Le retour d'Ori

« - Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Peux-tu t’endormir à nouveau ? »

[...]

L’été est doux. Alors que le jour décline, le vent se lève. Léah monte la colline avec sa chienne, un border collie qu’elle a nommé Eïko. La nuit tombe, l’obscurité surgit avec les étoiles. Léah n’a pu prendre que peu de choses avec elle : un duvet et un petit oreiller, juste le nécessaire pour dormir à la belle étoile. La douceur de sa chienne et le lieu paisible où elle se trouve suffisent à peine pour apaiser la douleur de la jeune fille. Cette colline est son endroit secret, c’est là qu’elle vient quand elle se sent perdue et désemparée. De là elle peut contempler les lumières de la ville à peine visibles, entendre le bruit lointain. Elle se sent soulagée d’être écartée de cette constante agitation. Cela fait très longtemps qu’elle n’est pas venue. Mais là, elle n’a pas d’autres endroits où se réfugier. Le chagrin est trop douloureux, comme les souvenirs qui lui reviennent en tête.
Cela fait des nuits qu’elle ne dort plus. Les larmes coulent sur son visage bleuté, une goutte de sang s’écoule encore de ses lèvres. Un reste de cachets est glissé au creux de sa main. Elle ne peut dire à personne que c’est son amour qui lui a fait ça. C’est son amour qu’elle fuit au haut de cette colline, qu’elle fuit de toutes ses forces.
Dehors, il fait si noir qu’on ne fait pas la différence entre le moment où on a les yeux ouvert et où on les a clos. Elle est seule dans cette pénombre. Son cœur est aussi sombre que l’extérieur. La chienne dort encore à poings fermés, rien ne semble la déranger. La forêt est paisible. Seul le bruit du vent dans les feuilles d’arbres est perceptible.
Avec ce calme ambiant, Léah parvient à s’endormir, malgré la douleur.

[...]

« - Leah ? Peux-tu m’entendre maintenant ? demande la voix de manière bienveillante.
- Euh oui ? dit la jeune fille d’une voix hésitante. Léah ne voit pas grand-chose autour d’elle.
- Léah, je m’appelle Ori. Nous sommes dans tes songes, c’est le seul endroit où nous pouvons communiquer toi et moi. Mais je ne viens que très rarement, seulement quand la lumière de mon être est trop faible. Je suis presque complètement éteinte.
Cette voix lui est effectivement familière. Léah demande alors :
- Qui es-tu Ori ?
- Je suis ta lueur d’espoir Léah. Si je suis venue cette nuit c’est pour éclairer cette noirceur qui t’entoure. Cela nous tue toutes les deux.
- Oh. Ori, oui, je me souviens de toi...
Lorsque Léah prononce cette phrase, Ori lui apparaît alors sous la forme d’un petit être longiligne, de lumière blanche, avec de petits yeux noirs. Mais sa lumière reste faible et incertaine.
- Oh je suis rassurée ! Tu peux encore me faire apparaître, tout n’est pas perdu. Dit Ori, soulagée. Ecoute moi, tu es une femme extraordinaire. Dissiper toute cette obscurité de ton âme n’est pas insurmontable. Tu es une jeune femme forte et déterminée. Honte à la personne qui te maltraite et qui te rabaisse. Ne laisse pas les ténèbres t’emporter. Ne t’étouffe pas dans ce silence. Je suis en toi Léah, dans tes songes, dans ton âme et surtout dans ton cœur. Assura Ori d’une voix douce.
Tu ne peux me parler que dans tes songes alors à ton réveil tu auras oublié mon existence mais ce n’est pas pour autant que j’aurais disparu.
Léah lui sourit et d’un seul coup la lumière d’Ori devient éblouissante. Ori ne devient plus que lumière.
- La prochaine fois que tu es perdue dans l’obscurité rappelle-toi de quel côté sourire. »

La voix disparaît dans le bruit de quelques gouttes de pluie qui mouillent son visage encore endolori.

Eïko lui lèche doucement le visage et Léah s’échappe de son rêve, une fois les yeux ouvert la paisibilité a réellement prit place au fond de son cœur.

Le soleil s’affirme, les cachets dans sa main se sont dissous dans la rosée du matin, l’obscurité s’est dissipée.