Les jeunes contre la Covid-19

Jeune étudiant tchadien en journalisme à l'École Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication (ESSTIC) à Yaoundé. J'écris des poèmes, nouvelles etc. J'adore ... [+]

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. A-t-elle gardé les yeux fermés ou alors elle est dans un profond sommeil ? Peut-être l’un, peut-être l’autre, ou encore les deux. A cause du virus, elle n’a pas ouvert la bouche depuis. Pendant des semaines, sa vie ne tenait que sur l’action d’un respirateur. Puis voilà, tout est accompli. Djasné, témoin oculaire de la mort de sa mère à l’hôpital central de Camirad, conscientise ses camarades pour mener une lutte acharnée.
Le monde entier fait face à un ennemi invisible. Le Camirad, pays du sud du Sahara sombrait dans le noir. Ce territoire est attrayant et envoutant. Il est doté d’une montagne semblable à une femme couchée, des dunes de sables mouvantes à perte de vue...
Dans le pays tout se faisait en communauté, du même air frénétique et absent. On s’y ennuyait et on s’y mettait à prendre des habitudes. Certains travaillaient au champ, d’autres s’intéressaient au commerce et ils s’occupaient d’abord, selon leur expression, à faire des affaires. Naturellement ils ont du goût aussi pour les joies simples, ils déifiaient les femmes, le cinéma et les jeunes aimaient les bains à la piscine. Mais, très raisonnablement, ils réservaient ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d’argent. Le soir, lorsqu’ils quittaient leurs bureaux ou après les cours, ils se réunissaient dans les bars.
Quand le pays comptait une cinquantaine de cas, et dix morts, le gouvernement a fermé les entreprises, et l’économie tournait mal. Les citoyens pauvres, criaient en demandant de l’aide. Sans doute, rien n’est plus naturel. D’autres choisissent de jouer aux cartes en bavardant, le temps qui leur reste pour vivre. Mais d’après la télévision, il est des villes et des pays où les gens prenaient, de temps en temps, la peine de se mettre en quarantaine pour lutter contre la Covid-19.
L’Etat instaurait justement les mesures de prévention. Sous cet angle, sans doute, la vie n’était pas très passionnante. Du moins, on ne connaissait pas chez nous le désordre. Et notre population franche, sympathique, courtoise, hospitalière et active, avait toujours provoqué chez les étrangers une grande estime.
Le 23 mars 2020 dans l’après-midi, un expatrié espagnol était testé positif au Covid-19 à Camirad. Beaucoup de personnes étaient descendues de l’avion avec lui. Les passagers qui étaient abords de cet appareil volant, se précipitaient dans leurs familles afin de vaquer à leurs occupations. Mais, aucun de ces passagers ne s’était rendu à l’hôpital. Sans connaitre l’état de leur santé, ils étaient en contact avec d’autres personnes et ils se partageaient au fur et à mesure le virus dans l’inconscience. On parle de Coronavirus, mais nombreux ne tenaient pas compte des mesures barrières.

Djasné, un jeune homme conscient de la situation sanitaire dans laquelle le monde est plongé, ne baissait pas les bras. Il s’était armé d’une volonté salvatrice de mettre sur pied une association de jeunes conscients. Elle était composée de trois personnes. Deux filles et lui-même. L’une se nommait Madjimta et l’autre Matibeye. Elles et Djasné étaient des voisins. Malgré la fracture numérique qui battait son plein dans le pays, ils s’organisaient à trouver quelques ronds pour souscrire aux forfaits internet et mener des recherches approfondies sur l’évolution de la pandémie qui ravage le monde. Ils prenaient des informations relatives à la protection contre la Covid-19.
Ils collectaient des informations nécessaires, et mettaient en pratique leur plan d’action. Malgré le manque de moyens financiers, l’argent importait peu et leur objectif était celui de lutter efficacement contre cette pandémie sur leur territoire national. Il était résolu que dans une semaine, ils devront faire une descente dans les foyers qu’importe leur rang social afin de sensibiliser les personnes.
Etant la tête pensante du groupe, Djasné se donnait corps et âme. Il passait parfois des nuits blanches avec son smartphone en main à dactylographier des informations qu’il collectait sur les sites web grâce au logiciel world androïde qu’il a installé.
En moins de deux jours, Djasné ne savait quoi faire pour trouver de l’argent et aller dans un cybercafé pour imprimer le document qu’ils envisageaient donner aux personnes qu’ils rencontreraient lors de leur campagne de sensibilisation.
Un matin, il décida de sortir de la maison de ses parents pour voir s’il pourrait trouver un boulot qui pouvait vite rapporter de l’argent. A sa grande surprise il trouva un petit job dans une maison. Rien n’était facile. La maison se trouvait dans un coin où il fallait entrer et virer trois fois à gauche, puis deux fois à droite pour atteindre le seuil. Le travail qu’on lui a donné était celui de ramasser un tas de sable déposé par un camion ben qui ne pouvait accéder faute de la route. On proposa à Djasné 10 000 F CFA. Il ne discuta point. Il demanda un verre d’eau à boire et une pelle, puis il se dirigea sous un arbre sous lequel se trouvait une brouette.
Djasné prit la brouette, la pelle et se mit au travail. Les gens de la maison étaient étonnés de le voir travailler avec tant de volonté et de vigueur. Il ne faisait guère attention au soleil qui brulait en plein midi. En moins de cinq heures de temps, il finit le tas de sable. On lui remit son argent, il courut à la maison se doucher, puis alla imprimer le document.
Les deux filles vendaient des mangues ; elles se partageaient et proposaient aux usagers de la route d’en acheter. Le soir, elles revendaient devant le cinéma du quartier. Quand le marché était dur, Matibeye disait à sa copine : « ça va aller, on y parviendra ». L’argent qu’elles obtenaient, permettait à leur association d’acheter des seaux à robinet, les cache-nez, du savon, trois mégaphones afin d’amplifier la communication et d’atteindre leur cible. Le jeune Djasné, a acheté trois tee-shirts simples sur lesquels il a floqué «  La lutte contre la COVID-19 est ma priorité actuelle ».
Enfin vint le jour tant attendu pour passer à l’action. Les jeunes se sont regroupés. Après échange de civilités, le leader de l’association dit : « C’est un combat dur, mais je vous demande d’être courageuses », il remontait le moral de ses compagnons, puis il les tapotait. Ils descendirent dans les rues du quartier, chacun avait trois blocs à parcourir. Ils interpelaient la population sur le respect des règles d’hygiène (se laver les mains régulièrement avec de l’eau et du savon ou utiliser le gel hydro-alcoolique), le respect de la distanciation sociale ou physique, le port du masque, le port de gants, la désinfection des surfaces et le respect du confinement. Ils remettaient aux passants les dépliants sur lesquels ils explicitaient les mesures barrières, illustrées par les images. Les cache-nez étaient remis à ceux qui n’en avaient pas. Les concessions n’étaient pas perdues de vue, ils y entraient dans la plus part pour sensibiliser les occupants. Les personnes âgées disaient : « votre initiative est bonne, bon courage pour le reste ». Si la crise sanitaire n’avait pas plongé l’économie dans le chao et trempé cette dernière dans la gestion informatisée, une aide financière leur aurait été apportée. Toutefois, ces personnes encourageaient les jeunes de persévérer dans la lutte ; elles sensibilisaient à leur tour les autres. Ils installaient les seaux à robinet remplis d’eau, mélangée avec des gouttes de javel au niveau des carrefours. Sur chaque seau, ils mettaient un morceau de savon. Avant l’heure du couvre-feu instauré par le gouvernement local, Djasné, et son équipe se retrouvaient sous la véranda de ses parents pour faire le bilan de la journée.
Après deux jours, le combat contre la pandémie, était devenu l’affaire de tous. Les jeunes et les vieillards s’y livraient à cœur joie.