La course

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Marcos se tenait bien droit sur le luxueux canapé en cuir, attentif aux consignes que la femme glaciale était en train de lui donner d'une voix monocorde où perçait le dédain. « Tu te rends au Motor Pub de la zone 15 où on te remettra une boîte, à partir du moment où tu l'as en ta possession tu tiens ta vie entre tes mains. Tu ne l'ouvres pas, tu ne la perds pas, tu ne laisses personne te la prendre, tu n'as pas droit à une seule minute de retard. Tu la livres à l'entrepôt six du Quai Espérance, et fin de l'aventure pour toi. Si tu échoues, tu meurs. »
Un sbire avait posé devant lui une coupe élégante remplie d'un cocktail clair. Marcos n'y avait pas encore touché, par politesse, alors que la femme sirotait un breuvage ambré et fumait un cigare âcre qui lui donnait envie de tousser. Il était étonné et un peu déçu que ce ne soit pas Okoz en personne qui l'ait accueilli pour cette mission spéciale qu'il lui confiait, « pour éprouver ta confiance », avait précisé la femme, certainement son bras droit. Il avait été recommandé par un de ses clients un peu louches auprès de ce chef de territoire qui comptait parmi les plus redoutés. Au guidon de son Raptor, Marcos était le coursier le plus rapide de la zone 15. La vingtaine, pas très grand mais vif et nerveux, il sillonnait habilement les ruelles de cette partie de la cité. « N'oublie pas, dit froidement la femme, si tu ne réussis pas le test, si tu te laisses prendre la boîte, c'est fini pour toi. Mais après tout, qui s'en soucie ? » Elle émit un petit rire méchant et Marcos, sentant soudain sa gorge très sèche, but d'un trait le cocktail rafraîchissant, heureux de constater qu'il était sans alcool, car il devait toujours être très concentré quand il conduisait.
« À partir de maintenant tu as exactement quarante minutes », laissa tomber la femme en consultant sa montre. Il était onze heures douze. Alors Marcos se demanda dans quel guêpier il venait de se fourrer. Son quotidien avait été sans histoire jusque-là, pourquoi tout bouleverser en travaillant pour le mafieux ? « Tu tiens ta vie entre tes mains », avait dit la femme comme une menace. Il dévala les escaliers des trois étages en courant, le stress lui faisant oublier que l'immeuble cossu disposait d'un ascenseur. Une fois sur le trottoir, il posa sa main sur le guidon de Raptor et s'obligea à une respiration régulière et à se projeter mentalement le plan de la zone 15, qu'il connaissait par cœur. Le Motor Pub se trouvait à huit minutes, il enfourcha son scooter et fila. Les quartiers se succédaient, de plus en plus peuplés et populaires, on trouvait toutes sortes de marchandises illicites et de trafics dans la zone 15, et le Motor Pub était un endroit mal famé. Il y entra d'un pas pressé, cligna des yeux pour s'habituer à la pénombre malodorante et se dirigea vers le comptoir où le patron à l'air féroce le toisa, les sourcils froncés. 
— Je viens pour la boîte, lança-t-il.
— De quoi tu parles ? répondit le bonhomme hargneusement. Marcos ressentit un vertige. Il était onze heures vingt-six.
— Le colis ! Pour monsieur Okoz ! insista-t-il, affolé.
— C'est quoi ton embrouille ? s'énerva l'autre. Marcos tourna désespérément sur lui-même et aperçut une boîte en bois d'environ vingt centimètres de hauteur sur l'une des tables crasseuses, posée devant un homme en veste de motard qui l'observait d'un œil mauvais.
— Euh... c'est à vous ? La boîte, là ? demanda-t-il.
— Tu vas foutre le camp et arrêter d'emmerder mes clients, toi ! vociféra le colosse en contournant le bar. Marcos ne réfléchit pas plus, il s'empara de la boîte qui était tellement légère qu'elle faillit lui échapper des mains et décampa en la fourrant dans son blouson, tandis qu'une cavalcade retentissait derrière lui. Il sauta sur son scooter et démarra en trombe, son cœur battant tellement fort qu'il ressentit un vertige. Il enfila rapidement un dédale de ruelles qu'il connaissait par cœur pour l'avoir souvent emprunté, et chercha un endroit où il pourrait se cacher sans que Raptor soit visible, mais il entendit un vrombissement qui se rapprochait. Dans le rétroviseur, il vit le type à qui il avait volé la boîte qui le poursuivait à moto. La panique acheva de lui faire perdre la tête, il accéléra avec effroi, conscient que son petit véhicule, si vaillant soit-il, ne pourrait pas rivaliser avec l'engin monstrueux qui faisait sauter les pavés sous ses roues furieuses. Il n'avait même pas un canif pour se défendre. Et si ce n'était pas la bonne boîte ? Il ne lui restait qu'une vingtaine de minutes avant d'atteindre le Quai Espérance, mais il prenait du retard en tentant de semer son poursuivant. Il négocia mal un virage et Raptor vrilla sur le côté, provoquant leur glissement sur une vingtaine de mètres avant d'être arrêté par les barrières d'un chantier. Marcos s'ébroua, groggy, et tenta de se relever, en appui sur ses mains écorchées. Le motard descendit de son engin et secoua la tête d'un air navré.
— Allez, petit con, fin de la partie, rends-moi la boîte, dit-il d'une voix rauque.
Comme Marcos ne réagissait pas, il sortit un révolver de sa poche et esquissa un sourire narquois. Marcos soupira, vaincu, se redressa péniblement et sortit l'objet de son blouson. Il s'approcha de l'homme qui rengaina son révolver pour s'en saisir, parce que la boîte était trop grosse pour une seule main. Une sirène stridente retentit, surprenant l'homme mais pas Marcos puisque c'était lui qui avait déclenché son alarme de poche, un gadget qu'il s'était procuré pour parer à toute agression éventuelle, les coursiers étant souvent la cible des voyous. Il profita des quelques secondes de saisissement de son agresseur pour le bousculer et sauter sur sa moto dont les clés étaient restées sur le contact. Marcos s'enfuit sous une pétarade. « Putain, il me tire dessus ! », s'écria-t-il, au bord de la crise de nerfs. La vitesse de la bécane lui permit de rattraper le temps perdu et il vit bientôt se dessiner les hangars de stockage qui précédaient les Quais. Une douleur terrible serrait ses côtes et enflammait son estomac, un goût amer se répandit sur sa langue et sa respiration devint oppressée. Il s'était surtout abrasé tout le côté droit pendant sa glissade, et l'intégrité de la boîte avait même été préservée. Il ne comprenait pas l'origine de ces élancements qui s'accroissaient et se propageaient dans ses os. Il se gara devant le hangar numéro six à onze heures cinquante, soit avec deux minutes d'avance, descendit de la moto qu'il laissa choir sans prendre la peine de la retenir, fit deux pas et tomba à genoux devant Okoz qui venait à sa rencontre, un large sourire aux lèvres. 
— Ouvre la boîte, lui intima-t-il. Des voiles noirs défilaient sous le regard vacillant de Marcos. Il sut qu'il allait mourir. Il mit ses dernières forces à obtempérer, pour contempler ce qui était la cause de sa perte. C'était une boîte en bois laqué avec un fermoir doré, dont l'intérieur était matelassé de satin crème. Une petite fiole remplie d'un liquide vert pâle y était encastrée.
— Le cocktail que tu as bu dans mon bureau à onze heures douze était un poison qui agit en quarante minutes exactement. Voici l'antidote. Tu as réussi ta mission, tu as encore quelques secondes pour le boire.
 
Bien plus tard, Marcos osa demander à Vanda, la femme au cigare, ce qui se serait passé s'il n'avait pas bu le cocktail. 
— Ne t'en fais pas, j'aurais trouvé le moyen de te le faire avaler, lui répondit-elle avec un sourire vénéneux. C'est de cette façon que Marcos entra au service d'Okoz.

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