Métro. Vendredi, 15 heures.
Je suis avec mon fils Eliott, deux ans. Je ne sais pas pourquoi mais aujourd’hui, le métro est plein à craquer. Ça me stresse. J’aimerais une place assise au... [+]
Mars 2032, à la maison.
-Maman, pourquoi Eliott dit sans cesse que c´était mieux avant ?
- Ah, ma chérie. Tu n´as que 6 ans. Eliott a 19 ans. Il a connu la vie d´avant...
- La vie avant quoi ? Moi, j´aime bien notre vie...
- Oui, c´est parce que tu ne connais rien de la vie d´avant...
-Raconte –moi s´il-te-plaît... Eliott ne veut rien me dire... Il dit que c´est mieux de ne pas savoir et qu´il envie mon innocence...
- Il faudra bien que tu l´apprennes un jour... Tout a commencé en 2020, en Chine. Un virus a contaminé une partie de la population et très vite ce virus a circulé dans le monde. Dès lors, on a parlé d´une pandémie. Au début, certains ne prenaient pas cela au sérieux mais en un temps record, les hôpitaux étaient débordés. Des centaines, puis milliers de personnes en mouraient. Le nombre d´infectés augmentaient à vitesse grand V. Les gens ont commencé à paniquer et faisaient des réserves de nourriture et de papier toilette. Les magasins étaient pillés. Il n´y avait plus rien.
- Les quoi ? Magasins ? Qu´est-ce que c´est ?
- Oui, forcément. Toi, tu n´as jamais connu les magasins. A l´époque, on pouvait sortir dehors. On allait faire nos courses. C´est l´époque, où on sortait encore. Il y avait des parcs. On allait danser. Il y avait aussi le théâtre et le cinéma...
- Maman, moi, je ne comprends rien de tous ces mots...
- Evidemment, ils n´appartiennent plus à notre réalité... Avant cette pandémie, les parents allaient travailler et les enfants allaient à l´école pour apprendre à lire et à écrire et pour jouer avec les copains. Ils avaient un maître ou une maitresse qui leur donnait des cours. Certains enfants avaient même des activités extrascolaires et allaient au football, à la danse, à la gym. Moi, je râlais toujours de devoir accompagner ton frère au foot...Maintenant, cela me manque terriblement... Du jour au lendemain, on nous a dit de rester chez nous et de ne sortir que pour faire les courses. Cela devait être provisoire. On nous a parlé de 2 semaines. Puis il a été question de 5 semaines et les 5 semaines se sont transformés en mois, en années... Au début, ce n´était pas trop mal...On était content de profiter de temps entre nous, de ranger un peu la maison... et très vite nous avons perdu notre confort de vie. De moins en moins de personnes ont voulu continuer à mettre leur vie en danger pour travailler. Nous n´avons très vite plus eu accès à internet et la dernière fois que j´ai parlé à ma maman, ta mamie, c´était en août 2021. Les autorités ne nous ont plus permis de faire les courses. Nous recevions une caisse de vivre pour le mois. Il a fallu apprendre à manger beaucoup moins pour pouvoir tenir jusqu´à la prochaine livraison. Et du jour au lendemain, il n´y eut plus aucune livraison. Nous, c´est notre jardin qui nous a sauvé. Nous avions fait pousser des pommes de terre. Et puis, chaque fois qu´on se rendait compte qu´un voisin rendait l´âme, on se précipitait pour prendre les boîtes de conserves restantes. En 2023, on nous a informés que la pandémie était définitivement finie. Le constat du nombre de morts était affligeant. En un temps record, des magasins se sont réouverts, nous pouvions de nouveau sortir mais la vie était au ralenti. Tout le monde avait perdu des proches, tout le monde avait connu l´horreur. Certains avaient dû faire des choses dont ils n´étaient pas fiers pour s´en sortir. On ouvrait peu à peu des écoles mais beaucoup de parents préféraient garder leurs enfants à leur côté. Les théâtres et cinémas restaient clos. Nous n´avions plus le cœur à la fiction. La réalité avait dépassé la fiction. Nous étions pétrifiés. La seule joie que nous avions était celle de retrouver la lumière du jour. Nous évitions tous les contacts physiques. Voyager était toujours interdit. Toutes mes économies qui étaient à la banque s´étaient évaporées. Les banques avaient fermé. L´argent n´existait plus. Nous recevions des tickets pour aller chercher à manger et avions pour consigne de nous renfermer. Nous pouvions sortir que pour emmener les enfants à l´école, les chercher et faire les courses. Internet ne fonctionnait toujours pas. Peut-être que les autorités voulaient nous éviter de voir ce que le monde était devenu. Nous avions aucune idée du nombre de décès. Nous avions tous ce sentiment, d´être des survivants. Mais malheureusement, très vite, la pandémie est revenue et cette fois, elle était encore plus féroce. Depuis 2024, je n´ai plus mis un pied dehors.
- Même pour ma naissance.
- Oui, c´est papa qui a dû m´aider à accoucher. Sortir d´ici aurait été un trop grand risque. Ta naissance a illuminé notre vie. Même si nous avions très peu. Le lait nous a aidé tous à survivre et à préserver nos réserves de riz. Toi, Maya, tu ne connais que cette vie-là. Celle où on mange très peu. Celle où on vit avec la lumière du jour, sans électricité ni chauffage. Tu ne connais que la vie, où on reste à la maison à faire des jeux de société et à lire des livres. Eliott a connu les 3 repas par jour, les crêpes, les pancakes, les gâteaux, les cadeaux, les musées, le théâtre, les voyages, l´ordinateur, la télévision, le téléphone. Ne sois pas fâché contre lui quand il a l´air profondément triste. Il ressent la frustration de plaisirs perdus, d´une vie volée. Nous tenions tout pour acquis, tout pour normal et nous avons tout perdu. Tout. D´un coup ! Tu comprends ?
- Je n´ai rien compris... Mais ce n´est pas grave. Tu veux que je ramasse les vers pour le repas du jour ?
-Maman, pourquoi Eliott dit sans cesse que c´était mieux avant ?
- Ah, ma chérie. Tu n´as que 6 ans. Eliott a 19 ans. Il a connu la vie d´avant...
- La vie avant quoi ? Moi, j´aime bien notre vie...
- Oui, c´est parce que tu ne connais rien de la vie d´avant...
-Raconte –moi s´il-te-plaît... Eliott ne veut rien me dire... Il dit que c´est mieux de ne pas savoir et qu´il envie mon innocence...
- Il faudra bien que tu l´apprennes un jour... Tout a commencé en 2020, en Chine. Un virus a contaminé une partie de la population et très vite ce virus a circulé dans le monde. Dès lors, on a parlé d´une pandémie. Au début, certains ne prenaient pas cela au sérieux mais en un temps record, les hôpitaux étaient débordés. Des centaines, puis milliers de personnes en mouraient. Le nombre d´infectés augmentaient à vitesse grand V. Les gens ont commencé à paniquer et faisaient des réserves de nourriture et de papier toilette. Les magasins étaient pillés. Il n´y avait plus rien.
- Les quoi ? Magasins ? Qu´est-ce que c´est ?
- Oui, forcément. Toi, tu n´as jamais connu les magasins. A l´époque, on pouvait sortir dehors. On allait faire nos courses. C´est l´époque, où on sortait encore. Il y avait des parcs. On allait danser. Il y avait aussi le théâtre et le cinéma...
- Maman, moi, je ne comprends rien de tous ces mots...
- Evidemment, ils n´appartiennent plus à notre réalité... Avant cette pandémie, les parents allaient travailler et les enfants allaient à l´école pour apprendre à lire et à écrire et pour jouer avec les copains. Ils avaient un maître ou une maitresse qui leur donnait des cours. Certains enfants avaient même des activités extrascolaires et allaient au football, à la danse, à la gym. Moi, je râlais toujours de devoir accompagner ton frère au foot...Maintenant, cela me manque terriblement... Du jour au lendemain, on nous a dit de rester chez nous et de ne sortir que pour faire les courses. Cela devait être provisoire. On nous a parlé de 2 semaines. Puis il a été question de 5 semaines et les 5 semaines se sont transformés en mois, en années... Au début, ce n´était pas trop mal...On était content de profiter de temps entre nous, de ranger un peu la maison... et très vite nous avons perdu notre confort de vie. De moins en moins de personnes ont voulu continuer à mettre leur vie en danger pour travailler. Nous n´avons très vite plus eu accès à internet et la dernière fois que j´ai parlé à ma maman, ta mamie, c´était en août 2021. Les autorités ne nous ont plus permis de faire les courses. Nous recevions une caisse de vivre pour le mois. Il a fallu apprendre à manger beaucoup moins pour pouvoir tenir jusqu´à la prochaine livraison. Et du jour au lendemain, il n´y eut plus aucune livraison. Nous, c´est notre jardin qui nous a sauvé. Nous avions fait pousser des pommes de terre. Et puis, chaque fois qu´on se rendait compte qu´un voisin rendait l´âme, on se précipitait pour prendre les boîtes de conserves restantes. En 2023, on nous a informés que la pandémie était définitivement finie. Le constat du nombre de morts était affligeant. En un temps record, des magasins se sont réouverts, nous pouvions de nouveau sortir mais la vie était au ralenti. Tout le monde avait perdu des proches, tout le monde avait connu l´horreur. Certains avaient dû faire des choses dont ils n´étaient pas fiers pour s´en sortir. On ouvrait peu à peu des écoles mais beaucoup de parents préféraient garder leurs enfants à leur côté. Les théâtres et cinémas restaient clos. Nous n´avions plus le cœur à la fiction. La réalité avait dépassé la fiction. Nous étions pétrifiés. La seule joie que nous avions était celle de retrouver la lumière du jour. Nous évitions tous les contacts physiques. Voyager était toujours interdit. Toutes mes économies qui étaient à la banque s´étaient évaporées. Les banques avaient fermé. L´argent n´existait plus. Nous recevions des tickets pour aller chercher à manger et avions pour consigne de nous renfermer. Nous pouvions sortir que pour emmener les enfants à l´école, les chercher et faire les courses. Internet ne fonctionnait toujours pas. Peut-être que les autorités voulaient nous éviter de voir ce que le monde était devenu. Nous avions aucune idée du nombre de décès. Nous avions tous ce sentiment, d´être des survivants. Mais malheureusement, très vite, la pandémie est revenue et cette fois, elle était encore plus féroce. Depuis 2024, je n´ai plus mis un pied dehors.
- Même pour ma naissance.
- Oui, c´est papa qui a dû m´aider à accoucher. Sortir d´ici aurait été un trop grand risque. Ta naissance a illuminé notre vie. Même si nous avions très peu. Le lait nous a aidé tous à survivre et à préserver nos réserves de riz. Toi, Maya, tu ne connais que cette vie-là. Celle où on mange très peu. Celle où on vit avec la lumière du jour, sans électricité ni chauffage. Tu ne connais que la vie, où on reste à la maison à faire des jeux de société et à lire des livres. Eliott a connu les 3 repas par jour, les crêpes, les pancakes, les gâteaux, les cadeaux, les musées, le théâtre, les voyages, l´ordinateur, la télévision, le téléphone. Ne sois pas fâché contre lui quand il a l´air profondément triste. Il ressent la frustration de plaisirs perdus, d´une vie volée. Nous tenions tout pour acquis, tout pour normal et nous avons tout perdu. Tout. D´un coup ! Tu comprends ?
- Je n´ai rien compris... Mais ce n´est pas grave. Tu veux que je ramasse les vers pour le repas du jour ?