Zig et Zag, se ressemblaient comme deux gouttes de rosé, si bien qu’on ne sut plus lequel était né le premier.
- C’est embêtant, se dit le roi, qui espérait depuis longtemps l’arrivée d’un prince héritier.
Comme une heureuse nouvelle n’arrive jamais seule, le printemps ne tarda pas non plus à pointer le bout de son nez : le ciel se peignait d’azur, la neige fondait en lambeaux, les arbustes bourgeonnaient et pour ainsi dire, une grande douceur ravivait les cœurs. La reine, bien que fatiguée, paraissait radieuse. Seulement voilà, il y avait une ombre au tableau et le roi, inquiet, s’en aperçut. En effet, le jour des noces du roi et de la reine, quelques années auparavant, la Fée C (qu’il ne faut point nommer sous peine de la voir débouler dans votre salon sans prévenir), fit au roi cette prophétie, dont la sinistre teneur venait de lui sauter aux yeux :
- Deux princes pour un trône, un cœur saignera. Du roi et de son clone, l’arène tranchera.
Un soir, n’y tenant plus, le roi fit part de la malédiction à son épouse, laquelle de lui répondre :
- Il est hors de question que mes enfants chéris s’affrontent et s’entretuent pour te succéder !
Après un silence pesant, le roi blêmit et dit lentement :
- Ma douce, il y a bien une solution : décide toi-même de leur destin. Après tout, c’est toi la reine. Et du roi et de son clone, la reine tranchera...
La jeune mère pleura toute la nuit, son cœur saignait. Mais au petit jour, convaincue que c’était la seule décision raisonnable à prendre, du sort de ses enfants chéris, elle trancha.
Or donc, peu après la fin des festivités, sur ordre royal, le petit prince Zag fut emporté en grand secret vers sa nouvelle vie. Puis au bout de quelques mois, on l’oublia complètement, lui, et le printemps. Car le royaume connut son dernier été, sec et brûlant, et après un automne fugace, il sombra dans un hiver éternel.
Vingt années de vaches maigres passèrent. Le château, à l’image du royaume, tombait en décrépitude. Le roi mourut d’un coup au cœur et le prince Zig lui succéda en digne héritier de la couronne. Peu après, rongée par le chagrin et le remord, la reine mère appela son fils à son chevet et lui confia d’une traite ce qu’elle avait sur le cœur :
- Zig, mon fils chéri, tu es grand, tu es fort et tu es devenu roi, ainsi que je l’ai souhaité à ta naissance. Mais je ne suis pas certaine de voir tomber la neige une année de plus et j’aurais un dernier souhait à te demander avant mon départ : ramène-moi mon sourire, ramène-nous le printemps, pars chercher ton frère Zag, le prince oublié, ton frère jumeau !
Zig tomba des nues mais partit sur le champ.
C’est donc ainsi que l’on vit s’élancer le roi Zig d’Uglüsky, sur le dos de son fidèle destrier Vigo, un vieil élan né de la dernière pluie d’automne. Accompagné de sa garde royale composée d’une poignée d’hommes en traîneaux à rennes et entraînés à rien, Zig partait en quête de son jumeau, abandonné à cause d’une Fée C mal intentionnée. Il comptait bien le retrouver sous peu grâce aux précieuses recommandations maternelles : en plus d’un goûter énergétique et d’un guide Parchemin des auberges du royaume, sa mère avait glissé dans son sac l’adresse griffonnée de la Fée C justement, celle-là même qui avait été chargée d’éduquer l’enfant Zag loin du château.
Un jumeau ! pensa-t-il. Il avait un jumeau et personne en vingt ans n’avait cru bon de lui en toucher deux mots... ah décidément, quelle drôle de famille ! Un père absent, partant guerroyer la moitié de l’année et l’autre moitié chassant le loup-phoque. Une mère en trompe-l’œil à faire pâlir la nuit tant elle était sombre et triste. Pas d’autre fratrie connue à part Zag, non bien sûr, c’eût été trop demandé !
Et ainsi chevauchant avec élan à travers le blizzard sur un sentier boueux, Zig se rapprochait de Zag. Et plus Zig se rapprochait de Zag, plus son passé lui semblait bancal et moins son avenir lui paraissait tracé. En parlant de tracé justement, celui qu’il suivait depuis le matin se terminait à l’Auberge du Troll Farceur. Hommes et bêtes étaient fourbus. Le soir tombait. Zig décida sagement d’y faire étape pour la nuit, malgré la réputation sulfureuse de l’endroit.
Et ce qui devait arriver arriva : en pleine nuit, alors que Zig dormait profondément, une grosse main de troll entra par la fenêtre de sa chambre et l’emporta au loin. Zig se réveilla le lendemain matin, en pyjama dans la neige. Vigo, d’humeur baveuse, lui léchait le visage. Tout grelottant de froid, Zig se blottit instinctivement contre lui pour se réchauffer, en essayant de comprendre où était passée l’auberge et ce qu’il faisait là dans cette forêt à coté de cette géante statue de pierre ressemblant à un troll des montagnes. Heureusement il avait un bon élan, doté d’un flair infaillible : avant la tombée de la nuit, grâce à Vigo, il retrouva l’auberge et ses hommes qui comptaient les flocons de neige, bien au chaud derrière les carreaux. Après leur avoir passé un savon mémorable, il se laissa fondre dans un bain bien chaud avec un grand bol de bouillon aux vermicelles. Puis il se glissa sous la couette et s’endormit, sous bonne garde cette fois-ci.
Trois jours plus tard, l’expédition royale arriva enfin devant le domicile de la Fée C, au 7 impasse des lucioles, à Landry, petit village frontalier et pittoresque, très connu pour ses filles à marier et son fromage de yack. Zig s’avança sur le pas de la porte qui était entrouverte. Il sonna... Personne. Il re-sonna... Personne.
- Ohé la Fée C ?
Personne. Il poussa la porte, la porte grinça, il entra... et à cet instant précis, la flamme puissante d’un dragon le projeta en arrière et le carbonisa de la tête aux pieds. S’ensuivit un mouvement de terreur et de débandade indescriptible au cours duquel on vit décoller le dragon emportant sur son dos la Fée C. Celle-ci, prise d’un fou rire sardonique, cria à la cantonade :
- Ci-gît Zig roi d’Uglüsky, qui se prît une soufflante dans sa face et qui n’aura jamais su ce que son frère Zag était devenu !
Alors que le dragon n’était plus qu’un point dans le ciel, une jolie licorne déboula au grand galop dans un silence des plus elfiques. Sa crinière arc-en-ciel, sa robe blanche et sa corne rose étaient du plus bel effet. S’inclinant sur le corps de Zig allongé au sol, elle pleura. Ses larmes mouillèrent le visage du grand brûlé et aussitôt celui-ci se dé-carbonisa de la tête aux pieds, se remit debout comme si de rien n’était, et demanda :
- Elle est où la Fée C ? Elle est partie ?
Puis enfourchant Vigo, il suivit la licorne qui le mena dans une épaisse forêt, jusqu’à une cabane, où l’attendait son frère Zag.
- Zig ! s’exclama Zag.
- Zag ! s’exclama Zig.
Les deux jumeaux fous de joie s’embrassèrent sans détour et se posèrent mille questions. Depuis leur séparation, Zag avait été élevé par la Fée C qui jamais ne lui apprit la vérité sur ses origines. Mais quand elle tourneboula du côté obscure, il partit découvrir le monde, des Terres Froides jusqu’au Terres Chaudes en passant par le Tiède Monde. C’est là qu’il apprivoisa sa première licorne, Tartine, dont les larmes guérissaient les blessures.
- Ma seconde licorne, Biscotte, peut pétrifier un troll rien qu’en lui balançant un éclair arc-en-ciel ! dit Zag.
- Ah c’est donc ça, la statue géante à mon réveil dans la neige ! répondit Zig.
- Oui, Biscotte t’a sauvé du troll kidnappeur en croyant me sauver moi. C’est elle ensuite qui est venue me prévenir de ton existence...
Un mois plus tard, au royaume d’Uglüsky, le ciel se peignait d’azur, la neige fondait en lambeaux, les arbustes bourgeonnaient, tandis que la reine mère souriait de bonheur devant ses deux jumeaux enfin réunis...
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On parle d'interdire la Fée C, Il est peut-être temps ....
Merci pour cette histoire avec deux princes pour le prix d'un 😊