— Mais qui c’est Papa cet invité ?
— Tu verras, c’est une surprise….
Cela fait une bonne heure que Théo et son père se promènent dans le cadre majestueux de la forêt de... [+]
J'ai pas de peau !
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Il est dix-huit heures, j'arrive à la maison et dépose jusqu'au lendemain mon uniforme de travail. C'est un bleu plein d'ecchymoses, rempli de bruits de marteau-piqueur et couvert de poussière. Il est froissé par le temps, il courbe le dos. Il est fourni avec un sourire docile, une réserve de blagues-de-pause-déj' et des mains épaisses. Ma fille gazouille dans la pièce d'à côté. Ni une ni deux me voilà dans ma peau de papa. Une peau qui garde tout, les bisous sur les joues qui sentent le goûter au chocolat, les petits doigts accrochés au cou, les bras autour d'une jambe et les secrets dans une oreille. C'est une peau que j'aime bien, même si elle est parfois fatigante à porter, surtout vers le deuxième biberon de quatre heures du matin. Après quelques jeux avec mes enfants, je me dirige vers la cuisine et je passe en mode Bob-le-bricoleur-explorateur-de-placards. J'aime bien ce rôle-là. Ce tablier qui se couvre de tâches, ces doigts qui attrapent un peu tout et s'enfoncent dans la pâte et la salive qui monte dans ma bouche. J'aime moins l'option « Pourquoi on mange pas des frites ? » Pour moi, Bob-le-bricoleur-explorateur-de-placards est un rôle de super-héros : sans recette et sans budget, je sais tout faire ! J'entends un bruit : c'est ma femme qui rentre. Elle a sa tête des mauvais jours et sa raideur de maîtresse de maison. Elle a enfilé le tout par-dessus sa panoplie de bombe sexuelle et je voudrais la voir se dévêtir de ses sourcils froncés et de ses bras croisés. Je la regarde, elle me sourit, de ce sourire assorti à la garde-robe des vieux couples qui rentrent fatigués du travail le soir. C'est un sourire qu'elle partage avec son peignoir de maman porteuse de biberon à quatre heures du matin et son tailleur de vendeuse. Un sourire poli, dû et discret : bref un accessoire coûteux. Elle s'approche de moi et me lance :
— T'as l'air bizarre, à quoi tu penses ?
Alors je sors mon armure de prince charmant des blagues, celui que je portais quand on s'est rencontrés et je dis :
— J'étais en train d'imaginer comment serait la vie si tous les rôles qu'on joue – salarié, parent, ami – étaient des espèces d'habits qu'on porte et qu'on change.
— Ah ? Alors ton fils doit avoir des vies trépidantes si j'en juge le nombre de chaussettes qu'il laisse traîner partout...
— T'as l'air bizarre, à quoi tu penses ?
Alors je sors mon armure de prince charmant des blagues, celui que je portais quand on s'est rencontrés et je dis :
— J'étais en train d'imaginer comment serait la vie si tous les rôles qu'on joue – salarié, parent, ami – étaient des espèces d'habits qu'on porte et qu'on change.
— Ah ? Alors ton fils doit avoir des vies trépidantes si j'en juge le nombre de chaussettes qu'il laisse traîner partout...
Merci pour ce texte original et distrayant