Le soleil s’éteint sur mon destin
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Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
L’obscurité me perce, s’incruste chaudement dans mes pores, dévore mon âme au sein de ce milieu étrange. Impuissante, je tente de me lever, mais l’incapacité me renverse. Pathétique, j’essaie de hurler ; ma voix, bloquée, se réfléchit dans mon estomac et me révulse. Il y a quelque chose de sombre ici, de noir. Une noirceur viscérale qui lèche mes poumons, avant de les extirper.
Le moment où mon père m’a revue, il m’a tirée comme une chienne, et à ce moment-là, j’ai réalisé que ma fin n’était plus lointaine. Les pleurs de maman résonnaient si fort alors que papa battait ma tête contre le mur ; le rouge giclait de mon nez, éclaboussait le béton qui s’empourprait ; ma vision peu à peu s’embrumait, mais des mots me giflaient encore tandis que mes paupières baissaient : « La honte ! tu mérites la mort ! »
J’attends que quelqu’un vienne me sauver. Peut-être que j’attends ma mère. Ou peut-être mon frère. Sur l’écran de ma vie, au-dessus de moi, mon enfance se projette ; mon adolescence lui succède, puis flotte l’image du seul homme que j’ai aimé, le seul homme que j’ai aimé et que je n’aurais pas dû aimer. Je ne sais pas si je regrette l’avoir aimé. J’avais besoin de me retrouver, et c’est avec lui que je me suis retrouvée.
La terre plâtre mon crâne. Heureuse, elle s’amuse à me guetter, s’appuie contre mon corps, l’immobilise. Je tente encore une fois de crier, de me révolter contre les mœurs imposées, contre la liberté qu’on appelle liberté mais qui n’est en fait que l’esclavage déguisé, mais je n’y arrive pas – je suis ridicule.
Je ne comprends pas pourquoi je suis là. Nous n’avons fait de mal à personne. Notre mariage était notre droit. Le moment où nous nous sommes enfuis, mon bien-aimé et moi, où nous avons abandonné notre village parce que j’étais forcée à me marier avec mon cousin, et lui avec la sienne, parce que c’est la tradition chez nous, je me suis dit que je ne rentrerais plus jamais. Et puis... et puis après deux années, mon cœur m’a si fort harcelée : ma mère me manquait tellement, et je voulais la grâce de mon père, son pardon avant qu’il ne soit trop tard. Je suis donc revenue, croyant que sa rage s’était refroidie.
Je n’arrive pas à ouvrir les yeux. Tel un oiseau dans sa cage, ma conscience se débat, boxe désespérément les coins de ma tête et me bouleverse. La mort m’observe, souriante. Elle croit qu’elle me fait peur mais elle se trompe, je n’ai plus peur de rien – le concept de la vie est simple : on naît seul, et on meurt seul. Silencieusement, je contemple la terre pendant qu’elle s’affaisse contre ma gorge : ma bouche se remplit de plus en plus de terre, mes narines s’obstruent de plus en plus par la terre, mes ongles s’enfoncent de plus en plus dans la terre. J’ai envie de croire que cette obscurité sombre n’est qu’un cauchemar, mais je sais qu’elle ne l’est pas. J’ai envie qu’un miracle se passe, que quelqu’un plonge sa main dans la terre et m’arrache, qu’il me rapproche de lui et m’enlace. Mais je suis stupide en croyant aux miracles.
La même personne qui pendant seize ans m’a élevée, payé pendant douze ans pour que je sois éduquée, a profondément creusé et, dans cette noirceur, m’a enterrée. L’image et le son de la pelle me gercent encore, l’expression faciale de mon père alors qu’il comblait le trou me transperce : il y a quelques minutes, j’avais le visage demi-enseveli, et je contemplais papa tandis qu’il lançait, sans pleurer, ces grains minuscules de couleur marron sur ma figure. Il faisait cela vite, pendant la journée, parce qu’il avait hâte de satisfaire les habitants de notre village, parce qu’il avait hâte de satisfaire les coutumes qu’il n’avait jamais osé briser.
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Les ombres se fondent dans les ténèbres.
Le soleil s’éteint sur mon destin.
Mes phalanges se glacent.
Mes poumons se délassent.
Je sens soudain une pluie froide traverser la terre, se glisser dans mon corps et me rafraîchir. Dans quelques mois, mon existence prendra une nouvelle forme. Je serai un arbre, ou une petite fleur rouge.
L’obscurité me perce, s’incruste chaudement dans mes pores, dévore mon âme au sein de ce milieu étrange. Impuissante, je tente de me lever, mais l’incapacité me renverse. Pathétique, j’essaie de hurler ; ma voix, bloquée, se réfléchit dans mon estomac et me révulse. Il y a quelque chose de sombre ici, de noir. Une noirceur viscérale qui lèche mes poumons, avant de les extirper.
Le moment où mon père m’a revue, il m’a tirée comme une chienne, et à ce moment-là, j’ai réalisé que ma fin n’était plus lointaine. Les pleurs de maman résonnaient si fort alors que papa battait ma tête contre le mur ; le rouge giclait de mon nez, éclaboussait le béton qui s’empourprait ; ma vision peu à peu s’embrumait, mais des mots me giflaient encore tandis que mes paupières baissaient : « La honte ! tu mérites la mort ! »
J’attends que quelqu’un vienne me sauver. Peut-être que j’attends ma mère. Ou peut-être mon frère. Sur l’écran de ma vie, au-dessus de moi, mon enfance se projette ; mon adolescence lui succède, puis flotte l’image du seul homme que j’ai aimé, le seul homme que j’ai aimé et que je n’aurais pas dû aimer. Je ne sais pas si je regrette l’avoir aimé. J’avais besoin de me retrouver, et c’est avec lui que je me suis retrouvée.
La terre plâtre mon crâne. Heureuse, elle s’amuse à me guetter, s’appuie contre mon corps, l’immobilise. Je tente encore une fois de crier, de me révolter contre les mœurs imposées, contre la liberté qu’on appelle liberté mais qui n’est en fait que l’esclavage déguisé, mais je n’y arrive pas – je suis ridicule.
Je ne comprends pas pourquoi je suis là. Nous n’avons fait de mal à personne. Notre mariage était notre droit. Le moment où nous nous sommes enfuis, mon bien-aimé et moi, où nous avons abandonné notre village parce que j’étais forcée à me marier avec mon cousin, et lui avec la sienne, parce que c’est la tradition chez nous, je me suis dit que je ne rentrerais plus jamais. Et puis... et puis après deux années, mon cœur m’a si fort harcelée : ma mère me manquait tellement, et je voulais la grâce de mon père, son pardon avant qu’il ne soit trop tard. Je suis donc revenue, croyant que sa rage s’était refroidie.
Je n’arrive pas à ouvrir les yeux. Tel un oiseau dans sa cage, ma conscience se débat, boxe désespérément les coins de ma tête et me bouleverse. La mort m’observe, souriante. Elle croit qu’elle me fait peur mais elle se trompe, je n’ai plus peur de rien – le concept de la vie est simple : on naît seul, et on meurt seul. Silencieusement, je contemple la terre pendant qu’elle s’affaisse contre ma gorge : ma bouche se remplit de plus en plus de terre, mes narines s’obstruent de plus en plus par la terre, mes ongles s’enfoncent de plus en plus dans la terre. J’ai envie de croire que cette obscurité sombre n’est qu’un cauchemar, mais je sais qu’elle ne l’est pas. J’ai envie qu’un miracle se passe, que quelqu’un plonge sa main dans la terre et m’arrache, qu’il me rapproche de lui et m’enlace. Mais je suis stupide en croyant aux miracles.
La même personne qui pendant seize ans m’a élevée, payé pendant douze ans pour que je sois éduquée, a profondément creusé et, dans cette noirceur, m’a enterrée. L’image et le son de la pelle me gercent encore, l’expression faciale de mon père alors qu’il comblait le trou me transperce : il y a quelques minutes, j’avais le visage demi-enseveli, et je contemplais papa tandis qu’il lançait, sans pleurer, ces grains minuscules de couleur marron sur ma figure. Il faisait cela vite, pendant la journée, parce qu’il avait hâte de satisfaire les habitants de notre village, parce qu’il avait hâte de satisfaire les coutumes qu’il n’avait jamais osé briser.
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux.
Les ombres se fondent dans les ténèbres.
Le soleil s’éteint sur mon destin.
Mes phalanges se glacent.
Mes poumons se délassent.
Je sens soudain une pluie froide traverser la terre, se glisser dans mon corps et me rafraîchir. Dans quelques mois, mon existence prendra une nouvelle forme. Je serai un arbre, ou une petite fleur rouge.
Je vous invite à découvrir mon très très court dédié aux sans abris de l'Isère, ici:
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chienne-de-vie-dun-sans-abri-iserois
Félicitations 👏 et bonne finale Tarek !
C'est un récit bien mené, et bien maîtrisé. Je vous renouvelle mon soutien avec mes 3 voix.
Je vous invite à visiter mon texte également en finale de la même compétition, et à me soutenir avec vos voix
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chose-11
Et si tu veux bien, je t'invite à marcher sur un fil ... https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/sur-le-fil-des-peut-etre
Je vous invite à venir soutenir un père aimant et bienveillant.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/nouvelles/a-lombre-de-sa-devotion
Bravo et bonne chance pour la finale
Vous avez mes voix 👋
Mes voix
Je vous invite à visiter mon site et voter si possible 👇👇👇https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/amnesie-ou-frenesie
Vous avez mes voix. Bonne continuation. Je vous en remercie d'avoir visité ma page
Merci d'avoir visité ma page, bonne continuation
Mes votes
Bonne chance
Mais quoi qu'il en soit,cette oeuvre à le droit à mes modeste trois voie( en tant que membre active sur short edition,je ne peu mettre que trois voie sur les oeuvre qui me plaises)
Mes voix et mes souhaits de réussite et de succès pour la suite.
Encouragements
à démarrer sur cette phrase que personnellement je trouve artificielle.
Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés? Ici, justement, elle est superflue.
La jeune enterrée vivante ne sait que trop bien ce qui lui arrive. D'ailleurs,
pour quelqu'un qui est en train de mourir étouffé, elle paraît bien calme
et réfléchie... Mais rien ne vous empêche de le reprendre ce texte
par la suite, en dehors du concours, car le sujet est fort. Bonne continuation.
En bref, je suis impressionné par votre talent. Vous irez loin.
De mon côté, je t'invite à marcher sur un fil ... https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/sur-le-fil-des-peut-etre
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/l-enigme-calculee
Tu as mes voix.
J'invite les chers passant à lire "le Monstre de BaBa" sur mon profil.
Fais un tour pour me soutenir.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/nouvelles/la-guinee-avait-tue-ses-enfants-1?all-comments=1&update_notif=1590845456#fos_comment_4298735
Bonne chance pour la suite Tarek :)
Je suis Libanaise aussi,je vous invite à lire mon texte s'il vous plait 😊
Et si le coeur vous en dit je vous invite à lire Euskal sur mon profil (https://short-edition.com/fr/oeuvre/poetik/euskal)
J'ai lu votre poème hier et je lui ai attribué toutes mes voix :). Bonne chance.
Riche d'émotions est ce beau récit dans lequel tu nous mets dans la peau d'une femme meutrie sous les coups de son paternel tout en faisant jaillir de l'ombre une lueur d'espoir portée par la graine devenue fleur sous les caresses de la pluie et de la terre.
Pour ce, je t'accorde toutes mes voix et je t'invite à découvrir mon texte ici
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/etoile-perdue-2
Je vous prie de découvrir également mon texte sur ce lien https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/les-choix-dune-vie
Waouhh.
Très beau texte je t'assure.
Je l'ai vraiment savourer.
Je te donne mes voix.
Je t'invite à faire pareil si jamais mon texte "Les Cieux, la cime et la prairie" te plait
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/les-cieux-la-cime-et-la-prairie
Merci de passer faire un tour chez moi et soutenir mon texte si vous avez le temps 👇👇
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/lerrance-spirituelle-1
bravo
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chute-au-enfer
Je serai heureux d'avoir vos voix pour mon texte aussi👇"La corde à tout faire"
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-corde-a-tout-faire
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/une-vie-minable
J'ai trouvé que le sujet du concours était assez bien développé dans votre récit.
Les deux dernières phrases ont bien résumé le sort qui lui a été réservé par son père.
+ 4 voix !
Naître fille et devoir subir, obéir à un père qui ne s'émeut pas de la souffrance de sa fille jusqu'à l'ensevelir vivante pour ne pas trahir le regard des autres , se plier à de telles coutumes, traditions, croyances, ne pas être libre de choisir est impensable de nos jours. Ceci ne devrait pas être, jamais, espérer un changement serait-ce un miracle! Bonne continuation, bonne chance.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/de-l-espoir-a-la-disgrace-fletrissure-du-genre
Une histoire contée dans un style qui martèle la douleur.
Pour ne pas oublier que parfois l’autorité paternelle s’exerce jusqu’à la mort.
Un des plus beaux textes lus dans ce concours.
La fin est une sorte d’espoir dans le désespoir, mais encore plus triste peut-être...
Mes 5 voix
Si vous avez 5mn Faites un tour sur https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-realite-senegalaise-le-fameux-soutoura pour d'autres voyages.
Merci ❤️.
Tout mon soutien haro sur de telles coutumes
Navré Que Je sois nouveau et ne dispose que d'une seule voix.
Mon texte en compétition est https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-chose-11
J'invite tout lecteur d'aller y jeter un coup d'oeil, et peut-être de m'apporter sa contribution.
Vous avez su nous transcrire toute l'émotion et la douleur. Merci bien à vous.
J'espère que vous apprécierez mon œuvre aussi.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/jy-croyais
Si vous avez 5mn Faites un tour sur https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/la-realite-senegalaise-le-fameux-soutoura pour d'autres voyages.
❤️
La tradition peut être déchirante. J'espère ne pas vous trahir en l'exprimant ainsi. J'ai trouvé le texte sincère. Merci.
Merci tarek pour le partage !
honneur.
Des mots pour traduire la detresse,l horreur de sentir partir la vie.
Bravo et bonne chance .
c'est une fin extraordinaire car il y a aussi cette possibilité de notre renaissance dans le corps d'un arbre, d'une fleur, pourquoi pas, en demandons-nous trop?
avec beaucoup de sympathie
Svp pourriez vous me lire sous ce lien https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/perdu-32
Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même... Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas."...
Le style est fluide, bien écrit.
Je vous donne mes voix.
Bonne chance
Bien à vous - Franck
Pour ce récit fort et maîtrisé, voici mes voix.
Je trouve votre talent indéniable. Mais... je trouverais préférable que vous adressiez ce texte uniquement à des lecteurs qui jamais, jamais, n'assimileront cette pratique avec votre pays ou un autre ou avec une religion, peut-être la votre, comme dans les commentaires de Cristo et Maevy.
Votes maximum pour ce récit terrible
Si vous avez 5 minutes, passez me lire et laissez moi vis impressions.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/j-aimerais-tant-1
.
Toutes mes voix, +5 !
Si jamais vous souhaitez aller lire le pacte https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/le-pacte-11 chez les 15-19, j'en serai ravie !
Peut-être faudrait-il modifier le passage où vous dites je devais épouser mon cousin lui la sienne ( ce pronom ne renvoie à aucun nom féminin ...)
Pas grave...
J'aime votre style. Simple mais prometteur.
Toutes mes voix.
Je vous invite aussi à lire mon histoire https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/de-l-amour-au-trepas-une-mere-morte-1
Et à voter pour me soutenir!
Prière de venir soutenir le mien si vous avez le 👇👇
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/lerrance-spirituelle-1
Votre commentaire fait preuve de votre lecture très attentive et délicate, et il m’a profondément touché. Je crois que je le relirai à chaque fois que je serai pris de doute.
Merci beaucoup, je vous souhaite une très belle journée et j’espère qu’on restera en contact :).
Je vous invite, si le cœur vous en dit, à venir découvrir mon humble cri, ma poésie...
merci d'être venue pour ma nouvelle. la poésie "jusqu'à la pointe" vous a-t elle plue aussi?
je croise les doigts.
Je te souhaite le succès !