Elle le lui avait dit : « Gabriel, pas de ce côté-là ! »
Mais lui têtu comme d’habitude : « Si le GPS a dit par là, alors je vais par là ! »

— Tu vois bien que ce GPS est complètement taré, et puis Robert nous a bien dit : « La petite route à gauche, vous descendez jusqu’au village, et vous tomberez sur la nationale. C’est facile, vous descendez toujours ! » Ben là, je te signale que ça fait un quart d’heure qu’on monte, et que le chemin est de plus en plus étroit !
— Mais ma choupinette, le GPS a dit de continuer encore, alors ça va bien finir par rejoindre une route qui descend...
— T’es borné ou quoi ? Robert a dit descendez toujours ! Tu comprends ? Toujours !
— C’est vrai que là... je commence à douter un peu, mais qu’est-ce que tu veux que je fasse ? De toute façon, on ne peut plus faire demi-tour sur ce petit chemin, et en marche arrière sur six cents mètres, avec le précipice à cinquante centimètres, moi, en pleine nuit, je prends pas le risque.
— Va bien falloir prendre une décision...
À ce stade des opérations, l’affaire semblait bien mal engagée et la dispute n’était pas loin d’éclater. Mais pire que ça, aucun des deux n’avait envie de passer la nuit, perdus en montagne, et c’est bien ce qu’ils étaient... paumés comme un petit Poucet sans ses cailloux.
C’est alors que, dans l’obscurité, une lueur apparut sur les hauteurs devant eux. Faible d’abord, mais très rapidement des flashs lumineux illuminèrent la nuit. C’était plutôt surréaliste et Gisèle, inquiète, sentit la peur monter en elle.
— Mais c’est quoi ce truc ? Chéri, j’ai la trouille !
— Purée, t’as raison, on dirait un OVNI. Merde, moi aussi j’ai la trouille !
— Surtout s’ils ne sont pas pacifiques !
— T’as raison, tu vois pas qu’ils nous embarquent ? Pas envie de partir sur une planète à la con moi !
— Mais tais-toi donc, j’ai vraiment la frousse !
La lumière s’intensifia encore en perdant de l’altitude et le vieux couple n’était pas rassuré du tout. Soudain, à une vingtaine de mètres, surgit de derrière un virage... une camionnette de gendarmerie qui descendait la côte, et très vite se retrouva nez à nez avec leur propre véhicule.
— Ben merde alors, des flics... Mais qu’est-ce qu’ils foutent là ?
Un gendarme sortit sur le chemin et les rejoignit.
— M'sieur dame, vous êtes perdus ? Comment vous êtes-vous retrouvés là ?
— Ben c’est-à-dire... on voudrait rejoindre la route pour rentrer à Genève, et le GPS nous dit de continuer par là...
Le gendarme éclata de rire.
— Genève ? Et bien mes pauvres, vous n’êtes pas rendus. Votre GPS il doit être bourré !
Il rit de plus belle, et rajouta goguenard :
— Remarquez, il n’a pas tout à fait tort ; si vous continuez par là, vous arriverez à Genève... en passant par le Mont-Blanc !
Gabriel et Gisèle étaient bien un peu vexés, mais ils n’avaient pas envie de contrarier un représentant des forces de l’ordre dans l’exercice de ses fonctions, surtout si celui-ci pouvait les sortir d’une situation périlleuse.
Bref, un quart d’heure plus tard, après moult manœuvres complexes et grâce à la patience infinie de la maréchaussée bienveillante, nos deux tourtereaux étaient tirés d’affaire, et descendaient enfin vers la nationale.
— On a eu du pot quand même...
— T’as raison ma caille, t’imagines, ils nous ont même pas demandé nos papiers ou quoi que ce soit !
— Ben non, un couple de petits retraités, propres sur eux et en Jaguar... tu penses, ça inspire confiance.
— C’est sûr, on fait plus vieux bourges en goguette que dangereux délinquants.
— N’empêche, t’imagines s’ils avaient trouvé le shit ? On aurait dû dénoncer Robert et tout ça... On s’en serait certainement pas tiré facilement cette fois-ci !
— Ben oui, on aurait été mal, mais ça, c’est de ta faute aussi. La prochaine fois essaye de voler une bagnole avec un GPS à jour ! Et quand je dis : « Pas de ce côté-là », ben écoute-moi !
— Oui ma choupinette, c’est bien toi qui as toujours raison. Allez, dans une heure on est à la maison, en attendant roule-nous en donc un petit pour la route.