Le Phénix

MOHAMED SOUMAH, enseignant, écrivain-poète, auteur et journaliste indépendant.

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Toutes les histoires ont une faille et la mienne en est une.
Il y a de cela, de très longues années, je n'avais que peu de raison pour compter le temps, lorsque ma dulcinée mère Mariama me quittait pour sa dernière demeure. Qu’Allah l'accueil dans son paradis éternel. Amène !
Une époque où je n'avais que l’âge de la turbulence, le souci m'importait peu et d'ailleurs le jour même de sa sépulture j’étais ce petit enfant ignorant qui déambulait parmi la foulée croyant être le plus sollicité parce que de tous mes passages les gens ne cessaient de me porter ce regard foudroyant rempli de tristesse et de pitié. Oh j’étais si innocent que j'avais fini par trouver un isoloir où me cacher pour m'occuper d'un jeu de sauterelle. Parfois, l’enfance nous fait faire des actes de folies ! Pitoyables, pauvres gens ! Même la mort à cet âge, on l'ignore. Là, devaient donc s'arrêter mes études. Obligé de subir les coups durs de la vie, je devins donc un petit gênant dans les bas quartiers qui devait accessoirement accepter les desseins la vie comme l’a voulu le destin. L'horrible dans tout ceci était que je voyais mes amis partir à l’école pendant que moi je ne faisais que les va-et-vient cherchant un groupe d'enfants de mon âge pour jouer avec eux. C’était de l'inconscience enfantine ! Et quelques mois passèrent, doué de la consistance de la vie et je sus dès lors qu’il n'a jamais été d’une simplicité pour que la réussite frappe à notre porte alors je m'empressais de prendre le contrôle sur mon destin finesse et jusque-là qui n’était qu’un simple jeu. À coup sûr j'avais pris l'initiative de me rendre à Fria, terre mes ancêtres, berceau de mon existence et le royaume de mon ascendance. Ce nouveau chemin n’était pas un choix judicieux plutôt une obligation pernicieuse et l'exigence d’un monde cruel antipathique rempli d’êtres insouciants. Je n'avais le choix que de choisir !
Il était temps pour moi de rebondir sur l'avenir et ne s'attendre qu’à l'approche de toutes les difficultés du monde. Un chemin parsemé d’embûches et d'obstacles infinis. D'ailleurs je devais l'accepter parce que c’était la seule possibilité pour me faire une place dans le monde des humains. Il ne restait qu’une semaine avant que mon voyage ne s'annonce quand mon grand frère Salifou, aujourd’hui migrant introuvable sur les autres rives de l’Occident, s'engageait à cause de ma volonté et ma lucidité dans le travail mais aussi pour mieux impacter notre consanguinité ; de prendre mes études en charge et subvenir à mes besoins fondamentaux, il le fit par le maximum d'efficacité de son revenu. C’était un Ouff de soulagement ! Il le fallait ainsi, sinon comment pourrais-je m'y habituer à cette nouvelle tendance qui ne m'était jamais arrivé ? Et presque j'avais fini par écouler tout une année sans rien faire. Comme si je devais accepter les nouvelles formules de la vie puisque le mieux n’était point une véritable opportunité alors il me fallait être dur pour encaisser tout ce qu’on appelle de ce monde « problème ».
Je commençai d'abord par être un transporteur de bagages pendant un mois en me faisant des reliquats dans mes revenus avant d'acheter quelques marchandises que je ventilais dans mes mains. Chaque journée écoulée je rentrais au moins avec une petite somme de quoi m'acheter à manger et le reste fut toujours trimballer dans une caisse où le contrôle devenait toujours coutumier. Cette caisse était pour moi tout un espoir de forger l'avenir sur les rives de la désolation et de l’abandon. Oui elle me servait d’épargne. Et au bout d’un mois j'avais pu amasser une forte somme d’argent qui était destinée à m’acheter les fournitures scolaires et quelques habits à porter pendant l'année scolaire. L’endroit où cette activité devenait toujours facile à pratiquer c'était le marché Madina qui demeurait indélébile à l'esprit. Les vendeurs ambulants de ce grand marché en savent de mieux, la saison pluvieuse en son sein est un véritable calvaire. Des bouées, des eaux stagnantes encombrées dans les fosses communes, des déchets polluants organiques et chimiques. J'en passe ! Et les nécessiteux ne pourront jamais se lâcher pour un besoin pressant de la vie. Je ne devais aucunement laisser une place à la faiblesse sinon le risque de devenir un raté de la vie ne pouvait être épargné. Alors il me fallait à coup sûr que je parvienne à surmonter les obstacles qui pouvaient m'attendre au-delà de ce monde si obscur. Comme disait ce célèbre proverbe Soussou : « si tu as la chance d’avoir quelqu’un qui t'aide à laver ton dos alors profite de la même occasion pour laver ton ventre »
Dans l'esprit il m'arrivait cette phrase de mon grand-père lorsque je partais lui rendre visite au village, il n'arrêtait de siroter ceci : « Dieu est si généreux et patient cependant il déteste ceux qui sont si outrancier et usurpateurs dans cette vie alors garde la foi en lui car derrière chaque difficulté il y a une victoire assurée... ». C’était d'ailleurs mon arme la plus redoutable pour combattre et affronter le monde. J’étais ce jeune homme expressif de désir et de convoitise. J’étais aussi si pressé de me revoir dans une classe entrain de paysager les quatre coins du mur, entrain de fouiner dans les livres et embêter mes instituteurs par des questions interminables. Oh cette euphorie me manquait tellement que je ne rêvais de revoir ce jour !
L'année scolaire était donc là et je mettais mille efforts en mes dépends pour rattraper le retard. Par le courage et la persévérance je finis par faire naître en moi une personnalité percutante.
La victoire s'annonce !
Je finis enfin de valider mon cycle primaire et l'enjeu de me retrouver dans une autre catégorie d’études avec un autre grade, cela ne me laissait sans doute à fêter la première victoire même si je savais bien avant que le chemin reste encore très long. En fin j'étais devenu ce petit collégien qui autrefois semblait perdre l’équilibre de la vie et de l'espoir. Et durant ces quatre années d’études au secondaire du premier degré je ne pus m'empêcher de subir encore les horreurs de la vie et d'ailleurs j'avais fini par m'y habituer. Ce moment un peu émaillé de gloire et de souffrance m'avait trouvé à une étape d'impasse d’affronter les humiliations. D'un revers de balle la roue continuait de rouler avec les mêmes allures. Oh je n’étais qu’un simple ignorant pour comprendre les profondeurs d'un cœur rempli d'absurdités.
S'envoler dans la guerre des grands hommes, il y a du risque à prendre, des batailles à assommer et du courage à persévérer. Voilà mon arme et jusqu’à ce point je voyage vers ce monde. Il y a de longues années que j'ai pu affronter vents et marées, je fus pris parfois entre marteau et l’enclume. Cette phase est virale chez tous les grands hommes qui ont réussi leurs vies. D'ailleurs le pourquoi n'avait plus de place, je me demandais le comment des choses et le « comment s'en sortir » ? Du lycée à l’Université j’étais devenu presque mature. Une longue bataille, une longue haleine et un dur labeur. Mais j'avais fini par me conformer, j'avais fini par devenir un dur à cuire pour ne point dire un labyrinthe où glissaient tous les maux : insulte, mépris, haine, coup de poing, querelles et exclusion furent tant entendus et subi que j'avais fini par tout croire que je pourrais y arriver et devenir quelqu’un de qui l'humanité prendra de référence.
Aujourd’hui je mine sur plusieurs terrains : dans l’enseignement je galope comme un demi-dieu, je ne voudrais pas être un prétentieux mais permettez-moi de le redire ; dans le métier d’écrivain je m'apprends et je me forge un lendemain littéraire ; dans le journalisme j'erre encore et je languis sur un tas de sujets ; dans la lutte des droits humains j’ai un parcours insolite.
Aujourd’hui le monde me sourit et me donne espoir. Il me promet un avenir radieux, ce n’est pas le moment des moments qui me privera d'aller jusqu’au bout.
Je suis déjà un espoir permis !