Les pleurs sans fin d'un africain

Jeune juriste congolais en formation ❤. Amoureux de belles-lettres et passionné de culture. Ici, se trouve la peinture de sa pensée.

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.Le soleil d’orange couleur luisait d’une clarté dans l’atmosphère crépusculaire de Lubumbashi, Nkulu s’était épuisé par le poids de la journée, longeant tristement les pistes du camp des travailleurs, le bonheur pour lui se trouvait ailleurs. Dans la réminiscence des instants de son existence, un peu trop de prudence lui arrachait son brin d’espérance. Cela remontait à une trentaine d’années, qu’il s’engouffrait dans ce misérable métier de fondeur, au sein de la prestigieuse société minière.La fonderie était toute sa vie, la récurrence du malheur lui ôtait de tout espoir, le faisant vivre la tragédie de l’Afrique noire. La mort emprisonnait ses fils jumeaux et son épouse d'heureuse mémoire, lui laissant un petit fils du nom de Gloire. Au-delà de la paix apparente qu’affichait la ville cuprifère, Nkulu avait son cœur battu en fer, de cet enfer enfourné. La brume vespérale cachait le fond de la ruelle, pour éveiller son attention paternelle, tout semblait ainsi se synchroniser. Le long des ruelles, des gamins jouaient devant les parcelles, innocemment ils s'enroulaient dans la poussière en maitres de rituel, le fondeur, lui, logeait sur la quatrième ruelle. Au bout de ce périple périodiquement quotidien, il atteignait son domicile vaincu par cette vie difficile, ses vêtements élimés lui accordaient une dizaine d’années de plus, sa noirceur et ses rides s’accumulaient en bonus. Le restant de son existence jetait son dévolu sur son petit-fils, qui trottinait en s’attachant à ses pieds à l’image du temps qui glisse. De ses outils, le fondeur épuisé s’en débarrassait, quand le petit Gloire lui ébauchait les épiques de sa journée. Le poids de la souffrance pesait sur sa petite existence, le pressant à fondre en larmes, comme les armes en font autant pour alimenter le régime sanguinaire d’écarlate couleur du fleuve Congo. Le misérable était maitre chez lui, le pauvre s’agglutinait à la fenêtre de son taudis, remémorant du passé partageait autour de ses âmes tant aimées décédées, il s’empiffrait du Lutuku, cette boisson locale brassait non loin de la modeste école du camp, ce breuvage alcoolique l’emportait dans état euphorique, lui permettant de s’envoler sans s’élever au instant que le soleil se couchait.La lumière du soleil dormant rayonnait , elle était comparable au feu des alliages, ce sublime spectacle naturel témoignait du jour et de nuit en mariage. Quelques étoiles scintillaient par ci par là dans le vide sombre, quand ses pensées se dissipaient à la venue de son ombre. La nuit envahissait le camp, par ses flots noirs d’une lourdeur pesante, les jours se succédaient en opprobre et se ressemblaient dans ce désordre animait de rémunération en disette, au terme d’élogieux efforts à dos courbés corps suant, au rythme des endiablés tintamarres du contact des moules et des barres de ce maudit art. Cet envol le permettait en sourdine de rechanter les lamentations africaines. La trilogie plaintive plaçait la traite des noirs en début! Ce crime odieux aux répercussions pernicieuses, privait le noir de liberté, devenant propriété jusqu’à être maltraité. Le cynisme intrépide de l’homme blanc alimentait cette barbarie, que le fils de Marie n’aurait guère aperçu, car étant déjà parti comme partaient pour toujours ces hommes, femmes et enfants passeurs de la porte de non-retour. Les hébreux sanglotèrent à la destruction de leur temple symbole de leur âme, comme le fit ces noirs au passage inédit de cette lame, qui divisait tout âge d’un futur en bon augure, bien que moins sage, cette habitude massacrait ces Hommes en les séparant de leurs vies, cultures, progénitures, au profit des appétits voraces en turpitude occidentale. Le sexagénaire remontait le cours de l’histoire, et s’inquiétait pour Kunta Kinté, cet esclave non acquitté de sa peine d’enchainement, qui en dépit de ses forces tomba dans les filets des féroces. Ce crime pour les noirs ! Ce commerce pour les blancs, plaçait enfants et animaux avant l’africain qui ne valait rien. Les flammes du courage s’attisaient dans la poitrine de l’attristé à chaque bouchée d’alcool, contrastant son regard et sa flexibilité dans l’usure du temps, maintenant il lui restait à vivre ivre sur la terre de ces pères. Arguin, Gorée, Rufisque! Chacun avait un risque, quand ils gisaient dans ces locaux le long de l’atlantique, suffoquant tous entassés dans la puanteur affreuse des logis abritant les futures mains-d’œuvre d’Amérique, en provenance d’Afrique. Les minuscules nègres, ces enfants, criaient et sanglotaient à cause de la séparation familiale, comme d’un bruit sourd, souffrait dans le coin isolé, le gamin Gloire qui aussi était victime en déficit affectif à cause de ce lien délicat parental. Les pages de la traite se tournaient dans son paradigme et comme la situation se métamorphosait, il s’attelait sur la colonisation, cet esclavagisme moderne du dix-neuvième siècle ! La pendule sonnait vingt heures et notre fondeur ayant bu le tiers de son Lutuku, planait dans l’espace colonial en toute ébriété. La trilogie plaintive sombrait, dans le milieu odieux colonial qui avait sa genèse sur la table de Berlin des êtres si malins. Dans une Europe conquise par la révolution industrielle et un essor philosophique de lumière, ses états se partageaient le gâteau en l’absence du principal célébré. Les cris se firent entendre du sud la méditerranée, les colonisés asservis se mouraient d’une honte notoire. Les sujets français étaient corvéables, les sujets belges sans voir de neige perdaient dix millions de leurs semblables, sous la couronne inconsciente du bourreau Léopold 2, les africanglais de Cécile Rhodes étaient terrassés en tout mode. Ce sarcasme dura plus de la moitié d’un siècle obstruant ces nègres sous le couvercle de l’ignominie. Nos ancêtres qui sont aux cieux connaissaient-ils, un Dieu miséricordieux? Cette interrogation raisonnait du fond du fondeur, qui accepta le catholicisme par honneur quand la lumière venait éclairer les ténèbres et que les ténèbres l’ont accueilli, celle-ci s’investit en tyran incompris. L’année soixante du vingtième siècle, se passait sous les vents des indépendances chantaient au rythme de la musique et de la dance, Nkulu avait achevait les deux tiers de son élixir, en entamant la conversion plaintive sous le cri de "la liberté africaine postcoloniale", le petit Gloire était assis sur une vielle chaise contemplant son ascendant d’une curiosité infuse. L’Afrique postcoloniale arborait un sourire génial, louons l’indépendance si spéciale, mais le naturel revenait au galop, Nkulu avait besoin d’eau, le tout rappelait la vie d’esclave, un macrocosme avalant le microcosme existentiel d’une vie dépendante des manœuvres de l’Europe idéal. Les dirigeants contemporains d’Afrique vivaient hiérarchiquement, géographiquement et socialement loin du peuple, l'état importé en Afrique n’était pas la solution d’affranchissement. La bouteille d’alcool vide s’envoyait à terre, par le réflexe du fondeur, sa vue s’obscurcissait empêchant ces cavités oculaires de voir, comme le faisait la chaleur de la fonderie, d’un tonitruant bruit il s’écroula à terre, son être voulait s’échappait loin de cette vie teintée de souffrances à l’africaine par les puissances tirant les ficelles. Ces gémissements irréguliers se faisaient entendre comme par le passé, les esclaves se plaignaient jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le destin décidait sur la fin de cet homme meurtri par l’amère saveur de la vie, loin existait entre la production et la rémunération de son travail...Gloire tout innocent espérait que son grand père dormait... Il gisait à terre, bien qu’il fût fait de terre différente de celle de Voltaire. Le petit fils avait la bouteille d’alcool cassée sous ses yeux, attendant la suite d’une vie de souvenir pour un avenir libre, il vivait dans le noir qui fermait ses yeux, lui, le petit malchanceux.