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L'Angélus
C'était un soir d'automne, il y avait eu ce dernier regard plein de fièvre et de douceur.
François lui avait alors fermé les yeux, puis, prenant l'enfant dans ses bras, il l'avait placé dans le petit cercueil où il reposerait désormais.
Accompagné par Paul et Gustave, ses deux aînés, ils s'étaient ensuite rendus sur la plaine, juste derrière la maison.
Là, dans le milieu du champ, on avait creusé la terre d'un bon mètre, on y avait mis le caisson de bois.
François, ses deux fils, avaient jeté par dessus la caisse des pierres et de la boue.
— Pour la croix, on la fera plus tard, avait dit le père.
Le lendemain, François et Louise étaient sortis de la maison, ils avaient traversé le champ.
Lui serrant sa fourche, elle avec la brouette ; elle était vêtue d'une robe grise et d'un tablier blanc, il avait pris son chapeau.
A l'endroit où il était, ils s'étaient arrêtés. Il avait posé la fourche sur le côté, elle avait laissé la brouette un peu plus loin.
Ils étaient demeurés un moment comme ça, tous les deux, sans rien se dire, le regard tourné vers le rectangle de terre remuée.
La journée avait été belle, des nuages lentement se déchiraient sur le ciel, mêlant leurs couleurs de blanc et de rose comme sur la palette du peintre ; c'était l'heure où la lumière se pose, où les âmes, parfois, se reposent.
Derrière, sur la plaine baignée d'une tendre lueur, le village s'apprête à s'endormir, une brume oblique enveloppe son cœur ; un clocher qui dépasse, une cloche résonne : c'est l'Angélus qui sonne.
François ôte son chapeau; il le tient maintenant à deux mains sur sa poitrine, il a la tête baissée. Un nuage s'évapore, plein de mystère, laissant se découvrir un coin de ciel encore.
Louise lui fait face, elle est en prière, les doigts joints comme une flèche vers les cieux. Elle a le buste droit, la nuque ployée, ses jambes sont fichées en terre. Elle est immobile et digne, silencieuse, confiante peut-être.
Elle semble vouloir se soumettre au ciel, à sa volonté; elle est la terre , la vie et tout cela dans le soir s’emmêle et tremble et ne fait qu'un.
C'est la prière éternelle des mères et des hommes perdus, la prière des habitants de la terre. Elle dure toujours et ne s'arrêtera jamais parce que nous serons, quoi qu'il arrive et quoi qu'on fasse, à jamais démunis devant l'enfant disparu.
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Millet (Jean-François, peintre, auteur du tableau de l'Angélus entre 1857 et 1859) n'a jamais dit qu'un enfant était possiblement enterré au pied des deux paysans. Dali, qui adorait ce tableau, s'en était,quant à lui, persuadé.
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Je me rends compte que j'aime beaucoup les textes connectés à une peinture et qu'il va vraiment falloir de je fasse des recherches sur Short édition en rentrant des noms de grands peintres pour découvrir d'autres textes.
C'est vraiment très gentil ce que vous dites, je suis très très touché. J'ai été frappé par cette idée de Dali, elle m'a inspirée et comme souvent, j'ai voulu expérimenter plusieurs approches sur un même thème et Short a accepté les deux textes. Je ne les défends pas trop... pas vraiment le temps. Merci encore Anne-Marie!