Au bout du monde, il y avait quatre petits royaumes dont on n’entendait guère parler.
Le royaume de Pique, dont le roi Coleric, violent et envieux, n’avait qu’un désir, celui de s’emparer de ce qu’il n’avait pas.
Le royaume de Carreau, dont le roi Faraud, vif et irréfléchi, aimait bien tirer des carreaux d’arbalète.
Le royaume de Trèfle, dont le roi, Nefle, faible et indolent, ne savait que crier que tout n’était que bonheur et perfection.
Le royaume de Cœur, dont le roi, Ardeur, calme et posé, possédait des mines d’or qu’il laissait à l’abandon, parce qu’il les jugeait inutiles.
Or, il arriva un jour que Coleric, roi de Pique voulut s’emparer de ces mines qui lui faisaient bien envie. Sa principale conseillère, Megatord, une sorcière réputée, endormit dans un sommeil profond le royaume de Trèfle et son roi Nefle. Et avec l’aide du roi de Carreau, Faraud, le roi de Pique se lança à l’assaut du royaume de Cœur.
Tous deux firent si bien que les armées de Cœur durent s’avouer vaincues, leur roi Ardeur ayant péri dans la bataille. Et le roi de Pique s’empara de son royaume.
Mais le roi de Cœur avait pour héritier un tout jeune garçon encore bébé qu’un serviteur dévoué réussit à cacher avant de mourir lui aussi sous les coups de l’ennemi. Et devant les vainqueurs qui avançaient en pillant et tuant toute résistance et que l’on craignait bien justement, le peuple oublia vite le jeune prince.
Les années passèrent. Il n’y avait plus qu’un royaume, celui de Pique, qui avait englobé en un seul toutes les Terres du bout du monde. Trèfle dormait, Carreau demeurait servile à l’égard du puissant. Personne ne se souvenait de ce bébé et jeune prince héritier de Cœur.
Trois peuples, donc, travaillaient dur aux mines d’or du royaume de Cœur. Le roi de Pique était insatiable, il voulait de l’or, de l’or, toujours plus d’or. Et les hommes peinaient et se tuaient à la tâche. Pour mieux surveiller son or, le roi de Pique se fit construire un fabuleux palais dans le royaume de Cœur. Un palais d’or, de pierres précieuses et de marbres que l’on apercevait de tous les coins des royaumes, tant il était vaste. Et tous ses sujets des trois royaumes lui devaient stricte loyauté et obéissance.
Pendant ce temps, dans le royaume de Trèfle où tout dormait, bêtes et gens, vivait un jeune garçon entouré d’une meute de quatre ou cinq renards des bois. C’étaient eux qui avaient recueilli ce bébé des hommes, geignant tout seul au bord d’un ruisseau, il y avait déjà longtemps. Pourquoi lui ne dormait-il pas ? N’était-il pas du pays ? Mais nul n’aurait su le dire puisque personne ne connaissait son existence si ce n’était ses animaux. Il vivait de peu, de pêche et de cueillette. Il grandissait dans la liberté et le respect de cette flore et cette faune qu’il voyait, sans comprendre pourquoi, endormie. Oh, bien sûr, parfois il y avait un mouvement chez un homme ou une bête, mais ce devait être si difficile de s’éveiller pour se retourner et se mettre sur un autre côté qu’on préférait se rendormir. Oui, il n’y avait pas beaucoup de bruit dans ce royaume-ci. Et le jeune garçon vivait surtout d’eau fraîche et d’air pur.
Cela faisait bien une quinzaine d’années que le roi de Pique régnait sur tous d’une main de fer. Or, il arriva un jour que la méchante sorcière Megatord du roi de Pique mourut. Une autre la remplaça aussitôt. Sortiren. Du moins, voulut la remplacer. En effet, elle se heurta à un phénomène si étrange qu’elle ne put accéder au grand grimoire de la sorcellerie. Ce livre s’était soudain déplacé dans les airs et, se présentant au-dessus du trône merveilleux du roi de Pique, il s’ouvrit de lui-même. Et alors tous et toutes, seigneurs ou peuple, purent lire la page qui se présentait. Et voici ce qu’ils lurent :
« Qui, de la cible,
La flèche retirera,
De tous, le roi infaillible
Alors sera.
Le prince oublié,
C’est lui l’héritier.
Des quatre royaumes
Il est le seul homme. »
Et soudain dans les flammes disparut le trône d’or et de pierres précieuses du roi Coleric. Et quand les flammes eurent tout dévoré, elles laissèrent la place à une vieille souche de chêne dans laquelle était fichée une grosse flèche. Du bois à la place de l’or.
Le roi Coleric, furieux, entra en une vive colère. Mais comme ce qui est écrit, est écrit, après réflexion, il accepta de se présenter et essaya. Il tira, tira, se contorsionna jusqu’à l’épuisement. En vain. Dans le tronc la flèche demeura.
Puis vint le tour du roi de Carreau, un peu tremblant toutefois. Mais ne pouvant se dérober, Faraud se prêta au jeu. Et derechef résista la flèche.
Cela prit du temps.
Tous les seigneurs de Pique, leur chance tentèrent. En vain. Et tous les seigneurs de Carreau. Sans plus de succès d’ailleurs ! Cela prit encore du temps, beaucoup de temps. Inutilement.
Pique, Carreau, Cœur, malgré l’opposition du roi, tous les bourgeois de chaque pays tentèrent le sort. Puis tous les manants jouèrent leur fortune. On tirait, on voulait casser. On s’exténuait. Mais la flèche se jouait de chacun. Et le temps passait, inutilement.
Et pendant que le temps passait, tout allait de plus en plus mal dans tous ces royaumes. Il y avait des disettes, des famines, des guerres, des épidémies. La Mort faisait des ravages en campagne comme en ville. On ne voulait plus de Coleric, mais qui pouvait le remplacer ?
Et puis un jour, un promeneur passa. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, ou un peu moins. On eut un peu peur, on ne l’avait jamais vu par ici et il était suivi de quatre cinq renards. Pourtant, jovialement, regardant curieusement la cible et la montrant, il s’adressa au premier badaud :
- « Eh, l’ami, qu’est-ce que ceci ?
- Tu es donc bien étranger au pays pour ignorer la légende !
- J’arrive de loin, tu sais...
- Eh bien, si tu arrives à sortir cette flèche de ce tronc, assurément tu es le prince oublié et le roi de Cœur ! »
Et le bonhomme s’esclaffa de ce qu’il pensait être une plaisanterie. Et tous les passants autour de lui firent de même. Ce serait vraiment bien drôle si l’étranger...
Mais justement, l’étranger s’approcha du tronc, de la flèche, examinant l’ensemble précautionneusement. Puis il saisit la flèche et sans effort la retira du tronc d’arbre.
Après un instant de stupéfaction silencieuse et respectueuse, une immense ovation retentit alors parmi la foule.
- « Le Roi ! C’est notre prince oublié ! Vive le Roi ! Vive le Roi ! »
Oui, le royaume de Cœur avait retrouvé son souverain légitime et c’est en grande pompe que, hissé sur le bouclier d’un garde présent, il fut porté en triomphe jusqu’au parvis de l’ancien grand palais en ruine.
- « Dorénavant, la vraie richesse ne viendra plus des mines d’or, mais de la sagesse du cœur ! » proclama alors le jeune Roi.
Le nouveau souverain, Blancoeur, gracia le roi de Pique Coleric et le roi de Carreau Faraud, ainsi que tous leurs acolytes. Le royaume de Trèfle avec son roi Nefle se réveilla soudainement de sa léthargie. Et le royaume de Cœur engloba toutes les terres du bout du monde qui retrouvèrent la paix.
Où se cache-t-il ? Il parait qu’en cherchant bien, on peut le découvrir.
Le royaume de Pique, dont le roi Coleric, violent et envieux, n’avait qu’un désir, celui de s’emparer de ce qu’il n’avait pas.
Le royaume de Carreau, dont le roi Faraud, vif et irréfléchi, aimait bien tirer des carreaux d’arbalète.
Le royaume de Trèfle, dont le roi, Nefle, faible et indolent, ne savait que crier que tout n’était que bonheur et perfection.
Le royaume de Cœur, dont le roi, Ardeur, calme et posé, possédait des mines d’or qu’il laissait à l’abandon, parce qu’il les jugeait inutiles.
Or, il arriva un jour que Coleric, roi de Pique voulut s’emparer de ces mines qui lui faisaient bien envie. Sa principale conseillère, Megatord, une sorcière réputée, endormit dans un sommeil profond le royaume de Trèfle et son roi Nefle. Et avec l’aide du roi de Carreau, Faraud, le roi de Pique se lança à l’assaut du royaume de Cœur.
Tous deux firent si bien que les armées de Cœur durent s’avouer vaincues, leur roi Ardeur ayant péri dans la bataille. Et le roi de Pique s’empara de son royaume.
Mais le roi de Cœur avait pour héritier un tout jeune garçon encore bébé qu’un serviteur dévoué réussit à cacher avant de mourir lui aussi sous les coups de l’ennemi. Et devant les vainqueurs qui avançaient en pillant et tuant toute résistance et que l’on craignait bien justement, le peuple oublia vite le jeune prince.
Les années passèrent. Il n’y avait plus qu’un royaume, celui de Pique, qui avait englobé en un seul toutes les Terres du bout du monde. Trèfle dormait, Carreau demeurait servile à l’égard du puissant. Personne ne se souvenait de ce bébé et jeune prince héritier de Cœur.
Trois peuples, donc, travaillaient dur aux mines d’or du royaume de Cœur. Le roi de Pique était insatiable, il voulait de l’or, de l’or, toujours plus d’or. Et les hommes peinaient et se tuaient à la tâche. Pour mieux surveiller son or, le roi de Pique se fit construire un fabuleux palais dans le royaume de Cœur. Un palais d’or, de pierres précieuses et de marbres que l’on apercevait de tous les coins des royaumes, tant il était vaste. Et tous ses sujets des trois royaumes lui devaient stricte loyauté et obéissance.
Pendant ce temps, dans le royaume de Trèfle où tout dormait, bêtes et gens, vivait un jeune garçon entouré d’une meute de quatre ou cinq renards des bois. C’étaient eux qui avaient recueilli ce bébé des hommes, geignant tout seul au bord d’un ruisseau, il y avait déjà longtemps. Pourquoi lui ne dormait-il pas ? N’était-il pas du pays ? Mais nul n’aurait su le dire puisque personne ne connaissait son existence si ce n’était ses animaux. Il vivait de peu, de pêche et de cueillette. Il grandissait dans la liberté et le respect de cette flore et cette faune qu’il voyait, sans comprendre pourquoi, endormie. Oh, bien sûr, parfois il y avait un mouvement chez un homme ou une bête, mais ce devait être si difficile de s’éveiller pour se retourner et se mettre sur un autre côté qu’on préférait se rendormir. Oui, il n’y avait pas beaucoup de bruit dans ce royaume-ci. Et le jeune garçon vivait surtout d’eau fraîche et d’air pur.
Cela faisait bien une quinzaine d’années que le roi de Pique régnait sur tous d’une main de fer. Or, il arriva un jour que la méchante sorcière Megatord du roi de Pique mourut. Une autre la remplaça aussitôt. Sortiren. Du moins, voulut la remplacer. En effet, elle se heurta à un phénomène si étrange qu’elle ne put accéder au grand grimoire de la sorcellerie. Ce livre s’était soudain déplacé dans les airs et, se présentant au-dessus du trône merveilleux du roi de Pique, il s’ouvrit de lui-même. Et alors tous et toutes, seigneurs ou peuple, purent lire la page qui se présentait. Et voici ce qu’ils lurent :
« Qui, de la cible,
La flèche retirera,
De tous, le roi infaillible
Alors sera.
Le prince oublié,
C’est lui l’héritier.
Des quatre royaumes
Il est le seul homme. »
Et soudain dans les flammes disparut le trône d’or et de pierres précieuses du roi Coleric. Et quand les flammes eurent tout dévoré, elles laissèrent la place à une vieille souche de chêne dans laquelle était fichée une grosse flèche. Du bois à la place de l’or.
Le roi Coleric, furieux, entra en une vive colère. Mais comme ce qui est écrit, est écrit, après réflexion, il accepta de se présenter et essaya. Il tira, tira, se contorsionna jusqu’à l’épuisement. En vain. Dans le tronc la flèche demeura.
Puis vint le tour du roi de Carreau, un peu tremblant toutefois. Mais ne pouvant se dérober, Faraud se prêta au jeu. Et derechef résista la flèche.
Cela prit du temps.
Tous les seigneurs de Pique, leur chance tentèrent. En vain. Et tous les seigneurs de Carreau. Sans plus de succès d’ailleurs ! Cela prit encore du temps, beaucoup de temps. Inutilement.
Pique, Carreau, Cœur, malgré l’opposition du roi, tous les bourgeois de chaque pays tentèrent le sort. Puis tous les manants jouèrent leur fortune. On tirait, on voulait casser. On s’exténuait. Mais la flèche se jouait de chacun. Et le temps passait, inutilement.
Et pendant que le temps passait, tout allait de plus en plus mal dans tous ces royaumes. Il y avait des disettes, des famines, des guerres, des épidémies. La Mort faisait des ravages en campagne comme en ville. On ne voulait plus de Coleric, mais qui pouvait le remplacer ?
Et puis un jour, un promeneur passa. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années, ou un peu moins. On eut un peu peur, on ne l’avait jamais vu par ici et il était suivi de quatre cinq renards. Pourtant, jovialement, regardant curieusement la cible et la montrant, il s’adressa au premier badaud :
- « Eh, l’ami, qu’est-ce que ceci ?
- Tu es donc bien étranger au pays pour ignorer la légende !
- J’arrive de loin, tu sais...
- Eh bien, si tu arrives à sortir cette flèche de ce tronc, assurément tu es le prince oublié et le roi de Cœur ! »
Et le bonhomme s’esclaffa de ce qu’il pensait être une plaisanterie. Et tous les passants autour de lui firent de même. Ce serait vraiment bien drôle si l’étranger...
Mais justement, l’étranger s’approcha du tronc, de la flèche, examinant l’ensemble précautionneusement. Puis il saisit la flèche et sans effort la retira du tronc d’arbre.
Après un instant de stupéfaction silencieuse et respectueuse, une immense ovation retentit alors parmi la foule.
- « Le Roi ! C’est notre prince oublié ! Vive le Roi ! Vive le Roi ! »
Oui, le royaume de Cœur avait retrouvé son souverain légitime et c’est en grande pompe que, hissé sur le bouclier d’un garde présent, il fut porté en triomphe jusqu’au parvis de l’ancien grand palais en ruine.
- « Dorénavant, la vraie richesse ne viendra plus des mines d’or, mais de la sagesse du cœur ! » proclama alors le jeune Roi.
Le nouveau souverain, Blancoeur, gracia le roi de Pique Coleric et le roi de Carreau Faraud, ainsi que tous leurs acolytes. Le royaume de Trèfle avec son roi Nefle se réveilla soudainement de sa léthargie. Et le royaume de Cœur engloba toutes les terres du bout du monde qui retrouvèrent la paix.
Où se cache-t-il ? Il parait qu’en cherchant bien, on peut le découvrir.
Votre récit est très original et très plaisant
2 - l'essentiel est d'être lu.
Alors, merci !
Belle histoire qui vous vaut toutes mes voix, Atoutva !
Grand merci et pour la lecture et pour le commentaire... et pour le vote !
Je ne manquerai pas d'aller vous lire.