La maison me déplut d’emblée. Pas seulement à cause de son aspect lugubre, mais parce qu’il s’en dégageait quelque chose de malsain, comme si un venin l’imbibait jusqu’aux poutres... [+]
« Vivre est la chose la plus rare au monde. La plupart des gens se contentent d'exister » assénait le vieil Oscar. Longtemps, j’ai rien fait qu’exister, comme tout le monde, ou presque. Comme tout le monde, ou presque, on m’a craché sur Terre. Comme tout le monde, ou presque, on m’a rien expliqué. Comme tout le monde, ou presque, j’ai pris des gifles, des grandes baffes de forain dans ma petite gueule de con, et quelques caresses aussi, faut être juste. La vie est venue à moi de bien des façons, comme tout le monde, ou presque. Beaucoup d’ennui, pas mal d’emmerdes et aussi du merveilleux, juste assez. On m’a dit « c’est comme ça, mon gars, faut s’y faire ». « Bon » j’ai dit. Mais, je sais pas pour vous, mais moi, ça me laissait comme un arrière-goût. Je gardais au ventre une espèce de révolte. Je dois être le fils à Johnny, pas d’autre explication. Dans ma tête, il y doit y avoir un loup en santiags avec un aigle au-dessus et un moustachu qui regarde. Tout ça dans le look de François Fillon, personne aurait pu soupçonner, je laissais rien transparaître. Les moins malins s’y sont laissé prendre, je peux comprendre. On a tous sa « route 66 », pas vrai ? Pour passer le temps, je me suis mis à observer les bêtes, certains les aiment, moi, elles m’écœurent un peu. Dixit Loana « La Nature c’est chaud », je suis pas loin de partager son avis. Alors je me suis tourné vers le Tout Puissant et mes problèmes ont disparu, mais bon, encore faut-il y croire. Après cette parenthèse, l’Existence s’est remise à cogner à grands poings. Ventre à terre, la gueule en sang, je me suis toujours pas résigné. On m’a allongé sur un beau divan rouge, ça m’a pas mal soulagé mais la rage est restée. Faut croire que j’étais de la graine d’insurgé, un Jules Vallès, un Ravachol ! Qu’est-ce que vous voulez, j’avais soif de justice du fond de mes pantoufles, je voulais la liberté ! Toujours sans rien dire, j’ai ouvert grand des bouquins. Des plus malins que moi avaient décortiqué le système jusqu’au fond des rouages. Leurs conclusions étaient nettes : on se résigne ou on prend les armes. Pas d’autre alternative. On s’extirperait pas comme ça de notre condition, la Liberté, ça s’arrache ! Salut Robespierre, ça gaze ? C’était assez opposé à ma nonchalance naturelle qui me conférait des opinions plutôt pacifiques, mais plus j’avançais plus je trouvais que les têtes avaient bien fait de rouler dans les paniers. À moi Fouquier, à nous Tinville ! Il y avait un prix à payer pour nous sortir de nous-mêmes, un tribut saignant.
Les idées nouvelles ont pénétré les couches de la société avec lenteur et obstination, les sensibilités ont évolué peu à peu. Lorsque les hommes ont été prêts, les lois sont tombées, des articles violemment antinaturels, les mêmes droits pour tous, la dignité de chacun, va expliquer ça à mon Jack Russel... ! Qui, de nos jours, parviendrait à tolérer l’esclavage aussi facilement que nos ancêtres les plus placides ? Personne, nous avons changé camarades ! Une mentalité, une opinion, ça se secoue, ça se dresse, ça se corrige ! Car avant toute chose, notre état primitif, c’est de subir et d’attendre. Si personne n’y fait rien, aucun progrès possible, j’emploie le terme à dessein. À part le comité de rédaction de Valeurs Actuelles et les mecs de « Jalons », qui peut nier que les Droits de l’Homme sont un progrès ? Qui peut vouloir revivre aux temps sordides de la paysannerie ? Et c’est pas fini, notre sensibilité va continuer de s’hypertrophier, bientôt on pourra plus bouffer ni animaux ni végétaux, tu pisseras plus contre un arbre, on découvrira que les particules d’eau peuvent souffrir. Alors, on sera bien forcés d’y retourner, à l’état de nature, ou de disparaître. Décidemment, on n’a pas le cul sorti des ronces...
Les idées nouvelles ont pénétré les couches de la société avec lenteur et obstination, les sensibilités ont évolué peu à peu. Lorsque les hommes ont été prêts, les lois sont tombées, des articles violemment antinaturels, les mêmes droits pour tous, la dignité de chacun, va expliquer ça à mon Jack Russel... ! Qui, de nos jours, parviendrait à tolérer l’esclavage aussi facilement que nos ancêtres les plus placides ? Personne, nous avons changé camarades ! Une mentalité, une opinion, ça se secoue, ça se dresse, ça se corrige ! Car avant toute chose, notre état primitif, c’est de subir et d’attendre. Si personne n’y fait rien, aucun progrès possible, j’emploie le terme à dessein. À part le comité de rédaction de Valeurs Actuelles et les mecs de « Jalons », qui peut nier que les Droits de l’Homme sont un progrès ? Qui peut vouloir revivre aux temps sordides de la paysannerie ? Et c’est pas fini, notre sensibilité va continuer de s’hypertrophier, bientôt on pourra plus bouffer ni animaux ni végétaux, tu pisseras plus contre un arbre, on découvrira que les particules d’eau peuvent souffrir. Alors, on sera bien forcés d’y retourner, à l’état de nature, ou de disparaître. Décidemment, on n’a pas le cul sorti des ronces...
Julien.
https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/pour-un-dernier-sourire
Si ce n'est encore fait, ce texte est en finale, merci de le soutenir.
N'hésitez pas à en faire de même si, seulement, ma nouvelle vous plait :) Un voyage au Japon en 3 minutes chrono : https://short-edition.com/fr/oeuvre/tres-tres-court/une-main-tendue-4