Je n’aurais pas dû venir. Même pas le choix de la couleur, pour la combinaison. Ce vert prairie, maculé de cambouis, donne à mon visage un air maladif. Si j’avais su, j’aurais mis de ce fond de teint miraculeux, ou au moins du blush, histoire d’être présentable. Et puis ces bandes sur les côtés, qui ne font qu’accentuer les points faibles de ma silhouette. Et ce casque infect, lourd, à la propreté douteuse, je n’ose pas imaginer mes cheveux quand je l’enlèverai. Les autres s’en moquent, visiblement. Me joindre à eux était une mauvaise idée. Ma gorge est déjà irritée par les gaz d’échappement. Je devine une odeur de transpiration et de pieds sales, pas forte, non, mais persistante, je l’ai sentie dès qu’on est arrivés. Je suis au bord de l’écœurement alors qu’on n’a même pas commencé. Je ne peux pas m’empêcher d’être sensible à toutes ces choses. Est-ce qu’ils le sont aussi ? Pourquoi ne le seraient-ils pas ?
— Allez les gars, on y va, et pas de pitié pour le futur marié !
Mes oreilles sifflent et bourdonnent. Le son des moteurs, les coups d’accélérateur, à l’arrêt, avant le démarrage, juste pour montrer leur puissance. Ce truc de mecs, que je n’arrive pas à comprendre. Quand ils discutent, entre eux, de leurs bagnoles « en plus, le bruit du moteur est magnifique... ». Je n’ai jamais compris. Une voiture qui fait un beau bruit, c’est une voiture qui ne fait pas de bruit. Le silence. Que ne donnerais-je pas pour une minute de silence. Une toute petite parenthèse de calme et d’apaisement.
Mais je dois y aller. C’est le moment. Il faut appuyer sur l’accélérateur, tourner ce volant minuscule, dans ce véhicule minuscule, même pour moi, frêle mésange. Je devrais jouer le jeu. Faire comme eux. Y aller à fond, vas-y que je te passe devant, que je te fais une queue de poisson. Sourires carnassiers sous les casques, comme si l’enjeu était vital. Tout ça pour du kart. Je n’ai qu’une envie, laisser couler, laisser les autres en tête et avancer tranquillement, comme sur une petite route de campagne en lacets, profiter du paysage bucolique, entendre, presque, le bruit des oiseaux. De toute façon il n’y a rien à gagner. Si, des points. Des points...
Je ne veux pas de points. Je ne veux pas faire semblant.
Je n’accélère pas. J’y suis, sur ma route de campagne. Ils me doublent tous, une fois, deux fois, trois fois. Pour le silence, on repassera. Mais je me délecte des quelques secondes moins bruyantes, quand les premiers m’ont dépassé et que les autres ne m’ont pas encore rattrapé. Et je souris. Je repense à cette chanson. Lorsque je l’entends, mes poils se hérissent. « Tu seras viril mon kid... » La première fois que je l’ai écoutée, j’ai pleuré. Une boule s’est formée dans ma gorge dès le premier couplet. Une chanson qui parle de ma différence. « Tu brilleras par ta force physique, ton allure dominante, ta posture de caïd... ». Une chanson qui passe à la radio. Souvent. Une belle chanson, une bonne chanson, à la mélodie accrocheuse. « Mais moi, mais moi, je joue avec les filles... ». La voix d’Eddy de Pretto, grave, profonde, puissante et suave à la fois, magique : je suis sûr que les gens écoutent les paroles. Sans doute pas tout, mais il suffit de bribes, peut-être, pour qu’ils comprennent. « Virilité abusive... Virilité abusive... ».
Je suis un homme.
Je coupe le moteur.
— Allez les gars, on y va, et pas de pitié pour le futur marié !
Mes oreilles sifflent et bourdonnent. Le son des moteurs, les coups d’accélérateur, à l’arrêt, avant le démarrage, juste pour montrer leur puissance. Ce truc de mecs, que je n’arrive pas à comprendre. Quand ils discutent, entre eux, de leurs bagnoles « en plus, le bruit du moteur est magnifique... ». Je n’ai jamais compris. Une voiture qui fait un beau bruit, c’est une voiture qui ne fait pas de bruit. Le silence. Que ne donnerais-je pas pour une minute de silence. Une toute petite parenthèse de calme et d’apaisement.
Mais je dois y aller. C’est le moment. Il faut appuyer sur l’accélérateur, tourner ce volant minuscule, dans ce véhicule minuscule, même pour moi, frêle mésange. Je devrais jouer le jeu. Faire comme eux. Y aller à fond, vas-y que je te passe devant, que je te fais une queue de poisson. Sourires carnassiers sous les casques, comme si l’enjeu était vital. Tout ça pour du kart. Je n’ai qu’une envie, laisser couler, laisser les autres en tête et avancer tranquillement, comme sur une petite route de campagne en lacets, profiter du paysage bucolique, entendre, presque, le bruit des oiseaux. De toute façon il n’y a rien à gagner. Si, des points. Des points...
Je ne veux pas de points. Je ne veux pas faire semblant.
Je n’accélère pas. J’y suis, sur ma route de campagne. Ils me doublent tous, une fois, deux fois, trois fois. Pour le silence, on repassera. Mais je me délecte des quelques secondes moins bruyantes, quand les premiers m’ont dépassé et que les autres ne m’ont pas encore rattrapé. Et je souris. Je repense à cette chanson. Lorsque je l’entends, mes poils se hérissent. « Tu seras viril mon kid... » La première fois que je l’ai écoutée, j’ai pleuré. Une boule s’est formée dans ma gorge dès le premier couplet. Une chanson qui parle de ma différence. « Tu brilleras par ta force physique, ton allure dominante, ta posture de caïd... ». Une chanson qui passe à la radio. Souvent. Une belle chanson, une bonne chanson, à la mélodie accrocheuse. « Mais moi, mais moi, je joue avec les filles... ». La voix d’Eddy de Pretto, grave, profonde, puissante et suave à la fois, magique : je suis sûr que les gens écoutent les paroles. Sans doute pas tout, mais il suffit de bribes, peut-être, pour qu’ils comprennent. « Virilité abusive... Virilité abusive... ».
Je suis un homme.
Je coupe le moteur.
Mon personnage a une sensibilité particulière aussi... Si tu es intéressée, c'est par ici https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/dix-neuf-mars
à lire mon œuvre qui est également en lice ! Merci d’avance !
Je concours aussi avec mon texte : " de roues en roues "
J'ai un haïku en compétition, si ça vous dit...
Je suis en lice avec l'âne et la moto...