La belle Lizzie et moi

« Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. »
Laissez-moi vous raconter mon idylle. Ne soyez pas pressé. Prenez, votre petite chaise, mettez-vous à l’aise, lisez et vous comprendrez.
C’était une soirée d’été et non la moindre, on était tous là, sans exception. Même Jean y était et pourtant c’était le moins fêtard de nous tous. On avait organisé une petite fête en l’honneur de notre pote Lucas, avant son départ pour les Bahamas. Selon notre planification initiale, on serait entre potes à boire de la bière, à manger et à raconter toutes ces blagues désopilantes du passé qu’on ne cesse de remémorer. Comme on le dit souvent, les bons tout comme les mauvais souvenirs sont comme des tatous, ça nous marque pour le reste temps de notre vie. Tout allait bien, on était entre pote, quoi de mieux ?
Soudainement, on entendit frapper à la porte. C’est Mike notre vieux pote, grand buveur, qui fait son entrée, comme à son habitude en retard et avec de l’alcool plus qu’on n'en pouvait boire. Avec Mike on n’est jamais à court de boissons alcoolisées, du rhum, du whisky, de la vodka et sans oublier nos bons vieux produits locaux, le clairin haïtien et notre Rhum Barbancourt. C’était le seul de la bande qui arrivait toujours à me battre en buvant plus que moi dans les soirées arrosées, quoi que je fisse. Ben cette fois il n’était pas seul. « Allez les mecs, ce soir on va bien s’amuser et je vous ai ramené des filles, voilà Nicole et ses amies » : hurla-t-il.
Tout à coup on dirait que le monde s’était arrêté. Je ne pouvais me contraindre à la regarder, quelle beauté! De toute ma vie je n’ai jamais rencontré une fille aussi belle. Je ne sais pas où Mike a dégoté cette fille là, mais tout ce que je sais c’est que je dois lui parler. Il ne reste à savoir comment je vais faire mon approche. « Mesdames et messieurs, votre attention », il ne me restait qu’à avoir une coupe de champagne en main pour être comme ces maitres de cérémonie ou ces gens distingués qui prennent la parole en publique. Que faut-il ne pas faire pour avoir toute son attention ? Comme tout bon gentleman que je suis, je commençais par leur souhaiter la bienvenue, tout en leur offrant à manger et à boire. Ce soir-là, mon objectif avait changé, je n’avais plus intention de défier Mike, bataille perdue d’avance, en plus je devais rester lucide, il fallait que j’eusse une conversation avec elle. Mon petit numéro de tout à l’heure ne servirait à rien, si je passais la soirée sans lui dire mot. Mais comment faire ? Ça faisait plus de 30 minutes que je faisais les cent pas autour d’elle, sans pour autant l’approcher de 1 m. Qu’est-ce qui m’arrive, de toute ma vie je n’ai jamais eu peur de parler à une fille et ce n’est pas maintenant que ça allait commencer. «  Allez, ressaisis-toi mon pote ! », me disais-je. Brusquement cette lutte, entre mon moi physique et psychique, allait s’estomper quand j’entendis une voix douce me disant : « viens donc ». C’était elle, elle avait sûrement remarqué que je voulais lui parler et que j’avais eu peur. Quel imbécile, quel idiot que je fus, c’est une honte que je ne me pardonnerai jamais. Je restai là, immobile, sans dire mot. Il a fallu qu’elle prononce une deuxième phrase de sa voix angélique pour que je reprenne conscience. « Hello, ici la Terre, je ne vais pas te mordre quand même », disait-elle. L’idiot que j’étais n’a su trouver autre chose que : « C’est à moi que vous parlez mademoiselle », tout en bégaiement, mais quel con. Je passais de maitre de cérémonie à un stupide employé peureux devant son patron. « Qui d’autre, allez viens que je te parle » : me répliqua-t-elle. J’avançai timidement vers elle, et je lui lançai un petit salut de rien du tout. Elle commença par me demander si je voulais quelque chose. On dirait qu’elle aussi m’observait et voyait de loin dans mes yeux tout mon intérêt pour elle. « Rien du tout, à part ton numéro de téléphone, si vous voulez bien », dis-je. « Arrête de me vouvoyer, tu veux, et pour le numéro c’est pour plus tard, si j’en aurai toujours envie, mon nom c’est Lizzie », répondit elle. « Avec plaisir, C’est Cajoby, t’inquiète, t’en aura toujours envi », rétorquai-je. C’est ainsi que débuta notre longue et fructueuse conversation. Petit à petit en lui parlant, ma peur ainsi que ma timidité s’envolèrent. On dirait que je l’avais toujours connue. Sa douce voix, ses mimiques, son sourire, tout m’enchantait chez elle. Elle m’avait emporté dans son monde, jusqu'à même oublier que j’étais dans une fête et qu’il y avait là aussi mes potes. Tant pis ou tant mieux, ça je ne le savais pas encore, le temps nous en dira le reste.
Verre après verre, la soirée était de plus en plus belle. Moi, piètre danseur, je bougeais sur n’importe quelle musique, avec l’alcool comme chorégraphe, je ne pouvais être si mauvais que sans. On dirait qu’elle aussi prenait du plaisir. Elle dansait, chantait, j’étais stupéfié par sa beauté, sa grâce. Salutation du Dj, maintenant c’est du compas. Oui le fameux compas haïtien, comment ne pas l’aimer, c’est un style musical si parfait, surtout quand on drague une fille. Le Dj avait bien joué sur ce coup-là, on dirait qu’il avait lu dans mes pensées. Vous connaissez sûrement ces moments-là, après plusieurs verres, et que vous vous prenez pour le maitre du monde. C’est du genre, on est Superman, on peut tout faire. Dans mon cas je me suis pris pour un danseur professionnel de compas, comme ceux que j’ai l’habitude de regarder à la télé. Avec tout ça en tête, je lui tendis la main pour l’inviter à danser. On dansait merveilleusement sur un morceau d’Harmonik, titré ‘’Simplicité ‘’. Ouais une chanson qui la décrivait sans nul doute, on dirait que c’était elle la muse du compositeur, son inspiration. Mais maintenant, c’était ma muse, mon inspiration. On était accolé l’un contre l’autre et on valsait sur le rythme de la musique. Je pouvais sentir la douceur de sa peau, son souffle parfumé à la menthe qui me minouchait le visage. Sa main me caressait la peau, mon cou puis le visage, pour ensuite aller sur mes hanches. J’étais dans une autre dimension. Elle me fixait droit dans les yeux. Son regard était perçant et accusateur. On dirait qu’elle voulait quelque chose. Quoi donc ? Sans hésiter et le cœur battant à mille à l’heure, je commençai par l’embrasser, un simple baiser sur la bouche. Oh Jésus Marie Joseph, sa bouche est si douce, ses lèvres, on dirait de la mangue haïtienne charnue et bien sucrée. Je recommençai à nouveau, mais cette fois plus longuement et avec la langue. On s’embrassa pendant plusieurs minutes qui me semblaient être que des minimes secondes, sans même s’arrêter pour respirer. Elle était mon oxygène tout comme j’étais le sien. Elle a aimé et j’en suis nullement surpris, je suis peut être mauvais en danse mais pour ce qui est des baiser mouillés, croyez-moi sur parole je suis un dieu. Les choses commençaient à s’intensifier. J’ai éveillé la libido qui dormait en elle. Elle me caressait avec passion. Elle en voulait en plus. Je montais avec elle dans une chambre non loin, là-haut. Je la caressais et elle me caressait, un par un nos vêtements s’envolaient. On y était presque, plus que quelque seconde avant l’acte ultime. Il était bien debout et n’attendait que de parcourir ce chemin large ou étroit pour nous propulser tous les deux et accéder au paradis. Tout à coup je me réveillai en sueur. Mais pourquoi je me suis réveillé à cet instant, pourquoi pas 10 minutes plus tard ou même 10 secondes ? Pourquoi ? Et pourquoi ?
« Suis-je dans le noir ou est-ce que j’ai les yeux fermés ? Peut-être les deux. » Ben ouais, mesdames et messieurs, je suis couché dans le noir et j’ai les yeux fermés pour vivre ce rêve fabuleux. Donc définitivement allons-y pour les deux, les yeux fermés dans le noir.