Inspiré d'une histoire vraie
Elle regardait par la fenêtre de sa cuisine le soleil levant qui colorait le ciel de son éclat rosé. Les champs s'étendaient à perte de vue, et le blé ondulait sous la brise matinale. On devinait, à l'air salé, que la mer n'était pas loin. A regret, Hélène s'arracha à la contemplation de l'aube pour reprendre la tache qu'elle avait commencé.
Aujourd'hui, la jeune femme avait la tête ailleurs. Elle ne disait mot, tourmentée par d'amères pensées. Henry lui manquait. Son fiancé était parti en voyage d'affaires, il y avait maintenant quatre jours. Mais elle ne l'en blâmait pas, loin de là ! Elle l'encourageait, même, car Hélène savait qu'il le faisait pour eux. Leurs familles n'étaient pas très riche, et c'était d'abord pour cela que son père s'était opposé à leur mariage. Finalement, grâce à la promotion de Henry, il avait fini par accepter. Son départ lui avait déchiré le cœur. Elle avait attendu une heure le départ du paquebot, le ventre noué, gorgé de chagrin à l'idée qu'elle ne le reverrait pas pendant plusieurs semaines. Elle était si petite face à cet énorme monstre des mers, que Hélène se sentait impuissante. Elle savait qu'elle n'aurait pu empêcher ce navire de lui enlever son bien-aimé.
La jeune femme se tenait devant la bibliothèque car elle avait décidé de faire une pause. Elle parcourait de ses yeux clairs les titres des romans. Elle avait eu la chance inouïe d'avoir appris à lire et à écrire, et elle essayait d'en profiter au maximum. Son regard s'arrêta sur une tranche usée et jaunie, cachée dans un coin,. Hélène s'en saisit. Sa couverture était cornée et craquelée, et le titre était presque effacé par le temps. L'auteur, Morgan Robertson, lui disait vaguement quelque chose, mais il n'était certainement pas très connu. Elle s'assit et se plongea dans la lecture. Le roman racontait le voyage d'un grand paquebot.
L'horloge sonna dix heures, mais Hélène, plongée dans son roman, ne l'entendit même pas. Elle dévorait les pages craquelées et avalait goulûment les mots qu'elles contenaient. Mais quand onze heures sonnèrent, elle se leva d'un bond en jurant ! Elle avait complètement oublié les invités ! La jeune maîtresse de maison s'empressa de mettre le couvert, préparer le ragoût, et se hâta de faire les derniers préparatifs. A midi pile, elle avait finit et attendait, essoufflée, les premiers convives. Ce fut d'abord son père qui arriva. Un homme bourru et peu amène, mais qui aimait tendrement sa fille, à défaut de sa femme. Cette dernière était morte. Puis les invités arrivèrent. Une ambiance amicale et joyeuse s'installa dans la maison. Seule Hélène, enfermée dans sa mélancolie, ne partagea pas cette joie. Elle avait la gorge nouée, mais elle n'aurait su dire pourquoi.
Le repas passa lentement. En tout cas, c'est ce qu'il sembla à Hélène qui n'avait qu'une hâte : retrouver son livre. Quand les invités, et son père furent partis, Hélène regarda le livre trônant sur l'étagère. Elle le saisit et regarda sa date de parution : 1898. Il avait donc été publié il y a 14 ans... Intriguée, Hélène voulut reprendre sa lecture. Mais à peine avait-elle repris la page qu'elle s'arrêta, presque inquiète. Une vague angoisse l'avait prise aux tripes. Elle posa le livre et entreprit de faire autre chose. Elle ne comprenait pas pourquoi ce récit lui faisait cet effet. Pendant que la jeune femme faisait la vaisselle, elle jetait des coups d'œil furtifs au livre, comme si elle s'attendait à le voir bouger. Puis elle secoua la tête en s'invectivant. Tout ceci était ridicule.
Hélène passa l'après-midi à faire du ménage. Dès qu'elle avait fini une tache, elle en commençait une autre. Comme si s'occuper l'esprit à faire des taches ménagères lui ferait oublier le vieux livre trônant sur la table, et l'anxiété qu'il réveillait en elle.
17 heures. Hélène ne put résister et prit le livre pour le cacher dans sa chambre. Son père n'allait pas tarder à arriver et elle se mit à préparer le dîner.
La soirée passa et son père, qui n'était pas d'un naturel bavard, mangeait sa soupe en silence. Pour Hélène, ce fut un véritable calvaire. Le livre la hantait. Elle aurait voulu crier, briser ce silence qui l'oppressait, en parler à son père. Mais elle n'y arrivait pas. Comme si quelque chose l'en empêchait... Le livre, peut-être ?
A 22 heures, Hélène ne dormait pas. Les yeux grands ouverts, la gorge toujours nouée, elle voyait, grâce à la lumière de la lune filtrant à travers les volets, le roman. Pourquoi la mettait-il dans cette état ? Pourquoi provoquait-il cette angoisse, cette terreur en elle ? Pourtant, cette histoire n'avait rien d'angoissant. En plus, elle n'était pas très avancée dans le récit. Elle suivait l'histoire du marin John Rowland, qui s'était embarqué sur un grand navire, le plus grand de l'époque, et il voguait sur la mer. Elle faisait un blocage. Comme si elle avait peur de la suite. C'était ridicule, elle le savait. Mais elle n'y arrivait pas.
Finalement, n'y tenant plus, elle alluma une bougie, prit le livre et déterminée, se força à le continuer.
Les minutes s'égrenèrent en silence, la bougie tremblota... L'horloge sonna 23 heures. Rien ne semblait bouger dans la pièce, comme si la vie retenait son souffle. Soudain, Hélène cria ! Dans son roman, le paquebot, le « Titan » faisait naufrage. Tremblante, elle lut à toute vitesse. Un iceberg avait percuté sa coque... Des centaines de personnes mourraient ! La jeune femme, fiévreuse, lâcha le livre tandis que des larmes amères coulaient sur ses joues. L'angoisse lui tordit le ventre. Elle savait. Elle savait pourquoi elle ne voulait pas le lire. Le « Titan » lui faisait trop penser au « Titanic », ce paquebot invincible que son fiancé avait pris, quatre jours avant.
Trois jours après, le 17 Avril 1912, les journaux affichèrent en gros titre le naufrage du « Titanic » qui a sombré le 14 avril, géant des mers insubmersible..
Elle regardait par la fenêtre de sa cuisine le soleil levant qui colorait le ciel de son éclat rosé. Les champs s'étendaient à perte de vue, et le blé ondulait sous la brise matinale. On devinait, à l'air salé, que la mer n'était pas loin. A regret, Hélène s'arracha à la contemplation de l'aube pour reprendre la tache qu'elle avait commencé.
Aujourd'hui, la jeune femme avait la tête ailleurs. Elle ne disait mot, tourmentée par d'amères pensées. Henry lui manquait. Son fiancé était parti en voyage d'affaires, il y avait maintenant quatre jours. Mais elle ne l'en blâmait pas, loin de là ! Elle l'encourageait, même, car Hélène savait qu'il le faisait pour eux. Leurs familles n'étaient pas très riche, et c'était d'abord pour cela que son père s'était opposé à leur mariage. Finalement, grâce à la promotion de Henry, il avait fini par accepter. Son départ lui avait déchiré le cœur. Elle avait attendu une heure le départ du paquebot, le ventre noué, gorgé de chagrin à l'idée qu'elle ne le reverrait pas pendant plusieurs semaines. Elle était si petite face à cet énorme monstre des mers, que Hélène se sentait impuissante. Elle savait qu'elle n'aurait pu empêcher ce navire de lui enlever son bien-aimé.
La jeune femme se tenait devant la bibliothèque car elle avait décidé de faire une pause. Elle parcourait de ses yeux clairs les titres des romans. Elle avait eu la chance inouïe d'avoir appris à lire et à écrire, et elle essayait d'en profiter au maximum. Son regard s'arrêta sur une tranche usée et jaunie, cachée dans un coin,. Hélène s'en saisit. Sa couverture était cornée et craquelée, et le titre était presque effacé par le temps. L'auteur, Morgan Robertson, lui disait vaguement quelque chose, mais il n'était certainement pas très connu. Elle s'assit et se plongea dans la lecture. Le roman racontait le voyage d'un grand paquebot.
L'horloge sonna dix heures, mais Hélène, plongée dans son roman, ne l'entendit même pas. Elle dévorait les pages craquelées et avalait goulûment les mots qu'elles contenaient. Mais quand onze heures sonnèrent, elle se leva d'un bond en jurant ! Elle avait complètement oublié les invités ! La jeune maîtresse de maison s'empressa de mettre le couvert, préparer le ragoût, et se hâta de faire les derniers préparatifs. A midi pile, elle avait finit et attendait, essoufflée, les premiers convives. Ce fut d'abord son père qui arriva. Un homme bourru et peu amène, mais qui aimait tendrement sa fille, à défaut de sa femme. Cette dernière était morte. Puis les invités arrivèrent. Une ambiance amicale et joyeuse s'installa dans la maison. Seule Hélène, enfermée dans sa mélancolie, ne partagea pas cette joie. Elle avait la gorge nouée, mais elle n'aurait su dire pourquoi.
Le repas passa lentement. En tout cas, c'est ce qu'il sembla à Hélène qui n'avait qu'une hâte : retrouver son livre. Quand les invités, et son père furent partis, Hélène regarda le livre trônant sur l'étagère. Elle le saisit et regarda sa date de parution : 1898. Il avait donc été publié il y a 14 ans... Intriguée, Hélène voulut reprendre sa lecture. Mais à peine avait-elle repris la page qu'elle s'arrêta, presque inquiète. Une vague angoisse l'avait prise aux tripes. Elle posa le livre et entreprit de faire autre chose. Elle ne comprenait pas pourquoi ce récit lui faisait cet effet. Pendant que la jeune femme faisait la vaisselle, elle jetait des coups d'œil furtifs au livre, comme si elle s'attendait à le voir bouger. Puis elle secoua la tête en s'invectivant. Tout ceci était ridicule.
Hélène passa l'après-midi à faire du ménage. Dès qu'elle avait fini une tache, elle en commençait une autre. Comme si s'occuper l'esprit à faire des taches ménagères lui ferait oublier le vieux livre trônant sur la table, et l'anxiété qu'il réveillait en elle.
17 heures. Hélène ne put résister et prit le livre pour le cacher dans sa chambre. Son père n'allait pas tarder à arriver et elle se mit à préparer le dîner.
La soirée passa et son père, qui n'était pas d'un naturel bavard, mangeait sa soupe en silence. Pour Hélène, ce fut un véritable calvaire. Le livre la hantait. Elle aurait voulu crier, briser ce silence qui l'oppressait, en parler à son père. Mais elle n'y arrivait pas. Comme si quelque chose l'en empêchait... Le livre, peut-être ?
A 22 heures, Hélène ne dormait pas. Les yeux grands ouverts, la gorge toujours nouée, elle voyait, grâce à la lumière de la lune filtrant à travers les volets, le roman. Pourquoi la mettait-il dans cette état ? Pourquoi provoquait-il cette angoisse, cette terreur en elle ? Pourtant, cette histoire n'avait rien d'angoissant. En plus, elle n'était pas très avancée dans le récit. Elle suivait l'histoire du marin John Rowland, qui s'était embarqué sur un grand navire, le plus grand de l'époque, et il voguait sur la mer. Elle faisait un blocage. Comme si elle avait peur de la suite. C'était ridicule, elle le savait. Mais elle n'y arrivait pas.
Finalement, n'y tenant plus, elle alluma une bougie, prit le livre et déterminée, se força à le continuer.
Les minutes s'égrenèrent en silence, la bougie tremblota... L'horloge sonna 23 heures. Rien ne semblait bouger dans la pièce, comme si la vie retenait son souffle. Soudain, Hélène cria ! Dans son roman, le paquebot, le « Titan » faisait naufrage. Tremblante, elle lut à toute vitesse. Un iceberg avait percuté sa coque... Des centaines de personnes mourraient ! La jeune femme, fiévreuse, lâcha le livre tandis que des larmes amères coulaient sur ses joues. L'angoisse lui tordit le ventre. Elle savait. Elle savait pourquoi elle ne voulait pas le lire. Le « Titan » lui faisait trop penser au « Titanic », ce paquebot invincible que son fiancé avait pris, quatre jours avant.
Trois jours après, le 17 Avril 1912, les journaux affichèrent en gros titre le naufrage du « Titanic » qui a sombré le 14 avril, géant des mers insubmersible..
si vous avez le temps, je vous invite à lire : http://short-edition.com/oeuvre/poetik/au-croisement-de-deux-vies, ou ma nouvelle
Je vous invite à aller consoler mon Ombrecito qui a perdu son ombre et qui est en cavale avec moi. Merci.
http://short-edition.com/oeuvre/poetik/ombrecito-acrostiche
Vraiment, c'est un récit saisissant !
Merci pour ce merveilleux moment ☺
http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/le-tournis
Si vous avez un peu de temps, j'ai un fauteuil confortable mais quelque peu coquin : http://short-edition.com/oeuvre/poetik/le-fauteuil-rimbaldise#