Assise dans la balancelle sous l’avancée du toit, je devine le ressac de la marée qui bascule. C’est l’heure de la renverse. Le vent retient quelques instants son souffle, puis il se glisse... [+]
Le roi des ptérodactyles
il y a
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Le fils d'une amie m'a adressé hier un dessin. (je ne sais malheureusement pas comment le mettre en ligne sur short) Je le lui ai illustré par ce conte rapidement écrit et que je lui ai envoyé en retour... Les plaisirs du confinement!
C’était une montagne énorme, comme il n’en avait jamais vue. Ptéro se demanda si d’autres êtres vivants étaient un jour allés jusqu’à elle. Il en était d’ailleurs encore bien loin. Il en apercevait l’énorme masse grise, comme un îlot de pierre posé à l’horizon sur l’océan de la canopée. Mais cela n’empêchait pas qu’elle soit encore à des heures d’approche. En réalité, c’était pour sûr une montagne géante.
Ptéro avait faim. Il sentait venir la nuit. Il était monté trop haut, il était allé trop loin. Il s’était laissé griser par l’immensité et la lumière du ciel qu’il ne connaissait pas encore. C’était un jeune ptérodactyle, impatient et dissipé comme beaucoup d’autres jeunes ptérodactyles. Mais pour le reste, il ne leur ressemblait en rien. Il se savait bien mieux qu’eux et il était ambitieux.
Lorsqu’il était sorti de son œuf, tout le monde avait commencé par rire dans la forêt, les stegosaures, les tyrannosaures, les dimétrodons, et tous les autres ptérodactyles bien entendu. Même sa maman n’avait pas pu se retenir. C’est que normalement, un ptérodactyle sorti de l’oeuf tout neuf se dresse immédiatement et réclame à manger en battant des mâchoires. Et cela ressemble à une grosse castagnette verdâtre aux bouts pointus. Et cela fait le bruit d’une grosse castagnette verdâtre aux bouts pointus. C’est ainsi qu’avaient fait tous ses frères et sœurs.
Mais Ptéro, à peine débarrassé de tous les débris de sa coquille, avait quant à lui déployé d’abord les deux grandes membranes sur lesquelles un ptérodactyle peut planer quelque temps. Et cela avait été une chose bien curieuse. Les deux membranes étaient bleues et, en s’ouvrant, elles avaient découvert un corps orangé. Tout aussi curieusement, au lieu de battre des mâchoires comme une grosse castagnette orange et bleue aux bouts pointus, Ptéro avait battu des membranes et cela avait fait flap, flap, flap.
On avait donc ri tout autour de lui et il s’était enhardi, battant des membranes de plus en plus fort, de plus en plus vite... Jusqu’à décoller à trois mètres au moins du sol.
Il y avait alors eu un grand silence. Même le vent avait cessé de faire craquer les branches. Même les autres ptérodactyles tout neufs sortis de l’œuf avaient fait taire leurs castagnettes. Puis tout le monde avait applaudi avec de grands flap, flap, flap. Et Ptéro avait encore une fois fait flap, flap, flap lui aussi, et il était monté plus haut de quelques mètres encore.
Les ptérodactyles sont tous tellement semblables que leur vie est finalement bien ennuyeuse. Dormir, courir de plus en plus vite pour décoller, planer avant de fondre sur une proie, mais surtout garder les yeux bien ouverts pour ne pas s’écraser sur le tronc d’un arbre et... se retrouver assommé et endormi sans avoir eu le loisir de manger.
Avoir parmi eux quelqu’un de si différent, un parent aussi coloré, leur avait donc été une distraction bien agréable. Ils s’en étaient émerveillés et ils s’en émerveillaient encore.
Du coup, ils s’étaient occupé de subvenir aux besoins de Ptéro qu’ils avaient dispensé de chasser pour le groupe, d’explorer les environs pour trouver à étancher leur soif, ou de préparer ces lits de branches et de bambous humides dans lesquels ils passent des nuits si confortables .
Il avait donc eu tout le loisir de rêver, et de s’entraîner à voler de plus en plus haut.
Et plus il volait haut, plus il devenait fier. Fier de voler quand les autres ne savaient que planer tellement lourdement qu’ils retombaient bien vite , fier de ses écailles orangées et bleues qui s’étaient allongées et affinées comme des plumes, quand les autres s’empâtaient et teintaient de boue brunâtre leurs grosses écailles verdâtres, fier d’être servi par le clan et de n’avoir pas d’autre tâche que rêver et exposer l’éclat de ses couleurs, fier de...
Il s’en était senti destiné à devenir le roi des Ptérodactyles qui, précisons-le, n’en avaient jamais eu et n’en ressentaient nullement le besoin.
Ptéro avait alors décidé de conquérir son trône et, pour cela, de s’envoler jusque tout en haut, jusqu’au bout des arbres, jusqu’à la canopée, pour montrer à tout le peuple qu’il était le plus haut pour toujours et que celui qui pouvait gagner le haut du monde méritait d’être roi .
Ce jour-là, il avait invité tout le banc et l’arrière-banc des ptérodactyles à venir contempler le spectacle de son envol. Puis il avait décollé et il avait volé, volé, volé... jusqu’à l’épuisement.
Et il avait découvert le ciel, cette immensité transparente et lumineuse au-dessus de la canopée . Et il avait découvert au loin cette montagne énorme et grise et qui s’était mise à cracher des éclats de feu. Puis Il avait regardé en dessous de lui l’océan de feuillage sans parvenir à y retrouver l’endroit d’où il était sorti. Et il avait eu peur soudain. Et puis il avait eu faim, puis peur, puis faim à nouveau puis les deux à la fois.
Il n’avait jamais pris le temps ni d’apprendre à chasser, ni à trouver l’eau pour étancher sa soif, ni à préparer un lit de branches et de bambous humides où il puisse se réfugier.
Et voilà qu'il était tout seul à présent. Le feu de la montagne illuminait la nuit au loin.
Ptéro s’est prudemment posé sur la canopée, plus précisément sur le faîte d’un énorme sequoia. Et là, il s’est mis à sangloter qu’il avait faim et que son estomac se tordait, qu’il avait soif et que sa langue se desséchait, qu’il avait sommeil mais qu’il n’avait pas d’endroit où dormir, qu’il ne voulait plus être le roi, et que d’abord on n’avait pas besoin de roi... Qu’on avait juste besoin de ne pas être tout seul et de participer avec tout le clan aux tâches quotidiennes, chacun avec ses moyens... et que tout le clan pouvait ainsi vivre heureux.
C’était une montagne énorme, comme il n’en avait jamais vue. Ptéro se demanda si d’autres êtres vivants étaient un jour allés jusqu’à elle. Il en était d’ailleurs encore bien loin. Il en apercevait l’énorme masse grise, comme un îlot de pierre posé à l’horizon sur l’océan de la canopée. Mais cela n’empêchait pas qu’elle soit encore à des heures d’approche. En réalité, c’était pour sûr une montagne géante.
Ptéro avait faim. Il sentait venir la nuit. Il était monté trop haut, il était allé trop loin. Il s’était laissé griser par l’immensité et la lumière du ciel qu’il ne connaissait pas encore. C’était un jeune ptérodactyle, impatient et dissipé comme beaucoup d’autres jeunes ptérodactyles. Mais pour le reste, il ne leur ressemblait en rien. Il se savait bien mieux qu’eux et il était ambitieux.
Lorsqu’il était sorti de son œuf, tout le monde avait commencé par rire dans la forêt, les stegosaures, les tyrannosaures, les dimétrodons, et tous les autres ptérodactyles bien entendu. Même sa maman n’avait pas pu se retenir. C’est que normalement, un ptérodactyle sorti de l’oeuf tout neuf se dresse immédiatement et réclame à manger en battant des mâchoires. Et cela ressemble à une grosse castagnette verdâtre aux bouts pointus. Et cela fait le bruit d’une grosse castagnette verdâtre aux bouts pointus. C’est ainsi qu’avaient fait tous ses frères et sœurs.
Mais Ptéro, à peine débarrassé de tous les débris de sa coquille, avait quant à lui déployé d’abord les deux grandes membranes sur lesquelles un ptérodactyle peut planer quelque temps. Et cela avait été une chose bien curieuse. Les deux membranes étaient bleues et, en s’ouvrant, elles avaient découvert un corps orangé. Tout aussi curieusement, au lieu de battre des mâchoires comme une grosse castagnette orange et bleue aux bouts pointus, Ptéro avait battu des membranes et cela avait fait flap, flap, flap.
On avait donc ri tout autour de lui et il s’était enhardi, battant des membranes de plus en plus fort, de plus en plus vite... Jusqu’à décoller à trois mètres au moins du sol.
Il y avait alors eu un grand silence. Même le vent avait cessé de faire craquer les branches. Même les autres ptérodactyles tout neufs sortis de l’œuf avaient fait taire leurs castagnettes. Puis tout le monde avait applaudi avec de grands flap, flap, flap. Et Ptéro avait encore une fois fait flap, flap, flap lui aussi, et il était monté plus haut de quelques mètres encore.
Les ptérodactyles sont tous tellement semblables que leur vie est finalement bien ennuyeuse. Dormir, courir de plus en plus vite pour décoller, planer avant de fondre sur une proie, mais surtout garder les yeux bien ouverts pour ne pas s’écraser sur le tronc d’un arbre et... se retrouver assommé et endormi sans avoir eu le loisir de manger.
Avoir parmi eux quelqu’un de si différent, un parent aussi coloré, leur avait donc été une distraction bien agréable. Ils s’en étaient émerveillés et ils s’en émerveillaient encore.
Du coup, ils s’étaient occupé de subvenir aux besoins de Ptéro qu’ils avaient dispensé de chasser pour le groupe, d’explorer les environs pour trouver à étancher leur soif, ou de préparer ces lits de branches et de bambous humides dans lesquels ils passent des nuits si confortables .
Il avait donc eu tout le loisir de rêver, et de s’entraîner à voler de plus en plus haut.
Et plus il volait haut, plus il devenait fier. Fier de voler quand les autres ne savaient que planer tellement lourdement qu’ils retombaient bien vite , fier de ses écailles orangées et bleues qui s’étaient allongées et affinées comme des plumes, quand les autres s’empâtaient et teintaient de boue brunâtre leurs grosses écailles verdâtres, fier d’être servi par le clan et de n’avoir pas d’autre tâche que rêver et exposer l’éclat de ses couleurs, fier de...
Il s’en était senti destiné à devenir le roi des Ptérodactyles qui, précisons-le, n’en avaient jamais eu et n’en ressentaient nullement le besoin.
Ptéro avait alors décidé de conquérir son trône et, pour cela, de s’envoler jusque tout en haut, jusqu’au bout des arbres, jusqu’à la canopée, pour montrer à tout le peuple qu’il était le plus haut pour toujours et que celui qui pouvait gagner le haut du monde méritait d’être roi .
Ce jour-là, il avait invité tout le banc et l’arrière-banc des ptérodactyles à venir contempler le spectacle de son envol. Puis il avait décollé et il avait volé, volé, volé... jusqu’à l’épuisement.
Et il avait découvert le ciel, cette immensité transparente et lumineuse au-dessus de la canopée . Et il avait découvert au loin cette montagne énorme et grise et qui s’était mise à cracher des éclats de feu. Puis Il avait regardé en dessous de lui l’océan de feuillage sans parvenir à y retrouver l’endroit d’où il était sorti. Et il avait eu peur soudain. Et puis il avait eu faim, puis peur, puis faim à nouveau puis les deux à la fois.
Il n’avait jamais pris le temps ni d’apprendre à chasser, ni à trouver l’eau pour étancher sa soif, ni à préparer un lit de branches et de bambous humides où il puisse se réfugier.
Et voilà qu'il était tout seul à présent. Le feu de la montagne illuminait la nuit au loin.
Ptéro s’est prudemment posé sur la canopée, plus précisément sur le faîte d’un énorme sequoia. Et là, il s’est mis à sangloter qu’il avait faim et que son estomac se tordait, qu’il avait soif et que sa langue se desséchait, qu’il avait sommeil mais qu’il n’avait pas d’endroit où dormir, qu’il ne voulait plus être le roi, et que d’abord on n’avait pas besoin de roi... Qu’on avait juste besoin de ne pas être tout seul et de participer avec tout le clan aux tâches quotidiennes, chacun avec ses moyens... et que tout le clan pouvait ainsi vivre heureux.
En même temps ça me fait penser à nos sociétés où on ne se spécialise plus, bien souvent, que dans une seule tâche. Seuls, nous ne saurions plus survivre.