Je m’assis sur le lit, essayant de comprendre.
Mon front vibrait d’une énergie malsaine. Les jointures de mes phalanges étaient rigides et blanches, d’avoir tant serré les poings. Je... [+]
L’itinéraire était inhabituel. Nous avions dû contourner le chemin inondé et nous empruntions un bout de forêt que nous n’avions jamais parcouru. Après trois jours de pluie continue, nous n’allions pas rebrousser chemin si tôt alors que l’accalmie incertaine ouvrait un peu le ciel. L’air était chargé d’humidité et le soleil sous des nuages plus fins réchauffait déjà le sol. Une brume épaisse se formait lentement. Dans la forêt la visibilité était encore bonne et je me fiais à mon sens de l’orientation pour rejoindre le sentier un peu plus au nord, là où il était moins argileux, donc moins inondé.
Picty me précédait, remuant frénétiquement sa petite queue de teckel en découvrant de nouvelles signatures olfactives dans les trous et recoins, où il plongeait son long museau. Il aimait débusquer les oiseaux, les écureuils qui surveillaient d’un œil à peine effrayé ce chien visiblement inoffensif et joyeux.
Nous arrivâmes à une clairière inconnue, entourée de grands arbres aux troncs musculeux. La brume était épaisse, lourde et les bruits de nos pas dans l’herbe détrempée étaient étrangement étouffés. Je distinguais les arbres de l’autre côté de la clairière et la direction me semblait bonne pour croiser le chemin dans un kilomètre ou deux.
Picty se mit soudain à détaler, flairant une présence animale, en se dirigeant vers un de ces grands chênes. Je le trouvai le nez pointé vers un trou dans le tronc à un mètre cinquante de hauteur. Sa queue s’agitait comme une boussole affolée. Le trou regorgeait visiblement d’odeurs multiples.
- Voilà, voilà, on se calme, je vais regarder ce qu’il y a là.
En prenant appui sur une racine qui dépassait du sol, je pus me hisser facilement et jeter un œil. Le trou était profond et sombre. Des plumes et des rubans de couleurs ornaient l’entrée. Je n’arrivais pas à distinguer le fond, la brume mangeait trop de lumière. J’attendis un peu pour vérifier qu’aucun pépiement ne m’interdisait de profaner ce lieu. Puis je plongeai mon bras et tâtai le fond. Des plumes très douces tapissaient l’intérieur, des grains mous devaient être des crottes d’oiseau, rien de bien passionnant. Mais en retirant mon bras, mes doigts glissèrent sur une surface lisse et dure. J’arrivai du bout de mon index à trouver l’arête d’un objet anguleux et à l’aide de mon pouce, je parvins à le redresser et l’attraper. C’était un objet métallique complètement lisse sur une face et ornée de motifs complexes sur l’autre face. Ils faisaient penser à des motifs sud-américains, aztèques ou mayas. Le métal était lourd mais je n’osai imaginer que ce soit de l’or.
Picty aboya alors qu’une ombre troubla la brume laiteuse. Je n’eus pas le temps de comprendre ce qui se passait qu’une créature ailée fondit en silence vers nous. Elle me frôla du bout de ses grandes ailes et je la vis décrire un large cercle, disparaissant dans le brouillard et après un petit cri bref, réapparut, fonçant droit sur nous. Je glissai sur la racine et tombai lourdement, l’objet s’échappa de ma main et tomba dans l’herbe. Alors, sidéré par son regard perçant, je vis la chouette raser le sol, attraper l’objet, me frôler et repartir d’un battement d’aile vers la cime de l’arbre.
J’étais trempé. La chouette me regardait, plusieurs mètres au-dessus de moi. Mais je n’étais pas disposé à céder un tel objet à un volatile voleur, ni Picty qui jappait avec réprobation. Je me hissai à nouveau sur le tronc pour vérifier s’il n’y avait pas d’autres objets, en parcourant consciencieusement tout le fond du trou avec ma main. Mais il n’y avait pas rien d’autre.
Alors que je me demandais comment j’arriverais à faire lâcher ce trésor à la chouette, un vent se leva, s’engouffra dans l’enclos de la clairière, et la brume s’éleva lentement, dégageant l’espace, révélant tous les chênes qui formaient une sorte de muraille circulaire autour de la clairière. Les troncs étaient noueux, et sur plusieurs d’entre eux, un trou d’une taille semblable à celui de mon tronc creusait l’écorce. C’est alors que je constatai avec stupeur que sur chaque arbre doté d’un trou se tenait une chouette. Toutes me fixaient avec intensité. Il y en avait plus d’une dizaine. Le vent se fit plus fort, tourbillonnant, l’herbe se couchait en suivant son mouvement circulaire. Un sifflement se fit entendre, le vent frottait l’écorce des arbres, secouait les branches et un étrange bourdonnement, très grave s’éleva. J’entendis la vibration sortir du trou devant mon tronc, comme si une gigantesque flûte de pan prenait vie dont les trous seraient dans chacun de ces arbres.
Le son entrait en résonance, je ne pouvais bouger, fasciné par ce phénomène inédit. Le vent enflait, le bourdonnement s’amplifiait et alors que je plaçai mes mains sur mes oreilles, l’air s’apaisa brusquement comme s’il avait trouvé une issue dans cette étrange arène. Le bruit s’arrêta.
Ce qui se passa à cet instant, je mis dix ans à le comprendre, à l’analyser, à le maîtriser.
Au même moment, dans chaque arbre, le bruit mat de la chute d’un objet sortit des trous. Je sursautai, guettant la chouette. Je passai à nouveau mon bras dans le trou et je trouvai avec stupéfaction une nouvelle forme métallique. Elle n’y était pas quelques minutes plus tôt. J’en étais certain. Je n’eux pas le temps de l’examiner. Je vis toutes les chouettes se mettre en mouvement en tournoyant, dans un étrange ballet. Pris de peur devant cette armada volante, je partis en courant vers le nord, accompagné de Picty qui étrangement n’aboyait plus. Je parvins à retrouver le chemin et à revenir par un sentier dégagé, en mémorisant l’endroit de cet étrange phénomène qui allait transformer mon existence.
Picty me précédait, remuant frénétiquement sa petite queue de teckel en découvrant de nouvelles signatures olfactives dans les trous et recoins, où il plongeait son long museau. Il aimait débusquer les oiseaux, les écureuils qui surveillaient d’un œil à peine effrayé ce chien visiblement inoffensif et joyeux.
Nous arrivâmes à une clairière inconnue, entourée de grands arbres aux troncs musculeux. La brume était épaisse, lourde et les bruits de nos pas dans l’herbe détrempée étaient étrangement étouffés. Je distinguais les arbres de l’autre côté de la clairière et la direction me semblait bonne pour croiser le chemin dans un kilomètre ou deux.
Picty se mit soudain à détaler, flairant une présence animale, en se dirigeant vers un de ces grands chênes. Je le trouvai le nez pointé vers un trou dans le tronc à un mètre cinquante de hauteur. Sa queue s’agitait comme une boussole affolée. Le trou regorgeait visiblement d’odeurs multiples.
- Voilà, voilà, on se calme, je vais regarder ce qu’il y a là.
En prenant appui sur une racine qui dépassait du sol, je pus me hisser facilement et jeter un œil. Le trou était profond et sombre. Des plumes et des rubans de couleurs ornaient l’entrée. Je n’arrivais pas à distinguer le fond, la brume mangeait trop de lumière. J’attendis un peu pour vérifier qu’aucun pépiement ne m’interdisait de profaner ce lieu. Puis je plongeai mon bras et tâtai le fond. Des plumes très douces tapissaient l’intérieur, des grains mous devaient être des crottes d’oiseau, rien de bien passionnant. Mais en retirant mon bras, mes doigts glissèrent sur une surface lisse et dure. J’arrivai du bout de mon index à trouver l’arête d’un objet anguleux et à l’aide de mon pouce, je parvins à le redresser et l’attraper. C’était un objet métallique complètement lisse sur une face et ornée de motifs complexes sur l’autre face. Ils faisaient penser à des motifs sud-américains, aztèques ou mayas. Le métal était lourd mais je n’osai imaginer que ce soit de l’or.
Picty aboya alors qu’une ombre troubla la brume laiteuse. Je n’eus pas le temps de comprendre ce qui se passait qu’une créature ailée fondit en silence vers nous. Elle me frôla du bout de ses grandes ailes et je la vis décrire un large cercle, disparaissant dans le brouillard et après un petit cri bref, réapparut, fonçant droit sur nous. Je glissai sur la racine et tombai lourdement, l’objet s’échappa de ma main et tomba dans l’herbe. Alors, sidéré par son regard perçant, je vis la chouette raser le sol, attraper l’objet, me frôler et repartir d’un battement d’aile vers la cime de l’arbre.
J’étais trempé. La chouette me regardait, plusieurs mètres au-dessus de moi. Mais je n’étais pas disposé à céder un tel objet à un volatile voleur, ni Picty qui jappait avec réprobation. Je me hissai à nouveau sur le tronc pour vérifier s’il n’y avait pas d’autres objets, en parcourant consciencieusement tout le fond du trou avec ma main. Mais il n’y avait pas rien d’autre.
Alors que je me demandais comment j’arriverais à faire lâcher ce trésor à la chouette, un vent se leva, s’engouffra dans l’enclos de la clairière, et la brume s’éleva lentement, dégageant l’espace, révélant tous les chênes qui formaient une sorte de muraille circulaire autour de la clairière. Les troncs étaient noueux, et sur plusieurs d’entre eux, un trou d’une taille semblable à celui de mon tronc creusait l’écorce. C’est alors que je constatai avec stupeur que sur chaque arbre doté d’un trou se tenait une chouette. Toutes me fixaient avec intensité. Il y en avait plus d’une dizaine. Le vent se fit plus fort, tourbillonnant, l’herbe se couchait en suivant son mouvement circulaire. Un sifflement se fit entendre, le vent frottait l’écorce des arbres, secouait les branches et un étrange bourdonnement, très grave s’éleva. J’entendis la vibration sortir du trou devant mon tronc, comme si une gigantesque flûte de pan prenait vie dont les trous seraient dans chacun de ces arbres.
Le son entrait en résonance, je ne pouvais bouger, fasciné par ce phénomène inédit. Le vent enflait, le bourdonnement s’amplifiait et alors que je plaçai mes mains sur mes oreilles, l’air s’apaisa brusquement comme s’il avait trouvé une issue dans cette étrange arène. Le bruit s’arrêta.
Ce qui se passa à cet instant, je mis dix ans à le comprendre, à l’analyser, à le maîtriser.
Au même moment, dans chaque arbre, le bruit mat de la chute d’un objet sortit des trous. Je sursautai, guettant la chouette. Je passai à nouveau mon bras dans le trou et je trouvai avec stupéfaction une nouvelle forme métallique. Elle n’y était pas quelques minutes plus tôt. J’en étais certain. Je n’eux pas le temps de l’examiner. Je vis toutes les chouettes se mettre en mouvement en tournoyant, dans un étrange ballet. Pris de peur devant cette armada volante, je partis en courant vers le nord, accompagné de Picty qui étrangement n’aboyait plus. Je parvins à retrouver le chemin et à revenir par un sentier dégagé, en mémorisant l’endroit de cet étrange phénomène qui allait transformer mon existence.
Il y a, dans cette finale, des textes de moins bonne qualité, mais le système de votes est ce qu'il est et cela fait partie du jeu... Ce système est un bon système parce qu'il récompense les gens qui votent et font des commentaires sur les textes mais il a aussi un effet pervers : il ne reflète pas réellement les goûts du public.
Je vous invite donc à venir prolonger le plaisir en participant à la "sélection du public" du Festival Off, sur le forum : http://short-edition.com/fr/forum/la-fabrique/imaginarius-2017-le-festival-off
Que la fête continue et longue vie au prix Imaginarius !
La fin... je suis un peu perdue... un peu abandonnée... sur le bord du chemin et mon imagination active ses neurones... j'aurais aimé aller au delà de la peur... au delà du mystère avec un dénouement peut-être un peu plus construit mais ce n'est qu'une sensation très personnelle.
Merci pour cette lecture plaisante
sylvie
Si je comprends votre raisonnement, le choix de la fin, ici, est très cohérent alors merci de vos explications et je ne crois pas à votre manque de respect ni à votre histoire de péché et encore moins à votre orgueil !!!
Si vous souhaitez un commentaire précis et argumenté, n'hésitez pas à demander et, de même, ne vous gênez pas pour venir commenter, critiquer ou même détester ma "Frontière de brumes"...
La suite de votre récit laisse présager une aventure archéologico-mystique à la Indiana Jones (avec l'allusion à une hypothétique magie Aztèque) ou magico-magique à la Harry Potter (avec ces chouettes aux allures de sentinelles) mais, en effet, vous vous arrêtez pile au moment où le récit devient VRAIMENT intéressant, ce qui est dommage, surtout que vous concluez sur une formule ("étrange phénomène qui allait transformer mon existence") qui est traditionnellement une formule d'ouverture du récit fantastique : "écoutez, lecteur, comment j'ai assisté à un étrange phénomène qui allait transformer mon existence à tout jamais" : on l'écoute parce qu'on a envie de savoir 1. quel est ce phénomène et 2. en quoi ça a changé sa vie. Vous nous laissez donc doublement frustré de ce double suspense ;) Vraiment dommage car vous avez vraiment une belle écriture...!
Excusez mon irruption dans votre conversation, j'espère ne pas vous avoir importunés.
Le votre est frappant, il fait du bien
Si mon royaume embrumé vous intéresse pour continuer votre voyage, c'est par ici... (au cas où vous ne l'auriez pas lu)
http://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/le-royaume-dans-la-brume