Aux lueurs d'automne
Elles se parent de rouge
Les feuilles de chêne.
Mais combien en a-t-il vues ?
À ses pieds gisent... [+]
Le monde d’avant notre monde était très différent par bien des aspects. Les continents n’étaient pas les mêmes, les peuples qui y vivaient non plus. Mais surtout, tout était régi par une loi invisible, un consensus universel connu de tous. La magie était présente en ce monde d’avant notre monde, et nul ne l’ignorait. C’est pourquoi tout le monde se pliait aux traditions, garantes de la bonne marche de l’ordre cosmique.
Oui, il existait des rois, il existait des reines, il existait des grands pontifes. Et personne n’y trouvait rien à redire, car personne n’imaginait même qu’un jour un homme jouissant d’une position supérieure puisse en abuser. Ainsi, les classes sociales existaient, mais toutes étaient liées à des devoirs précis. Les rois et reines organisaient la vie de leur pays et facilitaient la vie de leurs peuples. Les grands pontifes veillaient à ce que personne n’ignore la loi invisible du monde, etc.
Oh, oui, le monde d’avant notre monde était bien plus beau, bien plus paisible. C’est pourquoi, on l’a appelé par la suite l’Utopie. Plus jamais l’on n’a connu un monde pareil, et plus jamais on n’en connaîtra un similaire.
Il faut bien comprendre ce que signifiait ce consensus universel, cette loi, cette magie qui régnait sur l’Utopie. Cela signifiait que rien n’était déplacé, tout concourrait au bon fonctionnement d’une mécanique gigantesque. Chaque naissance était prévue, tout comme chaque décès. Et pour chaque individu, une destinée était donnée. Oh, non pas par les hommes, mais par les signes universels qui se manifestaient à la naissance : une étoile filante, un crépitement plus sonore que les autres dans un feu de cheminé, une éclipse, etc. Et ce qui manifestait le caractère prédéterminé de chaque chose, c’était la pratique des traditions. Un couple qui nouait un ruban blanc à leurs poignets était le rituel signifiant qu’ils désiraient un enfant. Si la femme tombait enceinte après coup, cela signifiait que l’enfant était prévu par l’univers. Comprenez bien : tant que le couple ne nouait pas de ruban blanc à leurs poignets, il ne pouvait pas avoir d’enfant au niveau biologique. C’est là ce qui est difficile à concevoir pour les gens de notre monde où le chaos règne.
Ce monde déterminé du début jusqu’à la fin était d’une grande beauté, oui. Les gens étaient heureux et en paix, oui. Mais il était aussi d’un ennui effroyable, en tout cas pour une personne : Gallimède Ko. Né dans une famille royale d’un pays tropical de l’Utopie, ce jeune homme avait tout pour être heureux. Il était entouré de sa famille, de ses amis, de sa femme et de ses enfants. Son père le roi Poliès Ko était un homme sage qui gouvernait depuis plus de 600 ans. Il lui était donné de posséder tout ce qu’un homme pouvait désirer, et pourtant... Pourtant, Gallimède Ko était l’homme à qui il manquait la chose la plus primordiale qui soit.
Gallimède Ko ignorait ce qu’était la loi invisible, le consensus universel, la magie. Ou, pour être plus précis, il ne la ressentait pas en lui.
En Utopie, toute personne ressentait en son être profond ce qu’était cette magie. Elle la vivait de l’intérieur, c’était là la source de sa réjouissance, et ce dès la naissance. Tout ce que faisaient les grands pontifes, c’était de mettre des mots sur ces expériences intérieures de la magie et ainsi les rendre accessibles à l’intelligence.
Dans le cas de Gallimède Ko, il était né sans rien ressentir. Il n’avait jamais rien vécu, et c’est pourquoi il fut très surpris lorsque les grands pontifes lui apprirent l’existence de quelque chose qu’il ignorait. Et il eut beau questionner, apprendre tout ce qu’il pouvait de cette loi invisible, tenter de comprendre l’ordre cosmique, jamais il ne put la ressentir en lui-même. Jamais il ne put l’expérimenter.
Oh, il n’en fut au départ pas malheureux. Sa vie était agréable, tranquille, paisible. Mais coupé de la magie qu’il était, il commença à ressentir un malaise au bout d’une centaine d’années de vie. Il commença à s’ennuyer.
Tout était prévisible. Tout était régulé, géré par une force invisible. Autrement dit, rien de surprenant ne se produisait jamais. Il se mit à penser à ce qui se produirait si jamais le monde n’était pas aussi ordonné. Ses pensées devinrent du désir, son désir devint un souhait.
Au bout de 600 ans de vie, Gallimède Ko était embrasé par un souhait, un cri profond de l’âme.
« Faites que le chaos apparaisse. »
Au centre de l’Utopie, il existait une pierre de la taille d’un pouce dont les traditions racontaient qu’elle représentait l’origine de la magie dans le monde. C’était sans aucun doute l’objet le plus sacré du monde entier. Des foules de gens venaient chaque jour pour la contempler, la remercier, jouer avec. Et il vint le temps pour Gallimède Ko de se présenter lui aussi devant la pierre. Oh, il n’était pas là pour faire comme tout le monde. Il prit la pierre entre ses mains et formula à voix haute son vœu, de toutes les forces de son âme.
Vous savez, Gallimède Ko était une bonne personne, apprécié de tous et de toutes. Lui-même aimait énormément sa famille, ses amis, son monde. Simplement, il y avait quelque chose qu’il désirait plus que tout ce qu’il avait déjà. Il désirait du nouveau. Il désirait connaître le frisson de l’inconnu, de l’excitation produit par l’adrénaline. Il voulait vivre, tout simplement. Son choix était fait, et qui pourrait vraiment l’en blâmer ?
Autre chose encore. Bien qu’il fût coupé de la magie, cela ne voulait pas dire que Gallimède Ko était exclu de la mécanique gigantesque de l’univers. Ainsi, il était pétri de magie, même s’il ne s’en était jamais rendu compte. Aussi, la pierre accepta son vœu sincère. L’Utopie continua d’exister normalement. Simplement, Gallimède Ko fut transporté loin dans le futur, à une époque où l’Utopie avait cessé d’exister depuis bien longtemps.
Tout le monde avait entendu son souhait, ceux qui étaient présents comme ceux qui étaient absents. Comment vous dire à quel point cela provoqua un séisme dans la société de l’Utopie ? Jamais personne n’avait deviné ce qui se cachait en Gallimède Ko. Personne ne savait, non, personne ne pouvait concevoir qu’une personne puisse être coupé de la magie naturellement.
Il y eut de grands conclaves entre tous les grands pontifes. On discuta longuement. Tout cela pour en conclure que Gallimède Ko avait été un oubli intentionnel de la loi invisible. À partir de ce moment là, et ce jusqu’à la fin de l’Utopie, il fut davantage connu comme « le prince oublié ».
Quant à ce que Gallimède Ko est devenu après avoir été projeté dans le futur, il nous est impossible de le savoir. Tout simplement parce qu’il n’est pas encore arrivé...
Oui, il existait des rois, il existait des reines, il existait des grands pontifes. Et personne n’y trouvait rien à redire, car personne n’imaginait même qu’un jour un homme jouissant d’une position supérieure puisse en abuser. Ainsi, les classes sociales existaient, mais toutes étaient liées à des devoirs précis. Les rois et reines organisaient la vie de leur pays et facilitaient la vie de leurs peuples. Les grands pontifes veillaient à ce que personne n’ignore la loi invisible du monde, etc.
Oh, oui, le monde d’avant notre monde était bien plus beau, bien plus paisible. C’est pourquoi, on l’a appelé par la suite l’Utopie. Plus jamais l’on n’a connu un monde pareil, et plus jamais on n’en connaîtra un similaire.
Il faut bien comprendre ce que signifiait ce consensus universel, cette loi, cette magie qui régnait sur l’Utopie. Cela signifiait que rien n’était déplacé, tout concourrait au bon fonctionnement d’une mécanique gigantesque. Chaque naissance était prévue, tout comme chaque décès. Et pour chaque individu, une destinée était donnée. Oh, non pas par les hommes, mais par les signes universels qui se manifestaient à la naissance : une étoile filante, un crépitement plus sonore que les autres dans un feu de cheminé, une éclipse, etc. Et ce qui manifestait le caractère prédéterminé de chaque chose, c’était la pratique des traditions. Un couple qui nouait un ruban blanc à leurs poignets était le rituel signifiant qu’ils désiraient un enfant. Si la femme tombait enceinte après coup, cela signifiait que l’enfant était prévu par l’univers. Comprenez bien : tant que le couple ne nouait pas de ruban blanc à leurs poignets, il ne pouvait pas avoir d’enfant au niveau biologique. C’est là ce qui est difficile à concevoir pour les gens de notre monde où le chaos règne.
Ce monde déterminé du début jusqu’à la fin était d’une grande beauté, oui. Les gens étaient heureux et en paix, oui. Mais il était aussi d’un ennui effroyable, en tout cas pour une personne : Gallimède Ko. Né dans une famille royale d’un pays tropical de l’Utopie, ce jeune homme avait tout pour être heureux. Il était entouré de sa famille, de ses amis, de sa femme et de ses enfants. Son père le roi Poliès Ko était un homme sage qui gouvernait depuis plus de 600 ans. Il lui était donné de posséder tout ce qu’un homme pouvait désirer, et pourtant... Pourtant, Gallimède Ko était l’homme à qui il manquait la chose la plus primordiale qui soit.
Gallimède Ko ignorait ce qu’était la loi invisible, le consensus universel, la magie. Ou, pour être plus précis, il ne la ressentait pas en lui.
En Utopie, toute personne ressentait en son être profond ce qu’était cette magie. Elle la vivait de l’intérieur, c’était là la source de sa réjouissance, et ce dès la naissance. Tout ce que faisaient les grands pontifes, c’était de mettre des mots sur ces expériences intérieures de la magie et ainsi les rendre accessibles à l’intelligence.
Dans le cas de Gallimède Ko, il était né sans rien ressentir. Il n’avait jamais rien vécu, et c’est pourquoi il fut très surpris lorsque les grands pontifes lui apprirent l’existence de quelque chose qu’il ignorait. Et il eut beau questionner, apprendre tout ce qu’il pouvait de cette loi invisible, tenter de comprendre l’ordre cosmique, jamais il ne put la ressentir en lui-même. Jamais il ne put l’expérimenter.
Oh, il n’en fut au départ pas malheureux. Sa vie était agréable, tranquille, paisible. Mais coupé de la magie qu’il était, il commença à ressentir un malaise au bout d’une centaine d’années de vie. Il commença à s’ennuyer.
Tout était prévisible. Tout était régulé, géré par une force invisible. Autrement dit, rien de surprenant ne se produisait jamais. Il se mit à penser à ce qui se produirait si jamais le monde n’était pas aussi ordonné. Ses pensées devinrent du désir, son désir devint un souhait.
Au bout de 600 ans de vie, Gallimède Ko était embrasé par un souhait, un cri profond de l’âme.
« Faites que le chaos apparaisse. »
Au centre de l’Utopie, il existait une pierre de la taille d’un pouce dont les traditions racontaient qu’elle représentait l’origine de la magie dans le monde. C’était sans aucun doute l’objet le plus sacré du monde entier. Des foules de gens venaient chaque jour pour la contempler, la remercier, jouer avec. Et il vint le temps pour Gallimède Ko de se présenter lui aussi devant la pierre. Oh, il n’était pas là pour faire comme tout le monde. Il prit la pierre entre ses mains et formula à voix haute son vœu, de toutes les forces de son âme.
Vous savez, Gallimède Ko était une bonne personne, apprécié de tous et de toutes. Lui-même aimait énormément sa famille, ses amis, son monde. Simplement, il y avait quelque chose qu’il désirait plus que tout ce qu’il avait déjà. Il désirait du nouveau. Il désirait connaître le frisson de l’inconnu, de l’excitation produit par l’adrénaline. Il voulait vivre, tout simplement. Son choix était fait, et qui pourrait vraiment l’en blâmer ?
Autre chose encore. Bien qu’il fût coupé de la magie, cela ne voulait pas dire que Gallimède Ko était exclu de la mécanique gigantesque de l’univers. Ainsi, il était pétri de magie, même s’il ne s’en était jamais rendu compte. Aussi, la pierre accepta son vœu sincère. L’Utopie continua d’exister normalement. Simplement, Gallimède Ko fut transporté loin dans le futur, à une époque où l’Utopie avait cessé d’exister depuis bien longtemps.
Tout le monde avait entendu son souhait, ceux qui étaient présents comme ceux qui étaient absents. Comment vous dire à quel point cela provoqua un séisme dans la société de l’Utopie ? Jamais personne n’avait deviné ce qui se cachait en Gallimède Ko. Personne ne savait, non, personne ne pouvait concevoir qu’une personne puisse être coupé de la magie naturellement.
Il y eut de grands conclaves entre tous les grands pontifes. On discuta longuement. Tout cela pour en conclure que Gallimède Ko avait été un oubli intentionnel de la loi invisible. À partir de ce moment là, et ce jusqu’à la fin de l’Utopie, il fut davantage connu comme « le prince oublié ».
Quant à ce que Gallimède Ko est devenu après avoir été projeté dans le futur, il nous est impossible de le savoir. Tout simplement parce qu’il n’est pas encore arrivé...
Si vous avez un instant je vous invite à lire "La Chartreuse " sur short edition (https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chartreuse)
Merci