J'aimerais
Une nuit au creux de lui
J'aimerais
L'aimer tout naturellement
Je le désire tout simplement
J'aimerais une... [+]
L’homme de Vénétie ou Le feu sacré
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Il était une fois la Terre, il était une fois la guerre. Hormis de rares îlots préservés, quelques régions épargnées, le Monde était un vaste champ de désolation. Aux quatre coins de la planète, les conflits armés s’éternisaient, les Hommes n’en finissaient pas de se chercher querelle, le profit, l’orgueil, la cupidité étaient au premier plan et la violence éternelle en toile de fond.
La nuit était tombée sur la Province de Vicence. Loin de l’animation des cités, dans un lieu reculé de Vénétie, une région prospère au blason portant lion ailé et inscription « Pax tibi » (Paix à toi), une silhouette se penchait sur un grand carnet à spirales noirci de combinaisons de chiffres, de lettres, de symboles, de formules secrètes. Paolo, un homme sans âge s’activait, travaillait d’arrache-pied, sans répit ni relâche, la passion chevillée au corps. Depuis fort longtemps il ne comptait plus ses heures et quand la fatigue le submergeait, plongeait avec délice au creux d’un lit flottant, une bulle de douceur, un instant suspendu en apesanteur.
Il aimait ce face à face avec lui-même, ces moments de solitude, ces temps de réflexion, d’agitation intérieure à l’heure où tout est calme, endormi. Son laboratoire, sa boite à idées comme il le nommait, était installé dans un pyramidion qui jouxtait son domicile. Une maison de verre qu’il avait entièrement pensée, dessinée, conçue, un dôme de lumière, un bijou de technologie articulé autour d’un axe central qui pivotait lentement, tournait imperceptiblement au gré du mouvement du soleil. Le fleuron, la pièce maîtresse de ses créations, nichée dans un écrin de verdure doté d’un pavillon porté par trois cariatides, tel un pont, une passerelle entre passé et futur.
Personnage multi-facettes, il admirait le talent, l’ingéniosité d’artistes de renom, d’architectes illustres dont les portraits ornaient les murs de son salon. C’était un touche à tout, un pionnier, un aventurier, un chercheur aux mains d’or, un doux rêveur, un idéaliste, un humaniste à plein temps, poète à ses heures perdues. Il lisait à cœur ouvert, inventait des mots, des images pour accrocher des couleurs aux nuages, réécrivait chaque jour la partition du Monde, la mélodie du bonheur, redessinait le paradis perdu.
Il avait gardé une âme d’enfant, s’émerveillait du renouveau du printemps, de la renaissance de la Nature, était naturellement pacifique, empreint d’empathie, de compassion. Un être bon, profondément intègre, ne supportant pas l’injustice, l’inhumanité de certains groupes d’individus, tout particulièrement la froideur, l’insensibilité des intelligences artificielles, en cela il exécrait les robots, avait une réelle aversion pour ces ferrailles ambulantes, au cœur et au corps de métal.
Chercheur brillant, ambitieux, Professeur émérite à l’université de Padoue, il travaillait depuis quelques années sur le génome humain. Ses travaux portaient sur les organes vitaux tels le cœur, le cerveau, la mise en culture, l’implantation de nouvelles cellules souches, le dépistage des anomalies des séquences ADN, le mécanisme du vieillissement des cellules cérébrales, le raccourcissement des télomères. Facteur déclenchant et aggravant des phénomènes de sénescence, de dégénérescence cellulaire, des pathologies sévères conduisant les malades à une triste fin. Officiellement il était censé se concentrer sur les maladies dégénératives, en parallèle désirait changer la nature profonde de l’Homme.
Volontaire, pugnace tel le Titan Prométhée, il poursuivait un seul et même but : mettre sa science, son savoir au service de l’Humanité, une seule intention l’animait : œuvrer pour le bien de ses semblables. Par le passé, il avait échoué dans quelques-uns de ses projets, ne s’était pas découragé pour autant, il savait pertinemment que l’on apprend de ses erreurs et depuis toujours qu’il réussirait à relever le défi, gagner son pari sur la vie, réaliser le rêve fou, insensé qu’il caressait. Fort de ses pensées qu’il aimait laisser vagabonder à travers les grandes baies vitrées de son labo, il se remit à l’ouvrage.
« Bonjour Professeur ! » lança Jan le lendemain avec son entrain coutumier. Un jeune étudiant qui le secondait dans ses recherches, un orphelin qu’il avait pris sous son aile, un jeune homme attachant, un assistant talentueux qui s’épanouissait à son contact. Entre eux, le courant passait.
— Ah Jan ! tu tombes bien, regarde ! Nos petits amis se portent à merveille ce matin. »
Mimi et Lulu étaient deux souris adultes, d’un certain âge qui, après traitement, avaient rajeuni de façon spectaculaire, retrouvé leur jeunesse, leur forme d’avant, couraient à présent dans tous les sens sous l’œil indifférent de Lucifer, le chat de la maison, un chat de faïence qui trônait sur l’armoire aux préparations magistrales.
« Cependant, il persiste entre eux des signes d’agressivité, poursuivit-il. Quelques réajustements et ces sautes d’humeur auront disparu ! Je crois bien mon jeune ami que nous sommes près du but et sur le point de trouver la bonne formule.
— Et les loups deviendront doux comme des agneaux ! » répondit Jan d’un clin d’œil complice, un sourire malicieux.
Au bout de plusieurs mois de travail acharné, de successions de nuits blanches, le Professeur avait atteint ses objectifs, non seulement allongé la vie de ses pensionnaires mais réussi à localiser le gène malin du patrimoine génétique, transmis de génération en génération dont il avait extrait les racines du mal, élaboré un élixir de jouvence doublé d’un philtre d’amour et d’amitié, un produit cent pour cent naturel sans effets secondaires, compatible avec le genre humain. Il restait à passer de la théorie à la pratique, faire la jonction, la transition entre recherche fondamentale et recherche appliquée selon un protocole thérapeutique précis. Après de nombreux tests précliniques, d’essais cliniques concluants, l’Agence de sécurité du médicament autorisa sa mise sur le marché.
Le grand jour arriva, le Professeur et son équipe fut distingué au-delà de ses espérances, il reçut le prix Nobel de la Paix, en compagnie de deux autres éminents chercheurs. Il ressentit un bonheur intense, une immense satisfaction, sa rigueur, sa ténacité, son entêtement, son obstination l’avaient porté, emporté jusqu’au sommet, son rêve prenait forme et vie. Il avait créé un schéma idéal, façonné un modèle vertueux, prolongé l’espérance de vie, éloigné le spectre de la guerre. En découvrant le gène de la maladie, avait isolé le gène du mal qui gangrenait l’Homme depuis la nuit des temps, le lourd héritage du passé d’Homo Sapiens ne serait bientôt plus qu’un mauvais et lointain souvenir. Une avancée, un exploit, une prouesse qui allait changer la face du Monde, le visage de l’Humanité, le cœur, l’esprit et le regard des gens.
Léonard de Vinci avait rayonné au sein des Beaux Arts, au temps de la Renaissance, les bâtisseurs œuvré à l’édification des Monuments, au temps des cathédrales, Paolo vibrait au cœur du génie génétique, aux temps modernes, pour la naissance d’un nouvel univers, l’émergence d’un monde nouveau. Le lien qui relie le passé au présent au futur, le point commun hier, aujourd’hui et demain qui unit, assemble, rassemble ces sommités est que du haut de leur talent, leur génie, leurs savoirs, leurs connaissances, tous dans leur domaine de prédilection ont gravé leur empreinte, réalisé des ouvrages qui défient le temps et l’entendement, forcé l’admiration, sont entrés dans la cour des Grands, La Légende des siècles, le siècle des Lumières.
Paolo pouvait maintenant passer le flambeau, s’accorder une parenthèse, savourer pleinement sa réussite. Mille horizons, une infinité de champs d’applications s’ouvraient devant lui le projetant au-delà, à demain, après-demain qu’il imaginait déjà, dans son esprit sans cesse en effervescence frissonnaient les prémices, les promesses d’un monde meilleur où les mots guerre, cruauté, violence, animosité seraient rayés, bannis du vocabulaire.
Il était une fois un visionnaire, il était une fois la Paix.
La nuit était tombée sur la Province de Vicence. Loin de l’animation des cités, dans un lieu reculé de Vénétie, une région prospère au blason portant lion ailé et inscription « Pax tibi » (Paix à toi), une silhouette se penchait sur un grand carnet à spirales noirci de combinaisons de chiffres, de lettres, de symboles, de formules secrètes. Paolo, un homme sans âge s’activait, travaillait d’arrache-pied, sans répit ni relâche, la passion chevillée au corps. Depuis fort longtemps il ne comptait plus ses heures et quand la fatigue le submergeait, plongeait avec délice au creux d’un lit flottant, une bulle de douceur, un instant suspendu en apesanteur.
Il aimait ce face à face avec lui-même, ces moments de solitude, ces temps de réflexion, d’agitation intérieure à l’heure où tout est calme, endormi. Son laboratoire, sa boite à idées comme il le nommait, était installé dans un pyramidion qui jouxtait son domicile. Une maison de verre qu’il avait entièrement pensée, dessinée, conçue, un dôme de lumière, un bijou de technologie articulé autour d’un axe central qui pivotait lentement, tournait imperceptiblement au gré du mouvement du soleil. Le fleuron, la pièce maîtresse de ses créations, nichée dans un écrin de verdure doté d’un pavillon porté par trois cariatides, tel un pont, une passerelle entre passé et futur.
Personnage multi-facettes, il admirait le talent, l’ingéniosité d’artistes de renom, d’architectes illustres dont les portraits ornaient les murs de son salon. C’était un touche à tout, un pionnier, un aventurier, un chercheur aux mains d’or, un doux rêveur, un idéaliste, un humaniste à plein temps, poète à ses heures perdues. Il lisait à cœur ouvert, inventait des mots, des images pour accrocher des couleurs aux nuages, réécrivait chaque jour la partition du Monde, la mélodie du bonheur, redessinait le paradis perdu.
Il avait gardé une âme d’enfant, s’émerveillait du renouveau du printemps, de la renaissance de la Nature, était naturellement pacifique, empreint d’empathie, de compassion. Un être bon, profondément intègre, ne supportant pas l’injustice, l’inhumanité de certains groupes d’individus, tout particulièrement la froideur, l’insensibilité des intelligences artificielles, en cela il exécrait les robots, avait une réelle aversion pour ces ferrailles ambulantes, au cœur et au corps de métal.
Chercheur brillant, ambitieux, Professeur émérite à l’université de Padoue, il travaillait depuis quelques années sur le génome humain. Ses travaux portaient sur les organes vitaux tels le cœur, le cerveau, la mise en culture, l’implantation de nouvelles cellules souches, le dépistage des anomalies des séquences ADN, le mécanisme du vieillissement des cellules cérébrales, le raccourcissement des télomères. Facteur déclenchant et aggravant des phénomènes de sénescence, de dégénérescence cellulaire, des pathologies sévères conduisant les malades à une triste fin. Officiellement il était censé se concentrer sur les maladies dégénératives, en parallèle désirait changer la nature profonde de l’Homme.
Volontaire, pugnace tel le Titan Prométhée, il poursuivait un seul et même but : mettre sa science, son savoir au service de l’Humanité, une seule intention l’animait : œuvrer pour le bien de ses semblables. Par le passé, il avait échoué dans quelques-uns de ses projets, ne s’était pas découragé pour autant, il savait pertinemment que l’on apprend de ses erreurs et depuis toujours qu’il réussirait à relever le défi, gagner son pari sur la vie, réaliser le rêve fou, insensé qu’il caressait. Fort de ses pensées qu’il aimait laisser vagabonder à travers les grandes baies vitrées de son labo, il se remit à l’ouvrage.
« Bonjour Professeur ! » lança Jan le lendemain avec son entrain coutumier. Un jeune étudiant qui le secondait dans ses recherches, un orphelin qu’il avait pris sous son aile, un jeune homme attachant, un assistant talentueux qui s’épanouissait à son contact. Entre eux, le courant passait.
— Ah Jan ! tu tombes bien, regarde ! Nos petits amis se portent à merveille ce matin. »
Mimi et Lulu étaient deux souris adultes, d’un certain âge qui, après traitement, avaient rajeuni de façon spectaculaire, retrouvé leur jeunesse, leur forme d’avant, couraient à présent dans tous les sens sous l’œil indifférent de Lucifer, le chat de la maison, un chat de faïence qui trônait sur l’armoire aux préparations magistrales.
« Cependant, il persiste entre eux des signes d’agressivité, poursuivit-il. Quelques réajustements et ces sautes d’humeur auront disparu ! Je crois bien mon jeune ami que nous sommes près du but et sur le point de trouver la bonne formule.
— Et les loups deviendront doux comme des agneaux ! » répondit Jan d’un clin d’œil complice, un sourire malicieux.
Au bout de plusieurs mois de travail acharné, de successions de nuits blanches, le Professeur avait atteint ses objectifs, non seulement allongé la vie de ses pensionnaires mais réussi à localiser le gène malin du patrimoine génétique, transmis de génération en génération dont il avait extrait les racines du mal, élaboré un élixir de jouvence doublé d’un philtre d’amour et d’amitié, un produit cent pour cent naturel sans effets secondaires, compatible avec le genre humain. Il restait à passer de la théorie à la pratique, faire la jonction, la transition entre recherche fondamentale et recherche appliquée selon un protocole thérapeutique précis. Après de nombreux tests précliniques, d’essais cliniques concluants, l’Agence de sécurité du médicament autorisa sa mise sur le marché.
Le grand jour arriva, le Professeur et son équipe fut distingué au-delà de ses espérances, il reçut le prix Nobel de la Paix, en compagnie de deux autres éminents chercheurs. Il ressentit un bonheur intense, une immense satisfaction, sa rigueur, sa ténacité, son entêtement, son obstination l’avaient porté, emporté jusqu’au sommet, son rêve prenait forme et vie. Il avait créé un schéma idéal, façonné un modèle vertueux, prolongé l’espérance de vie, éloigné le spectre de la guerre. En découvrant le gène de la maladie, avait isolé le gène du mal qui gangrenait l’Homme depuis la nuit des temps, le lourd héritage du passé d’Homo Sapiens ne serait bientôt plus qu’un mauvais et lointain souvenir. Une avancée, un exploit, une prouesse qui allait changer la face du Monde, le visage de l’Humanité, le cœur, l’esprit et le regard des gens.
Léonard de Vinci avait rayonné au sein des Beaux Arts, au temps de la Renaissance, les bâtisseurs œuvré à l’édification des Monuments, au temps des cathédrales, Paolo vibrait au cœur du génie génétique, aux temps modernes, pour la naissance d’un nouvel univers, l’émergence d’un monde nouveau. Le lien qui relie le passé au présent au futur, le point commun hier, aujourd’hui et demain qui unit, assemble, rassemble ces sommités est que du haut de leur talent, leur génie, leurs savoirs, leurs connaissances, tous dans leur domaine de prédilection ont gravé leur empreinte, réalisé des ouvrages qui défient le temps et l’entendement, forcé l’admiration, sont entrés dans la cour des Grands, La Légende des siècles, le siècle des Lumières.
Paolo pouvait maintenant passer le flambeau, s’accorder une parenthèse, savourer pleinement sa réussite. Mille horizons, une infinité de champs d’applications s’ouvraient devant lui le projetant au-delà, à demain, après-demain qu’il imaginait déjà, dans son esprit sans cesse en effervescence frissonnaient les prémices, les promesses d’un monde meilleur où les mots guerre, cruauté, violence, animosité seraient rayés, bannis du vocabulaire.
Il était une fois un visionnaire, il était une fois la Paix.
Petit lexique médical à l’intention des profanes. ;-)
Cellule souche : cellule indifférenciée capable de « générer des cellules spécialisées, régénérer des tissus voire de créer de toutes pièces des tissus et organes, c'est l'objectif de la thérapie cellulaire. »
Séquence ADN : molécule présente dans chaque cellule et contenant le code génétique d’un individu. Une séquence en établit la chaîne des caractères et caractéristiques.
Télomère : sorte de bouchon situé à l’extrémité d’un chromosome qui préserve l’intégralité du patrimoine génétique et raccourcit lors du vieillissement, des maladies telles Alhzeimer et Lévy.
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A propos des " bâtisseurs de cathédrales, des ouvrages qui défient le temps… " une phrase qui résonne tristement aujourd’hui après la tragédie, au surlendemain de la destruction, l’effondrement d’une partie de Notre Dame qui conte toute l’âme de Paname, contient tout le cœur de Paris et qui fera très certainement l’objet d’un nouveau fil, d’une page dédiée. Quelques mots, mille et une pensées émues s’envolent vers la capitale, la Dame de cœur. ♥