Je n'ai pas vu, mais j'ai su

Suis-je dans le noir ou ai-je les yeux fermés ? Peut-être les deux. Quand on lui dit de faire le ménage, même occupée, petite fille ne répond pas, elle se lève et obéit. A chaque fin de semaine, elle s’en va au bord de la rivière pour faire la lessive et amuser ses petits frères et sœurs. Très jeune, de lourdes responsabilités pèsent sur ses épaules ; elle s’occupe non seulement de la maison, mais aussi du foyer. Petite fille est sage, modèle et intelligente. Ses parents la chérissaient plus que tout au monde. Le père lui apprit l’endurance ; quant à la mère, elle lui transmit l’humilité et l’importance de l’effort. Petite fille n’est pas inutilement émotive. Même dans la plus amère des tristesses, ses larmes ne couleront pas. A 18 ans, jeune fille est prête pour la vie. Elle vit grâce à son talent, la couture, et ne dépend plus de personne. Puisque toute mer n’est pas toujours calme, toute vie n’est pas toujours stable. Quand il n’y a rien à manger, elle se dit « tout s’arrangera sûrement ». Arrivée à la quarantaine, dame a un train de vie humble, mais bien rempli. Elle n’attend pas de ses enfants qu’ils soient comme elle, mais ces derniers l’admirent, la copient et veulent l’avoir à leurs côtés pour toute la vie. Par contre arriva le jour où la vie lui échappa, mais la bien-aimée ne sera jamais oubliée. Pourquoi ? Avant cela elle eût la possibilité de conter sa vie à ses petits enfants. Ils furent si absorbés par le récit qu’ils ont l’impression de voir et ressentir chaque scène décrite. Ils pensaient même être dans le noir ou avoir les yeux fermés. Mais petite fille sait que ce n’est ni l’un ni l’autre. Petite vient d’enseigner que voir ou ne pas voir n’est pas le plus important, et que seule la compréhension l’est.